A PLEIN TEMPS, L'HISTOIRE DE MA FEMME et MEDUSA sont nos 3 coups de cœur cinéma

Des femmes tyrannisées, brimées, sous pression. Les sorties cinéma de la semaine brusquent les personnages féminins pour mieux leur rendre leur puissance. "L'Histoire de ma femme" aborde la jalousie amoureuse, "A Plein Temps" évoque la charge mentale d'une vie en tourbillon et "Medusa" questionne la violence féminine au nom d'un idéal conservateur. Grandioses.

A PLEIN TEMPS, L'HISTOIRE DE MA FEMME et MEDUSA sont nos 3 coups de cœur cinéma
© Haut et Court

L'Histoire de ma femme, d'Ildiko Enyedi

© Pyramide Films

En 1920, le capitaine Jakob Störr est un grand gaillard habitué des flots, un solitaire aguerri capable de rester des mois en mer. Quand des maux de ventre le poussent à s'interroger sur son mode de vie, le Hollandais prend la décision d'épouser la première femme qui franchira la porte du café où il se trouve. Entre Lizzy, une ravissante Française qui accepte sa proposition. Le navigateur, novice en amour, ne maîtrise pas les vagues d'émotions qui le renversent et encore moins les humeurs et envies de son épouse. Pourquoi diable sort-elle autant ? Que fait-elle de ses journées ? Pourquoi refuse-t-elle l'argent de poche qu'il lui propose ? Les sentiment suffisent-ils face à tant de doutes ? Entravé par son éducation traditionnelle, l'homme ne saisit pas le besoin de liberté de sa douce et l'accuse de le tromper.
Ildiko Enyedi a su transposer le roman de Milan Füst sur ce mariage étonnant en soignant chacune des thématiques abordées par l'auteur. Cette histoire de jalousie interroge notre vision du mariage, le patriarcat et le besoin de contrôler les autres pour avoir l'impression de maîtriser sa propre existence. Les longues scènes dans des décors raffinés baignés d'une lumière pâle offrent aux somptueux plans de la cinéaste le temps de s'imprimer en nous. Son film est sensuel, romantique, philosophique, libérateur. Le genre de fresque à contempler encore et encore pour en saisir toutes les nuances.

Avec Léa Seydoux, Gijs Naber, Louis Garrel… (2h49)

A Plein Temps, d'Eric Gravel

© Haut et Court

Julie est première femme de chambre dans un palace parisien. Elle arrive tôt le matin, supervise une équipe avec laquelle elle enchaîne les chambres, forme les nouvelles, vérifie que le moindre grain de poussière ne traîne pas. Puis elle rentre chez elle, en banlieue, où sa deuxième journée commence. Celle de mère célibataire de deux jeunes enfants. Les journées de Julie sont millimétrées, elle n'a pas une seconde pour elle, pas l'opportunité de souffler, de se reposer. Alors que les grèves des transports engourdissent l'Ile-de-France, la gronde nationale prend de l'ampleur. Julie n'a pas de temps pour l'indignation non plus. Afin d'assurer au travail comme à la maison et de pallier l'absence de trains, elle doit intensifier son rythme déjà éreintant. Avec A Plein Temps, c'est le quotidien de milliers de Français qu'Eric Gravel a souhaité mettre en lumière. Le réalisateur se cale sur la respiration haletante de son héroïne pour donner vie à la pression subie tous les jours par cette classe moyenne ballotée dans une vie sans répit. Le réalisateur peut se reposer sur le talent de Laure Calamy pour imprimer sur écran le stress, la concentration permanente, la fatigue impossible à soulager de son personnage. L'actrice de Dix pour Cent nous souffle dans ce rôle de femme seule, se débattant pour assurer le quotidien tout en essayant de dessiner les contours d'un avenir plus serein. Un thriller social palpitant.

Avec Laure Calamy, Anne Suarez… (1h25)

Medusa, d'Anita Rocha da Silveira

© Wayna Pitch Film

Alors qu'au Brésil, les conservateurs continuent de gagner du terrain, Medusa brosse le portait d'une jeune génération ne jurant que par la foi. La nuit, Mariana et ses amies enfilent un masque blanc pour aller martyriser celles qui ne répondent pas à leur vision de la femme : pieuse, pudique, discrète, dévouée à l'homme. Munies de leurs téléphones pour poster leurs attaques sur les réseaux sociaux, les anti-féministes matraquent les pécheresses jusqu'à ce que face caméra, ces pauvres filles promettent de retrouver la voie de Dieu. Anita Rocha da Silveira revisite le mythe de Médusa à partir de cette brutalité féminine et aborde des questions sociétales cruciales, de la pression de la perfection sur les femmes à la masculinité toxique, en passant par le prosélytisme politique.
Confinant à l'horreur et au fantastique, sa critique sociale mute en cauchemar pop sur les mécanismes machistes bien ancrés en chacun(e) de nous. Derrière cette violence physique et morale, un cri ne demande qu'à sortir pour hurler un besoin de liberté. On y retrouve quelque chose de David Lynch (Mulholland Drive), pour l'art de mettre en scène le glauque, et de Jordan Peele (Get out, Us), pour transformer les tendances communautaires en frissons de terreur. Plus flippant que n'importe quel monstre.

Avec Mari Oliveira, Lara Tremouroux, Joana Medeiros... (2h07)