Audrey Lamy : "J'ai envie d'aller droit au but"

Dans "La Brigade", en salles le 23 mars, Audrey Lamy joue une seconde de cuisine catapultée à la cantine d'un foyer pour mineurs migrants. Son personnage va apprendre à tourner les circonstances à son avantage pour réaliser son rêve de devenir cheffe. L'actrice nous a parlé de sa trajectoire, des jeunes réfugiés avec qui elle partage l'affiche et de son rêve fraîchement réalisé.

Audrey Lamy : "J'ai envie d'aller droit au but"
© Audrey Lamy au Festival de l'Alpe d'Huez, le 21 janvier 2022 - Reynaud Julien/APS-Medias/ABACA

Le réalisateur de La Brigade, en salles le 23 mars, décrit Audrey Lamy comme son "alter-ego". Depuis leur collaboration sur Les Invisibles, géniale comédie sociale sur des femmes SDF, Louis-Julien Petit et son actrice semblent s'être bien trouvés. La preuve avec leur nouvelle collaboration, une franche réussite empreinte d'optimisme malgré un sujet difficile.
La comédienne adorée du public depuis Scènes de ménage joue ici une seconde de cuisine ambitieuse, dont l'objectif est de réussir seule à ouvrir son propre restaurant. Parce que la vie nous parachute souvent là où on ne s'y attend pas, la pétillante et frondeuse Cathy Marie se retrouve à gérer la cantine d'un foyer pour réfugiés mineurs. Pas tout à fait l'univers gastronomique espéré et pourtant, c'est au contact de ces rescapés volontaires qu'elle va se révéler. Audrey Lamy, qui donne la réplique à de jeunes hommes dans la même situation que leurs personnages, est solaire, émouvante, énergique. Son jeu lui a valu de repartir du Festival de l'Alpe d'Huez avec le prix de l'interprétation féminine. A l'image de son personnage, avec ce film, Audrey Lamy réalise elle aussi l'un de ses rêves : partager l'affiche avec François Cluzet, en directeur de foyer profondément humain. On a parlé avec elle de cette expérience riche en émotions et de sa carrière.

Après Les Invisibles, qu'est-ce qui vous a poussée à retrouver Louis-Julien Petit pour La Brigade ?
Audrey Lamy
 : C'est un réalisateur exceptionnel par son investissement, son engagement, son optimisme. Il montre des sujets délicats en y injectant de l'amour, de l'humour, de l'humanisme. Sans éluder la réalité, il arrive ajoute de la légèreté à son histoire. Il y a de la joie, du rire, des sourires, de la fraîcheur. On sort de ses films en se disant "ça fait du bien" alors qu'on vient de regarder un sujet sérieux. On entend des discours tellement radicaux qu'on se dit souvent qu'il n'y a pas d'issue. Louis-Julien trouve des solutions et ouvre une porte grâce à l'humour pour rendre le sujet des réfugiés accessible à tous.

"Quelque soit notre religion, notre couleur de peau, notre culture, on a tous un potentiel extraordinaire"

Il a écrit le rôle principale de la cheffe Cathy Marie en pensant à vous...
Audrey Lamy
 : Il s'est dit que rien n'était acquis. Ce n'est pas parce qu'on a travaillé ensemble, qu'on est devenus amis et qu'on avait envie de réitérer l'expérience que je devais forcément accepter. Il voulait que je le fasse seulement s'il y avait un coup de cœur immédiat pour le film. C'est ce qui s'est passé. Le sujet est fort, les personnages troublants. Quand je lis un scénario, je me demande toujours si j'ai envie de voir ce film en tant que spectatrice. Avant d'être actrice, je suis consommatrice. Quand je vais au cinéma, j'ai envie de m'éclater, d'apprendre quelque chose, d'avoir des émotions, de m'ouvrir sur un sujet que je connais peu. Parce que La Brigade cochait toutes les cases, j'avais envie d'y participer. La cerise sur le gâteau, c'est ce personnage.

Audrey Lamy et Chantal Neuwirth dans "La Brigade" © Apollo Films

Comment voyez-vous Cathy Marie ?
Audrey Lamy
 : Cathy passe de l'individualisme au collectif. Elle n'est pas entendue, pas considérée. Alors que sa boss l'empêche de réaliser son rêve de devenir cheffe, elle va être embauchée dans un foyer de jeunes migrants. Là-bas, elle se révèle. Elle apprend et s'émancipe. J'aime que le film mette tout le monde au même niveau. Lorenzo, le directeur des lieux, est lui aussi empêché dans sa volonté d'aider les autres. Ces jeunes sont empêchés de s'intégrer, l'amie de Cathy, Fatou, est empêchée de réussir en tant qu'actrice. Tous ces personnages vont réussir, par le collectif, à se rassembler et à atteindre l'objectif qu'ils se sont fixé. Quelque soit notre religion, notre couleur de peau, notre culture, on a tous un potentiel extraordinaire. Il suffit d'avoir un déclencheur qui nous offre l'opportunité d'y arriver.

Vous êtes-vous déjà sentie empêchée ?
Audrey Lamy 
: Certainement, on l'a tous été à un moment donné. Avec l'âge, je m'enquiquine moins. Quand quelque chose m'agace, je m'exprime. Depuis que j'ai mes enfants, j'ai atteint une maturité que je n'avais pas il y a 20 ans. J'avais peur, j'acceptais certaines choses qui allaient à l'encontre de ma personne. Aujourd'hui je me connais par cœur, j'ai envie d'aller droit au but.

"Je n'ai jamais fait quoi que ce soit par obligation"

Quelle a été l'expérience déterminante, celle qui vous a donné votre chance ?
Audrey Lamy 
: Intégrer le conservatoire. J'ai réalisé que j'ouvrais les portes d'une école démente pour apprendre un maximum de choses. On m'a formée à la comédie, à la tragédie, à l'écriture, à la mise en scène, au clown, à la danse. Pendant trois ans, tu as accès à tout, même à une bibliothèque dingue où tu peux lire toutes les œuvres que tu veux. Tu as des décors, des costumes extraordinaires. Cet écrin te permet de tout fabriquer avec une liberté folle. Là-bas, je me suis dit qu'on me laissait ma chance, que je pourrais ensuite utiliser le savoir engrangé pendant 3 ans.

Cathy Marie veut devenir cheffe de son propre restaurant, mais sa trajectoire l'emmène ailleurs... Etes-vous parvenue à suivre le chemin que la Audrey Lamy du conservatoire imaginait ?
Audrey Lamy
 : Jusqu'à maintenant, j'ai fait de vrais choix coups de cœur. Je n'ai jamais fait quoi que ce soit par obligation. Que ce soit à la télévision, au cinéma ou au théâtre, j'ai toujours suivi mes envies. C'est une liberté dingue. J'espère pouvoir continuer à participer à des projets qui me passionnent et dans lesquels je m'émancipe totalement. La route est encore très longue, j'en suis quasiment au départ, mais cette voie-là n'est pas trop mal (sourire).

Audrey Lamy et les jeunes de "La Brigade" © Marcel Hartmann - Apollo Films

Dans le film, vous donnez la réplique à des jeunes ayant eux-mêmes fuit leur pays. Que vous ont-ils apporté ?
Audrey Lamy
 : Le recul, l'humilité, tout. Ils ont mis leur histoire au service du film, on ne peut qu'être touché par leurs parcours, qui sont une tragédie absolue. Ils ont quitté leur famille, leurs amis, leur culture, leur pays alors qu'ils n'étaient qu'enfants. Ça me bouleverse. J'aimerais que l'on prenne soin de mes enfants s'ils devaient être obligés de partir de chez moi, qu'ils puissent être entendus, considérés, qu'on leur apporte quelque chose. Ces jeunes nous ont confié venir ici pour vivre, pas pour prendre. Ils sont en France pour avoir accès à une éducation, à un apprentissage. J'ai une scène dans le film avec Amadou, qui joue Mamadou, pendant laquelle il m'a totalement cueillie. Il n'avait pas de dialogue écrit, Louis-Julien lui a juste expliqué qu'il devait dire à Cathy Marie qu'il l'aimait bien. On a créé un lien assez fort tous les deux alors quand il se retourne, qu'il me sourit et me dit "cheffe je vous aime beaucoup", je n'ai plus besoin de jouer. L'émotion vient toute seule. On me fait remarquer que je suis émouvante dans le film, mais je renvoie juste ce qu'on m'a donné.

Jouer avec François Cluzet était un rêve. Que vous reste-t-il à accomplir maintenant que l'objectif est atteint ?
Audrey Lamy
 : François Cluzet est fantastique. C'est un partenaire incroyable de générosité, de force, de puissance. J'ai toujours dit que je rêvais de tourner avec lui parce qu'on sent quand un acteur est généreux à l'écran. C'est comme de la dans : peu importe que vous soyez piètre danseuse, si vous dansez avec un partenaire qui sait vous mettre en valeur, vous avez l'impression d'être la meilleure du monde. C'est la même chose avec François Cluzet. Je me suis sentie forte, portée, en confiance. Pour donner un exemple, on a tourné une scène par -14 degrés. Je lui ai dit de mettre une polaire quand la caméra était sur moi. Il m'a répond : "Je reste comme ça. Mon personnage n'a pas de polaire, ça va te perturber." Imaginez la générosité quand cela fait 6h qu'il est dans le froid et que ses lèvres sont devenues bleues. C'est fort d'avoir un partenaire aussi investi pour te rendre la meilleure possible. Alors mon objectif, c'est de tourner à nouveau avec François Cluzet !