Mélanie Laurent et Lou de Laâge nous emballent en folles alliées sur Amazon Prime

Mélanie Laurent offre un premier rôle intense à Lou de Laâge dans sa nouvelle réalisation "Le Bal des Folles", disponible sur Amazon Prime Video le 17 septembre. Les deux blondes se livrent à une bataille contre l'injustice dans ce drame adapté du roman de Victoria Mas. Interview.

Mélanie Laurent et Lou de Laâge nous emballent en folles alliées sur Amazon Prime
© Jean-Louis Fernandez

Mélanie Laurent et Lou de Laâge réitèrent l'expérience puissante de Respire. En 2014, Lou jouait une perverse narcissique pour Mélanie, qui signait alors sa deuxième réalisation. Quelques années plus tard, les voici de nouveau réunies par un trouble psychiatrique pour Le Bal des Folles, à voir sur Amazon Prime Video.
Lou de Laâge (actrice de Jappeloup et Blanche comme Neige) incarne une jeune bourgeoise internée à La Salpêtrière quand sa famille apprend qu'elle communique avec les morts. Nous sommes au XIXe siècle et l'hôpital est alors une clinique neurologique. Eugénie se retrouve enfermée au milieu des folles, obligée de subir les sévices réservés aux personnes de sa "condition".
Pour la guider (hors-champ et face caméra): Mélanie Laurent/Geneviève, réalisatrice/infirmière dévouée à sa cause et très humaine. Les deux femmes vont s'appréhender pour se libérer, chacune à leur manière, des carcans qui les brident. Le duo s'est confié sur ce drame féministe et l'importance de la sororité.

Comment Le Bal des Folles est-il venu à vous ?
Mélanie Laurent
: Mon producteur m'a envoyé le livre de Victoria Mas au moment où j'accouchais d'une petite fille. Mon corps et mon esprit me faisaient sentir que j'avais très envie de réaliser un film d'époque, sur une femme avec une histoire forte. J'aurais aimé me pencher sur les sorcières du Moyen-Âge et même si ce n'est pas la bonne époque, Eugénie est une sorcière moderne du XIXe siècle. Aussi, je ne voulais pas tomber dans le pur féminisme, mais composer avec d'autres thèmes. En découvrant le livre, j'y ai vu tous mes désirs. Ce petit bijou inespéré correspondait à mes attentes. Le timing était parfait.

Pourquoi avoir de nouveau confié le premier rôle à Lou de Laâge ?
Mélanie Laurent : On a des rendez-vous tous les 2-3 ans toutes les deux, elle commençait à me manquer. Après Respire, j'ai fait jouer Lou au théâtre dans Le Dernier Testament. Je ne l'imagine que dans des choses très différentes, parce que je sais ce qu'elle est capable de jouer. C'était un fantasme absolu de la voir en époque, avec un chignon débraillé, se battant avec force et courage. Je l'avais vue toxique et raide, puis je l'avais mise sur scène en obèse. On a fait des trucs complètement fous ensemble. Pour ce film, j'avais l'image d'Isabelle Adjani dans Camille Claudel.

Lou de Laâge dans "Le Bal des Folles" © Jean-Louis Fernandez

Lou, vous craigniez que l'on vous cantonne aux rôles de gentille fille délicate… Mélanie est là pour vous en sortir !
Lou de Laâge
: C'est sûr ! Ça a commencé avec Respire. Je me souviens qu'avant ce rôle, j'avais décidé de ne faire que du théâtre puisqu'au cinéma on ne me proposait pas de personnage qui me plaçait ailleurs. Cette fois, Mélanie est revenue me chercher en plein confinement, au moment où la vie était un peu arrêtée. En lisant le scénario, je me suis dit qu'elle me donnait un nouveau défi et c'était parti.

Qu'est-ce qui vous a plu ?
Lou de Laâge
: C'est un film sur la différence. Ça me fait du bien de porter un projet qui aborde le sujet encore tabou des maladies psychologiques. Même si le film parle du passé, il y a encore du chemin à parcourir sur la manière dont ces personnes sont traitées aujourd'hui. Je trouvais ça beau de parler de ces gens-là qui sont encore enfermés. Aussi, c'est un rôle de femme forte qui lutte... mais je pense que Mélanie n'est pas capable d'offrir des rôles de femmes médiocres.

Mélanie Laurent : Non, je ne suis pas très victime (rire) ! La femme faible, qui sert d'objet, ce n'est pas mon créneau.

Qu'est-ce qui lie vos deux personnages, Eugénie et Geneviève ?
Mélanie Laurent
: Si on est spirituel, Eugénie voit tout de suite la douleur de Geneviève, qui elle ne la voit pas. On est face à deux femmes qui se révèlent et s'apportent des choses dès leur rencontre. L'une sait que ça va être la clé de sa sortie, l'autre met un peu plus de temps à le comprendre. Le livre aborde la question de comment être libre et enfermé. C'est très joli de se rendre compte qu'Eugénie ne change pas beaucoup. Elle est incomprise, empêchée et c'est parmi toutes ces folles qu'elle devient celle qu'elle veut être. Geneviève est libre d'avoir une vie sociale palpitante, ce qu'elle n'a pas du tout, et elle est enfermée dans un deuil impossible à faire. Au contact d'Eugénie, elle perd de sa raideur pour aller vers la tendresse, de sa rationalité pour devenir spirituelle. Eugénie est le pilier du film. Elle vient bouleverser la vie de chacune.

Toutes ces femmes s'épaulent et se soutiennent. La sororité, c'est important pour vous ?
Mélanie Laurent : Oui, parce que les femmes sont tendres, même si elles peuvent aussi être cruelles et dures. Il ne faut pas oublier qu'il y a des femmes jalouses, surtout dans notre milieu. Il est rare de tomber sur des bienveillantes. Quand on en rencontre, on a envie de travailler avec elles. J'ai un instinct très mauvais dans la vie, mais très bon dans mon métier. Je ne choisis que des actrices qui aiment les autres actrices. Toutes ces comédiennes que j'ai mises autour de Lou sont comme ça. D'ailleurs, elles sont devenues copines.

Lou de Laâge : C'est sa force. Mélanie sait composer des équipes qui s'entendent humainement. Et oui, la sororité est importante. Ce serait triste de traverser l'existence sans rencontrer ce qu'elle a de plus tendre à nos offrir. Je trouve ça hyper déprimant, surtout quand on a la chance de faire notre métier. C'est fabuleux de pouvoir construire une ambiance à la hauteur de ce que l'on se souhaite à soi et aux autres. Si on ne se bat pas pour essayer de créer un tel lien, ça n'a pas de sens.

Mélanie Laurent : En tant qu'actrice, j'ai travaillé avec des réalisateurs pour qui il fallait souffrir pour jouer la souffrance. Je me suis rendu compte que c'était faux. Quand on est entourée de femmes très généreuses, qui ont envie d'être là, qui se regardent avec beaucoup d'amour et de sympathie, ça transparaît à l'écran. Je suis très instinctive. Le scénario me sert de base, je le maltraite et le trahis très souvent. J'ajoute beaucoup d'éléments pendant le tournage et pour ça, il faut créer un espace qui permette l'improvisation. Les nouvelles idées ne peuvent émerger que si tout le monde se sent libre d'oser des choses.

Eugénie et Geneviève refusent de se plier à ce qui leur semble injuste. Comment réagissez-vous quand vous vous sentez bafouée ?
Mélanie Laurent
: J'ai une fâcheuse tendance au silence. Je prends sur moi, mais je ne laisse jamais passer les choses. Je réagis toujours en deux temps. Quand la méchanceté arrive, c'est un choc. Puis j'agis pour digérer l'affront, quitte à couper les ponts avec certaines personnes. J'ai l'impression que c'est le travail de toute une vie et c'est pour ça que j'adore vieillir. On développe notre rapport aux névroses des autres. J'arrête de leur laisser prendre de la place.

Lou de Laâge : Avec le temps, on est plus calme, on se défatigue de certaines choses.

Mélanie Laurent : C'est la maturité.

Eugénie voit les morts… Croyez-vous aux esprits ?
Lou de Laâge
: C'est plus doux d'imaginer qu'il y a quelque chose après la mort.

Mélanie Laurent : Lors d'un tournage à Singapour, j'étais la seule à ne pas croire aux esprits et je me suis sentie très bête ! J'étais l'outsider de l'histoire. J'adore voyager pour me confronter à d'autres cultures. Notre pays est très réfractaire à la spiritualité... Et puis, ça doit être chouette, de penser que les gens que l'on a perdus sont quelque part.