Avec FRAGILE, la cinéaste Emma Benestan vous offre un rafraîchissement

Dans "Fragile", en salles le 25 août, Oulaya Amamra, Yasin Houicha et leur bande de potes envoient valser les histoires d'amour clichées pour faire chavirer nos petits cœurs. Rencontre avec Emma Benestan, la réalisatrice de cette comédie romantique revigorante.

Avec FRAGILE, la cinéaste Emma Benestan vous offre un rafraîchissement
© Cécile Mella - Haut et Court

Emma Benestan se jette dans le bain du long-métrage avec un genre difficile à maîtriser : celui de la comédie romantique. La jeune réalisatrice, qui cite Friends, Buffy contre les vampires ou Dirty Dancing comme références, nous attire dans ses filets avec cette rom-com à la sauce sétoise emmenée par les très bons Yasin Houicha (Papicha, Le Brio) et Oulaya Amamra (Divines, Le Monde est à toi).
L'histoire, c'est celle d'Az, ostréiculteur et grand romantique. Quand il se fait larguer par Jess (Tiphaine Daviot), il perd pied, pleure à longueur de journée et s'enfile des friandises devant Bridget Jones. Heureusement, ses potes sont là pour le repêcher. Il décide alors d'apprendre à danser avec son amie Lila pour reconquérir sa douce…

 

Comment vous est venue l'idée de Fragile ?
Emma Benestan :
Suite à une peine de cœur, mais j'avais surtout envie d'une comédie romantique inversée, d'une histoire d'amour destinée aux hommes comme aux femmes. L'objectif était de sortir du schéma habituel de la fille triste en quête de l'homme de sa vie. J'ai voulu m'interroger autour de la fragilité amoureuse. Il n'y a pas de genre dans le sentiment de vulnérabilité lié à l'amour.

Une histoire d'amour autour de l'apprentissage de la danse, ça fait forcément penser à Dirty Dancing
Emma Benestan :
Oui, c'est un Dirty Dancing à l'algérienne ! Nous nous sommes beaucoup questionnées, avec ma co-scénariste, pour proposer une comédie romantique 2021. Elle est franco-tunisienne, je suis franco-algérienne, alors on a ajouté une diversité à l'écran qui nous parlait. Et surtout, ici c'est la fille qui apprend quelque chose au garçon. J'ai beaucoup d'amis hommes qui ne dansent pas par peur du ridicule. Quand on danse, on prend des risques dans ce que l'on montre de notre rapport à l'autre. Il faut accepter sa propre fragilité, sa sensualité pour se lancer. Cela me permettait d'amener quelque chose que Lila pouvait transmettre à Az.

Oulaya Amamra et Yasin Houicha dans "Fragile" © Haut et Court

Le rôle du Pygmalion, habituellement réservé à l'homme, est donc confié à Lila sous les traits d'Oulaya Amamra. Quel était votre objectif avec ce renversement de situation ?
Emma Benestan :
J'adore les comédies romantiques, mais les femmes s'adaptent souvent beaucoup aux personnages masculins. Elles attendent le regard des hommes pour exister, elle ne sont pas bien si leur désir s'étiole. C'est aussi souvent l'homme qui prend la décision de vivre l'histoire ou non, pendant que la fille attend. J'ai souhaité montrer autre chose, tout en gardant les codes du genre. J'ai renversé la situation en construisant des personnages féminins tels que j'avais envie de les voir. Les femmes du film existent sans le regard des hommes. Ce sont même elles qui les aident à se sentir mieux. Je suis persuadée que le féminisme actuel doit aussi passer par des représentations masculines différentes. 

"Les femmes du film existent sans le regard des hommes"

Comment avez-vous construit vos personnages pour coller à cette idée ?
Emma Benestan :
Pour la bande d'amis par exemple, j'en avais marre de voir des garçons issus de milieux populaires qui soient forcément des durs, des voyous. J'ai voulu des mecs décalés, mais qui se comprennent, qui se soutiennent et qui parlent d'amour. J'ai rédigé une petite bible des personnages dans laquelle je racontais leur back-story, les phrases qui les définissaient et leurs signes astrologiques. Le signe Solaire correspond à la façon d'agir, l'ascendant traduit notre être social et la Lune renvoie à la personne que l'on est lorsque l'on est seul face à soi-même. Ces trois subtilités m'ont permis de donner des directions aux acteurs, de leur dire "tu parais vulnérable, mais au final tu es plutôt ambitieux" par exemple. Cela m'a aidée à définir des sensibilités, à créer des nuances pour parvenir à construire des profils psychologiques.

La bande de potes de "Fragile" © Haut et Court

Verdict, qui sont Az et Lila d'après leurs signes astrologiques ?
Emma Benestan :
Az est comme moi : Bélier ascendant Vierge avec une Lune en Sagittaire. Le Bélier fonce, il a plutôt envie de se battre, mais la Vierge, qui analyse tout, le rend plus introverti. Ces deux signes contradictoires créent quelqu'un d'empêtré, de fragile, mais qui ne veut pas le laisser paraître. Lila est Sagittaire ascendant Scorpion. Le Sagittaire lui apporte son indépendance, son humour, son côté aventureux, le fait qu'elle ne soit pas très forte pour exprimer ses sentiments. Elle est davantage dans les actes. L'ascendant Scorpion la rend insaisissable, sensible et assez ambitieuse.

"Je cherchais un mec touchant à la Hugh Grant dans Coup de Foudre à Notting Hill"

Qu'est-ce qui vous a fait choisir Oulaya Amamra et Yasin Houicha pour les incarner ?
Emma Benestan :
J'avais déjà travaillé avec Oulaya sur mon premier court-métrage, Belle Gueule. Pendant la dernière phase d'écriture, j'étais sûre que Lila c'était elle. Quand elle a accepté le rôle, il a fallu trouver Az. J'avais l'impression qu'on castait ses prétendants ! Yasin a été un coup de cœur. Je cherchais un mec touchant à la Hugh Grant dans Coup de Foudre à Notting Hill. Yasin a cette maladresse, cette fausse assurance qui le fait se lancer à corps perdu quand il joue. Au casting, d'autres comédiens fonctionnaient mieux dans l'alchimie amoureuse avec Oulaya, mais je cherchais avant tout un lien amical qui pouvait basculer vers autre chose. Ils se connaissent bien dans la vie, ce qui leur donnait ce côté très proche, sans le rapport amoureux.

Deux personnages inattendus du film sont la ville de Sète... et les huîtres !
Emma Benestan :
Sète est ma ville de cœur et il y a beaucoup d'huîtres là-bas. Il y a aussi pas mal de parallèles entre les huîtres, l'amour et les femmes. On dit par exemple qu'il faut en ouvrir plusieurs avant de trouver la perle… J'aime bien cette image. Quand j'ai appris que les huîtres étaient hermaphrodites, ça m'a ramenée à ce questionnement autour du genre. J'ai voulu qu'Az soit ostréiculteur pour coller à la région, mais aussi parce que c'est un travail délicat et que je ne voulais pas d'un homme qui soit un patron, qui gagne beaucoup d'argent. Et puis j'adore qu'un détail de goût puisse évoquer un sujet plus vaste, comme dans The Lunchbox, ou dans mon court-métrage Goût Bacon. Finalement, les huîtres, c'était le fil rouge idéal.