PINGOUIN & GOELAND ET LEURS 500 PETITS : 5 bonnes raisons de faire leur connaissance au ciné
Michel Leclerc réalise un documentaire foisonnant sur des Résistants ayant offert une chance de s'en sortir à des enfants pour qui tout semblait perdu pendant l'Occupation. Avec "Pingouin & Goéland et leurs 500 petits", au cinéma le 3 novembre, le cinéaste nous offre un film hybride à ne pas manquer.
Pingouin et Goéland, Résistants bien cachés de l'Histoire
Roger et Yvonne Hagnauer représentent l'un des nombreux sujets évoqués dans le documentaire de Michel Leclerc. À travers leur portrait, le réalisateur effleure tout un pan de l'Histoire resté enterré. Ce couple d'instituteurs est radié de l'Education nationale en 1939 pour anti-patriotisme, après avoir signé le manifeste "Paix immédiate". C'est sûrement grâce à cette déconvenue que ces fervents pacifistes et syndicalistes ont pu devenir Pingouin et Goéland, deux Résistants au parcours hors-norme, qui se sont servi d'une Maison d'enfants régie par Vichy pour cacher des juifs et offrir la possibilité d'une vie remplie à des centaines d'enfants. Le réalisateur leur rend aujourd'hui justice et braque un projecteur bienvenue sur eux et leurs actions.
Bienvenue à la Maison de Sèvres
Michel Leclerc nous ouvre les portes d'un lieu situé dans les Hauts-de-Seine qui, des années après sa fermeture, fait encore office d'exception : la Maison de Sèvres. Cette colonie de vacances dépend du Secours Populaire vichyste pendant l'Occupation allemande et devient rapidement un pensionnat pour enfants privés de parents à cause de la guerre. Yvonne Hagnauer, directrice de l'établissement dès 1941, y voit une aubaine pour appliquer les préceptes de l'Ecole Nouvelle impulsée par Freinet, Montessori ou Decroly. En duo avec son époux, elle constitue alors une équipe de moniteurs proscrits par l'administration Pétain, qui abandonnent leurs noms pour devenir des animaux ou des fleurs : Coccinelle, Orchidée, Cigale, Kangourou... Yvonne et Roger prennent les noms d'oiseaux qui donnent son titre au film. Ils ouvrent vite la porte aux enfants juifs, qui leur arrivent par un réseau de la Résistance. La mère de Michel Leclerc fait partie de ces malheureux atterris à Sèvres, qui apprendront à faire table rase du passé pour se construire un futur.
Pingouin & Goéland et leurs 500 petits : initiation à l'Education nouvelle
À travers l'histoire de la Maison de Sèvres de Pingouin et Goéland, Michel Leclerc présente une forme d'éducation particulière, née après la Première guerre mondiale : l'Ecole nouvelle. Si Pingouin est passionné par le communisme, Goéland voue une adoration pour les travaux des pédagogues de cette vague et décide de faire de la Maison de Sèvres un lieu d'apprentissage à part. Les enfants sont donc amenés à s'auto-gérer au maximum (ils créent même leur Petite République) et à apprendre par la pratique, l'art, les travaux manuels, la danse, le théâtre... Des expériences racontées dans le documentaire par les principales intéressée : les anciennes, qui apportent une richesse folle aux images d'archives déjà très parlantes.
Apprendre à aimer la vie
À voir Léa, Graziella ou encore Gisèle raconter leurs années à Sèvres dans Pingouin & Goéland et leurs 500 petits, on mesure l'impact d'Yvonne et Roger Hagnauer sur leur existence. Toutes ces femmes semblent être des forces de la nature, vivaces, curieuses, marrantes. Comme la plupart des anciens, elles s'accordent pour dire que Sèvres leur a sûrement permis de dépasser leurs traumatismes. Le documentaire du cinéaste apporte un éclairage sur l'aspect psychologique de l'expérience de Sèvres et la gestion du deuil. Il émet tout de même des réserves. Quelques-uns des enfants ne panseront jamais les plaies dues à la guerre. Pour les autres, Yvonne et Roger aura changé leur vie. Ils leur rendent encore hommage, plus de 35 ans après leur mort.
Pingouin & Goéland et leurs 500 petits : un documentaire à part
Parce que Michel Leclerc est le fils d'une ancienne de la Maison, aujourd'hui disparue, le documentaire s'autorise un point de vue très personnel. Le cinéaste derrière Le Nom des Gens raconte cette histoire avec une subjectivité bienvenue. Il emploie la narration, parle de son héritage à lui et évoque sa mère au détour d'images d'archives et de témoignages historiques. L'occasion de sortir du cadre, de s'interroger sur l'identité et sur le poids de sa propre histoire. Résultat : le film gagne encore en épaisseur. Quelques moments d'animation lui confèrent une dimension poétique. Instructif, émouvant, drôle et imaginatif : voilà en quelque mots le résultat.