Ils Sont Vivants, Les Poings Desserrés... : nos coups de cœur ciné du 23 février

Des parcours chaotiques, des personnages féminins lumineux et des réalisations au plus proche de l'humain. Cette semaine, "Ils sont vivants", "A nos enfants" et "Les Poings desserrés" nous ont tapé dans l'œil, mais ont aussi emporté notre cœur.

Ils Sont Vivants, Les Poings Desserrés... : nos coups de cœur ciné du 23 février
© Memento Distribution

Ils sont vivants, de Jérémie Elkaïm

© Memento Distribution

Béatrice vit à Calais, où elle vient d'enterrer son mari flic. Raciste, la veuve est malgré elle attirée par l'envie de se joindre aux associations qui œuvrent dans la jungle de Calais. Par provocation envers celui qui lui a fait vivre la misère des années durant, sûrement. Pour se redonner une raison de vivre, certainement aussi. Face à sa mère désemparée et à son fils adolescent, elle s'implique de plus en plus auprès des personnes exilées, jusqu'à accueillir ces hommes chez elle. Mokhtar, Iranien entré clandestinement en France, la trouble plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer. A son contact, elle redécouvre l'amour, son corps désirant et l'importance de se battre pour les convictions qui viennent des tripes. Ils sont vivants, c'est l'histoire (vraie) d'une femme qui s'ouvre au monde en s'autorisant à vivre. C'est aussi un portrait humaniste de ces personnes qui fuient leur pays poussées par l'obligation de trouver un avenir meilleur ailleurs. Ce premier film réalisé par Jérémie Elkaïm (Marguerite et Julien, Polisse...) apporte une preuve que la sensibilité d'un comédien peut cacher un brillant réalisateur. Sur une bande-originale signée Yuksek, les personnages se délestent de leurs peurs pour s'ouvrir entièrement au spectateur. Marina Foïs est entière, bourrue et absolue dans ce drame qu'elle a elle-même initié. Seear Kohi fait preuve d'une émotivité sublime. Ils sont vivants, et nous aussi.

Avec Marina Foïs, Seear Kohi, Laetitia Dosch... (1h52)

Les poings desserrés, de Kira Kovalenko

© ARP Sélection

Ada a l'âge auquel les règles ne semblent établies que pour être mieux franchies. La jeune fille vit en Ossétie du Nord, dans une ancienne ville minière. Une contrée grise comme en suspend, où son père et son frère la protègent d'on-ne-sait-quoi. On sent bouillir en elle une folle envie de vivre, de tester, de s'extirper de cette surveillance familiale. Alors qu'elle voit ses frères jouir d'une certaine indépendance, la jeune fille doit se soumettre aux règles et à l'omniprésence de son paternel. Les Poings desserrés, c'est à la fois son désir criant de s'échapper, drapé de cet amour pour les siens qui la retient. Avec ce film, la réalisatrice souhaitait créer un choc entre mémoire et liberté, poser la question du poids des traumatismes sur l'affranchissement. Elle signe-là un récit d'émancipation comme un message au monde. Revêche et puissant.

Avec Milana Aguzarova, Alik Karaev, Soslan Khugaev... (1h36)

A nos enfants, de Maria de Medeiros

© Epicentre Films

L'histoire d'A nos enfants aurait pu taper dans l'œil d'un certain Pedro Almodovar. La réalisatrice Maria de Medeiros délivre ici une œuvre sensible sur les sujets qui tiennent habituellement à cœur au cinéaste espagnol : la filiation, les choix de vie et les relations maternelles. Vera et Tania, mère et fille, ne s'adressent plus la parole depuis plusieurs années, la première n'acceptant pas l'homosexualité de la seconde. Le film les suit dans leur quotidien : au sein d'un orphelinat pour enfants séropositifs où travaille Vera, au cœur de l'intimité de Tania, dont le couple a du mal à esquiver les tentions induites par plusieurs PMA ratées. En filigrane se dessine la fracture politique entre un Brésil traumatisé par la dictature politique et une nouvelle génération tournée vers l'avenir... avant l'arrivée de Bolsonaro au pouvoir. La relation entre Vera et Tania catalyse les traumatismes, les frustrations, les non-dits. Autour d'elles, les personnages gravitent pour les pousser l'une vers l'autre. Le deuil doit faire son chemin afin que l'espoir d'une réconciliation se faufile. Par-ci, par-là, les coups de feu entre la police militaire et les cartels rappellent que le risque n'est jamais loin. Celui de rompre le contact, de baisser les bras, de rester butées. Inspiré de la pièce écrite par Laura Castro, Tania à l'écran, A nos enfants est une fresque intime et éclairée, sur les combats personnels, la nécessité d'avancer et l'étrange complexité des rapports entretenus avec ceux que l'on considère pourtant comme les nôtres.

Avec Marieta Severo, José de Abreu, Laura Castro... (1h47)