Pascal Elbé : "Comme tous les malentendants, j'ai eu un appareil perdu, écrasé, passé sous la douche..."

Pascal Elbé dévoile sa facette romantique avec "On est fait pour s'entendre", au cinéma le 17 novembre. L'acteur-réalisateur met en scène et joue dans cette comédie sur la malentendance et les rencontres amoureuses. A 54 ans, il se confie sur son handicap, son sentimentalisme récent et son combat pour une représentation plus juste des hommes et des femmes au cinéma.

Pascal Elbé : "Comme tous les malentendants, j'ai eu un appareil perdu, écrasé, passé sous la douche..."
© Jean Michel Nossant/SIPA

Dans On est fait pour s'entendre, au cinéma le 17 novembre, Pascal Elbé lève tout malentendu. En mettant en scène une comédie romantique sur la surdité partielle, l'acteur-réalisateur avoue non seulement l'handicap qui est le sien, mais aussi un rapport adoucit aux déclarations d'amour. Il filme et incarne Antoine, professeur renfrogné et dans la lune dont la voisine subit les nuisances sonores involontaires. Au moment où il apprend qu'il a perdu beaucoup d'audition, il se lie d'une amitié émouvante avec la fille mutique de celle qui ne le supporte plus un étage plus bas.
Pascal Elbé retrouve son amie Sandrine Kiberlain plus de 10 ans après Romaine par moins 30. Avec elle, mais aussi François Berléand, Emmanuelle Devos ou encore Valérie Donzelli, l'acteur-réalisateur s'est constitué un "noyau dur qui ne se prend pas au sérieux". Grâce à cette joyeuse troupe et à la tendre histoire qu'il a imaginée, le réalisateur de Tête de turc et Je compte sur vous parle d'amour et de handicap avec une simplicité bienvenue.
"Je déteste quand les gens sont compliqués", nous explique Pascal Elbé. Lui-même se laisse aller à une franche transparence au moment d'aborder les sujets de son film : sa surdité partielle et son acceptation, son besoin de déconnexion, son romantisme, mais aussi l'âge des actrices qui partagent ses affiches et son féminisme sans complaisance.

Comment vous est venue l'idée de parler de votre malentendance dans un film ?
Pascal Elbé : Je cherchais un sujet de comédie et mes enfants m'ont fait remarquer que ma malentendance me soumettait en permanence à des situations un peu folles. C'est un travail d'équilibriste d'entendre mal. On essaie de sauver les apparences, de ne pas passer pour un rabat joie. Je voulais faire un film sur le manque de communication, ce rapport à l'autre de plus en plus compliqué. Je n'ai jamais vu autant de gens se plaindre d'être seuls alors qu'on est ultra connectés, qu'on a des milliers d'amis sur les réseaux. Je me suis servi de la malentendance comme un prétexte pour dire à quel point on ressent le besoin des autres quand on est coupés d'eux. Le but était de maintenir le handicap à distance, de rester léger. Je continue de penser que pour apprendre des choses et partager, il faut se servir du rire.

Quelle est la part de fiction chez vos personnage Antoine ?
Pascal Elbé : C'est un film très personnel, qui me ressemble, mais tout est fictionné. Comme tous les malentendants, j'ai un jour eu une galère avec un appareil perdu, écrasé, passé sous la douche... Beaucoup de choses de ma vie ont nourri le récit. On n'est pas loin de qui je suis, pour autant, je n'ai pas ressenti d'effet thérapeutique. J'avais déjà fait ce travail avant. Je suis juste le scénariste qui a saisi l'idée que ça pourrait faire un bon sujet. Après, ce qui est génial avec ce film, c'est son universalité. Il parle à tout le monde. Des gens ont même avoué leur malentendance pendant les avant-premières !

Pascal Elbé dans "On est fait pour s'entendre" © Diaphana Distribution

Quel a été votre cheminement personnel à la découverte de cette perte d'audition ?
Pascal Elbé : Au début, on pense toujours que ce sont les autres qui articulent mal, qui ne parlent pas assez fort. Et puis vous vous rendez compte que le problème vient de vous et vous passez par une phase d'acceptation, jusqu'à vous faire appareiller, l'acceptation suprême. Le dialogue que vous pouvez renouer avec les autres compense complètement les galères. On a un peu honte d'être malentendant, ce n'est pas comme quand on porte des lunettes. Je suis assez en confiance dans mon métier et ma vie d'homme pour ne jamais l'avoir tu à mes proches, mais je comprends qu'on puisse le cacher. C'est ingrat. Comme c'est invisible, les gens oublient. Mon fils, avec qui je vis depuis cinq ans, me parle toujours dans la pièce d'à côté... Le seul avantage de cette situation, c'est de s'extraire de temps en temps, de pouvoir débrancher, dans un train, un avion, s'il y a un bébé qui pleure. Même sans l'appareil, quand on n'a pas envie d'écouter vraiment, on en joue.

"La lecture est mon dernier havre de paix"

On est fait pour s'entendre évoque justement le besoin de se couper de ce monde incessant...
Pascal Elbé : On n'arrête pas d'avancer, d'être bombardés d'informations, d'être sollicités, alors qu'en réalité, quand on est un peu seul ou qu'on s'ennuie, l'imaginaire se développe... et on devient scénariste. Petit, quand on subit des trajets en voiture sans rien faire, c'est peut-être là qu'on nourrit la matrice. Mon fils regarde la télé avec l'ordinateur à côté et le smartphone pas loin. On a du mal à lâcher prise. Le film parle aussi de ce besoin de repli.

Comment vous, vous déconnectez ?
Pascal Elbé : Avant, j'allais voir un psy. C'est un luxe qu'on se paie pour avoir des moments avec soi. Désormais, la lecture est mon dernier havre de paix. Pendant le confinement, elle m'a sauvé. C'est un moment paisible, où ne m'impose rien. Mon imaginaire s'évade. C'est d'ailleurs un livre qui m'a amené à ce film. La vie en sourdine de David Lodge a mis des mots sur plein de ressentis et ça m'a beaucoup aidé. J'espère qu'On est fait pour s'entendre fera autant de bien aux gens, qu'ils se sentiront aussi représentés.

Sandrine Kiberlain et Pascal Elbé dans "On est fait pour s'entendre" © Diaphana Distribution

On est fait pour s'entendre est une comédie romantique. Pourtant, à chaque fois qu'on vous mentionne ce mot, vous répondez que l'on "ne sait plus vraiment ce qu'il y a de romantique aujourd'hui". C'est-à-dire ?
Pascal Elbé : Aujourd'hui, je dirais plutôt que je n'ai jamais été un grand romantique. Je suis le premier surpris d'avoir fait une comédie romantique, je n'aurais jamais pensé en écrire une alors que j'aime beaucoup ça. Je ne voulais pas nécessairement épouser les codes du genre et finalement j'ai l'impression que ça me ressemble assez. Avec l'âge, on apprend à s'écouter et je crois être devenu assez sentimental. Avant, il y avait les copains. Maintenant, je me dis que la vie se partage à deux. Un coucher de soleil, ça ne se vit pas avec ses potes, mais avec quelqu'un qu'on aime. Ça, je ne le savais pas avant. J'ai appris qu'on pouvait dire "je t'aime" sans que ce soit trop engageant ou flippant. Les hommes, on met du temps à mûrir, mais quand on arrive à une certaine forme de sagesse, c'est apaisant.

"J'ai appris qu'on pouvait dire "je t'aime" sans que ce soit trop engageant ou flippant"

On parle beaucoup de la représentation des femmes au cinéma, mais il y a aussi à redire sur la représentation des hommes. Est-ce que ce sont des questions qui vous traversent ?
Pascal Elbé : Toujours. Regardez mon film, je suis entouré de femmes. Mon combat, je le mène dans mes écrits. J'ai opté pour que ce soit une directrice d'école dans On est fait pour s'entendre, comme il y a 15 ans j'ai pris une femme pour jouer le maire dans Tête de Turc. Je suis également sensible au fait que dans une comédie romantique, l'actrice soit de ma génération. Si j'étais James Bond, je serais gêné d'avoir une nana de 25 ans. Je trouve ça très bien d'avoir choisi Sandrine Kiberlain, qu'on ait le même âge et qu'on soit amoureux. Ce n'est pas forcément le cas dans la vie, mais on fait un métier de représentation. Rien n'est le fruit du hasard. Vous décidez de tout ce qui est dans le cadre, de la couleur de la porte au genre et à l'âge de vos acteurs. La représentation des femmes et des hommes, comme la parité sont des sujets importants. Pour en parler, je fais des choix sur les femmes et la diversité dans mes films. C'est à l'intérieur de votre exercice qu'il faut avancer avec vos convictions, pas en transformant la cérémonie des César en tribune politique.

"Je peux tomber amoureux d'une femme de 30 ans ou de 50 ans, mais à une seule condition..."

Vous retrouvez-vous dans les rôles d'hommes que l'on vous propose ?
Pascal Elbé : Je vais être à l'affiche de Rose, d'Aurélie Saada et je viens de tourner Mon Chat de Cécile Telerman, où mes personnages sont tendres. Je m'y retrouve. Ce sont souvent des réalisatrices qui m'ont regardé avec le plus d'élégance. J'ai été marié très longtemps à la mère de mes enfants, qui est plus âgée que moi. J'ai souvent été blessé que des scénaristes ou réalisateurs me disent "on va pas te foutre une nana de 40 ans" quand j'en avais 30, alors que c'était ma vie. Je n'étais pas avec quelqu'un de plus âgé par conviction, mais ça a façonné ma manière d'être et de penser. Je n'aime pas quand c'est bancal, injuste. Je n'ai pas cherché à donner la réplique à une jeune actrice sous prétexte que je suis un mâle dominant blanc qui réalise une comédie romantique. Pourtant, dans la vie, je ne m'interdis rien. Je peux tomber amoureux d'une femme de 30 ans ou de 50 ans, mais à une seule condition: il faut que l'on partage des atomes crochus.