Bruno Salomone : "Je me remets en question tout le temps"
Bruno Salomone incarne un homme à qui (presque) tout réussit dans "Madeleine Collins" d'Antoine Barraud, au cinéma le 22 décembre. Seule ombre qui viendra bientôt ternir le tableau de ce chef d'orchestre brillant : la double vie de sa femme, grandiose Virginie Efira. Interview avec ce comédien à forte tendance caméléon.
Son rôle dans Fais pas ci, fais pas ça lui colle à la peau. Considéré comme un acteur de comédies, Bruno Salomone multiplie pourtant les rôles dramatiques sur petit et grand écran. La preuve une nouvelle fois avec Madeleine Collins, d'Antoine Barraud, au cinéma le 22 décembre. Dans ce thriller psychologique, l'acteur joue l'époux de Virginie Efira, un chef d'orchestre à succès bientôt déstabilisé par la découverte de la double vie de son épouse. En jouant la légèreté et le doute, la gloire et le vacillement, l'amour et l'incompréhension, l'ancien acolyte de Jean Dujardin démontre sa capacité à s'approprier toutes les émotions. Egalement auteur de livres, dont le roman Les Misophones publié en 2019, le comédien qui débuta par le one-man-show s'étonne lui-même de ce que le public projette sur lui. Une bonne chose : il a encore beaucoup à lui faire découvrir.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de dire "oui" à Madeleine Collins ?
Bruno Salomone : Antoine Barraud m'a proposé ce rôle il y a un petit moment. Nous avions fait des essais et j'avais vraiment aimé le scénario. Ça ne va pas beaucoup plus loin pour moi. Si le scénario et mon personnage me plaisent et que je m'y projette, je ne réfléchis pas. J'ai apprécié la bienveillance d'Antoine et j'étais content de retrouver Virginie Efira, que je connais depuis ses débuts.
Vous jouez Melvil, le mari de l'héroïne. Qui est-il ?
Bruno Salomone : Melvil est un homme assez équilibré, constant dans son amour, peut-être un peu trop. C'est presque ce qu'on finit par lui reprocher. Il aime ses enfants, sa femme, son travail. Tout lui réussit. C'est un peu le mec énervant finalement (rires).
"Quand on fait de la comédie, il faut emprunter au drame et inversement"
Où avez-vous trouvé l'intérêt pour ce personnage presque sans faille ?
Bruno Salomone : Dans son évolution. Au départ, Melvil est solaire, il rayonne, puis petit à petit, il sombre. Ce déclin était intéressant à jouer, surtout avec la façon de filmer très agréable d'Antoine. Souvent, on tourne des champ et contrechamp pour les dialogues. Lui, il laisse la caméra tourner sur notre réaction même si les dialogues ne sont pas sur nous. Il se passe alors autre chose, cela nous met dans l'émotion de celui qui reçoit la déflagration.
Le réalisateur dit que l'on peut être surpris de vous voir dans son cinéma. Aimez-vous sortir de votre zone de confort ?
Bruno Salomone : On m'a tellement inscrit dans la comédie avec la série Fais pas ci, fais pas ça, qu'on ne se rend pas compte que j'ai fait autant de drames. Pour moi, c'est exactement la même chose. L'idée étant de bien camper un personnage, d'être sincère, crédible peu importe l'émotion et d'aller chercher de la profondeur et de l'intensité. Quand on fait de la comédie, il faut emprunter au drame et inversement. C'est plus horrible de planter un couteau dans une victime avec un sourire qu'en faisant la tronche. De la même manière, dire une blague complètement surréaliste avec un air grave sonnera d'autant plus fort qu'en se marrant.
Le film parle aussi de se réinventer. Etes-vous déjà passé par une phase de remise en question ?
Bruno Salomone : Je me remets en question tout le temps, j'essaie de voir comment faire mieux, comment avancer différemment. J'aime écrire, j'aimerais faire des scénarios, j'ai publié des livres. C'est bien de s'initier à un nouveau monde, partir vierge de tout. Le métier de comédien permet de jouer beaucoup de choses, chaque rôle est une découverte et donc un nouveau questionnement.
Jouer la comédie, est-ce un peu mentir ?
Bruno Salomone : On entend souvent que les comédiens sont des menteurs professionnels. Je vois ça différemment. J'ai l'impression, au contraire, de chercher une vérité. Evidemment, si je joue un flic ou un tueur, ce n'est pas moi, mais j'essaie de trouver une forme de vérité dans les rôles. La difficulté, c'est de retrouver cette évidence à chaque prise. Si on est en surface, qu'on fabrique les choses, ça se sent. C'est comme une projection mentale. Quand on est petit et qu'on joue au gendarme et au voleur, ce n'est pas pour autant qu'on ment. On sait que c'est un jeu, on devient complice du spectateur, qui sait lui-même qu'on joue. Pour arriver à le convaincre, on doit y croire nous-même.
Vous êtes-vous déjà fait passer pour quelqu'un d'autre ?
Bruno Salomone : Oui, pour les 3 jours de l'armée. C'était inconscient, je n'avais pas réfléchi en amont, mais une fois sur place j'ai réalisé que je ne voulais pas vivre ça, que je ne voulais pas être là. Je me suis mis dans un état second, celui de quelqu'un d'un peu asocial. Ça a marché, j'ai été exempté.
C'était le début de votre carrière d'acteur !
Bruno Salomone : Je crois qu'on est tous comédiens. Là, ce n'était pas un état de guerre, mais des personnes font semblant d'être mortes pour s'en tirer pendant des fusillades ou d'autres choses horribles. Il n'y a rien de plus dure que de faire un mort dans ces circonstances. C'est un effort surhumain de ne pas bouger, ne pas respirer. Dans une situation d'urgence, on a tous cette capacité en nous.
"Je n'ai pas envie d'être quelqu'un d'autre"
Qui choisiriez-vous d'être si vous pouviez mener une double vie ?
Bruno Salomone : Je prendrais quelqu'un de plus jeune tant qu'à faire (rires) ! C'est une question compliquée parce que je n'ai pas envie d'être quelqu'un d'autre. En revanche, j'aurais aimé être moi plus jeune. J'aurais fait certaines choses différemment. Et en même temps, tout ce qu'on a vécu nous a servi et sûrement que si on le revivait, on ferait d'autres erreurs.
Comment était-ce de faire face à Virginie Efira pour ce rôle ?
Bruno Salomone : Je joue avec elle les parties un peu plus légères du film. C'était très agréable, naturel. Virginie est très pro. On a fait peu de prises, on a trouvé le ton tout de suite. Elle est exceptionnelle, elle a une dimension hitchcockienne, comme ils disent dans la bande-annonce !
Quels films consommez-vous ?
Bruno Salomone : Des gens dans mon métier sont des cinéphiles de dingue, capable de citer toute la filmographie de certains réalisateurs. Moi je fonctionne plus à l'envie. Je suis assez ouvert, bien que mon genre préféré soit la science-fiction. Je regrette que la France soit frileuse face à elle. Un de mes films cultes est la Planète des singes, une adaptation d'un roman du Français Pierre Boulle et ce sont les Américains qui l'ont réalisé ! On a des idées en France, mais on considère que le film de genre ou la SF ne marchent pas... Je rêverais de faire de l'anticipation.
Pourquoi pas l'écrire, cette histoire ?
Bruno Salomone : La question est plutôt de savoir qui veut la produire ? J'écris plein de choses, mais on considère que les gens ne suivront pas, que c'est trop barré. Je suis persuadé de l'inverse. Si c'est bien fait, le public est embarqué. On nous répète que les mélanges de genres ne plaisent pas, alors que la fusion est à la base de la création artistique.