Doria Tillier : "Je n'ai pas peur une seconde des critiques"

Maîtresse de cérémonie de cette 74e édition du Festival de Cannes, Doria Tillier est également sur la Croisette pour présenter sa première réalisation: un court-métrage sous forme de comédie espiègle, gentiment moqueuse envers les médias. Elle nous a parlé de ces deux exercices périlleux.

Doria Tillier : "Je n'ai pas peur une seconde des critiques"
© Niviere David/ABACAPRESS.COM

Doria Tillier aime décidément toucher à tout. Après avoir apporté un vent d'air frais sur la météo de Canal +, puis confirmé son talent d'actrice au cinéma — Monsieur & Madame Adelman et La Belle Epoque lui ont chacun valu une nomination aux César —, la voici maîtresse de cérémonie et réalisatrice. La comédienne est en charge d'animer l'ouverture et la clôture du Festival International du Film, succédant à Edouard Baer en 2019. Elle est aussi à Cannes pour présenter son premier court-métrage, écrit et mis en scène par ses soins dans le cadre du programme des Talents Adami Cinéma. La facétieuse actrice nous a parlé de ces nouvelles expériences, de ses castings et de son envie inconsciente de taquiner le monde de la télévision.

De quoi parle votre court-métrage ?
Doria Tillier La Diagonale des fous, c'est l'histoire d'une journaliste dont l'ambition n'est pas de faire passer l'information, comme ça devrait être le cas, mais d'avoir du succès personnel. Elle rêve de couvrir des sujets chocs, d'interviewer Donal Trump. Au lieu de ça, elle est envoyée sur un sujet qu'elle trouve naze et sans intérêt : la course de la diagonale des fous, qui a lieu chaque année à la Réunion. Elle s'y rend avec son assistant et son caméraman, qui n'ont pas sa soif de réussite. C'est l'histoire de cette journaliste que l'on regarde se décomposer.

Pourquoi ce sujet, vous aviez envie de piquer la télévision ?
Doria Tillier : J'avais d'abord pensé à écrire sur des touristes, puis j'ai eu l'idée d'une équipe de télévision. Sûrement parce que j'y ai travaillé et que les gens des médias et de l'image m'inspirent des choses assez humoristiques. Je ne l'ai pas calculé, ce sont des gens qui m'ont fait remarquer que mon film était une critique des médias. Inconsciemment, ça exprime certainement quelque chose que je pense. C'est comme lorsque l'on fait une blague, elle traduit parfois nos pensées sans que l'on ait forcément envie de le dire. Mon film reste une comédie légère, mais si je l'analyse, je trouve qu'il y a peu de choses aussi dangereuses que la désinformation. Quand les journalistes ne cherchent plus à informer, mais à faire de l'audience, c'est catastrophique pour l'humanité.

"Je n'ai jamais mal pris le fait de ne pas être choisie"

Quel a été le plus gros défi de ce projet ?
Doria Tillier
: Tout était un défi, mais tout s'est bien passé. J'ai obtenu le résultat que je souhaitais: j'ai écrit ce que j'avais en tête, j'ai eu les acteurs que j'espérais… Le plus difficile à vivre, comme un regret, c'était de n'avoir que trois jours pour tourner. On ne pouvait pas faire 50 prises. Nous avons tourné le film chronologiquement et je trouve que la première scène est la moins réussie. Dès le deuxième jour, j'avais pris le pied, j'étais plus efficace. C'était un apprentissage rapide.

Vous avez fait passer des castings à ces jeunes acteurs de l'Adami. Etrange ou jouissif, d'être de l'autre côté ?
Doria Tillier
: Cela ne m'a pas semblé étrange parce que j'étais concentrée sur ce que je voulais faire. Même si pour moi les trois comédiens ont été une évidence, j'ai eu de la peine pour les autres. Quand tu es jeune acteur, tu as envie d'être pris.

Vous, comment gérez-vous les castings ?
Doria Tillier : Je n'en ai pas passé tant que ça, mais je n'ai jamais mal pris le fait de ne pas être choisie. Il y a très peu de rôles pour lesquels j'étais convaincue d'être la bonne personne. Pour la météo, j'étais sûre d'être celle qu'il fallait alors j'aurais été déçue de ne pas être prise. Si je n'ai pas eu certains castings, c'est que je n'étais pas celle qu'il fallait. J'ai tout sauf envie d'être sélectionnée pour un rôle pour lequel je vais être décevante. C'est ma pire crainte.

"Ma hantise, c'est de mal faire"

Votre personnage principal rêve de présenter le 20h. Votre rêve ultime, c'est quoi ?
Doria Tillier
: Je n'en ai pas, sinon je serais en train d'essayer de le concrétiser. Mon rêve, c'est de ne pas me lasser de ce que je fais, de m'amuser, de ne pas devenir blasée. Parfois, on finit par faire un métier par automatisme, en oubliant ce qui nous animait à l'origine. Je trouve ça triste. J'aimerais continuer à savoir pourquoi je fais ça.

Cette expérience vous a-t-elle donné le goût de la réalisation ?
Doria Tillier : Oui, j'aimerais continuer à réaliser. Quand on fait un film, on a un peu envie de le montrer et les courts-métrages ne sont pas beaucoup vus. Mais un long-métrage, une série… Pourquoi pas ! 

Passer derrière la caméra, être la maîtresse de cérémonie du Festival de Cannes... Vous aimez prendre des risques ?
Doria Tillier : C'est un truc des médias ça (sourire) ! Je n'ai pas une seconde peur des critiques. Ma hantise, c'est de mal faire. Quand on est un artiste, on n'a pas peur d'être critiqué, on a juste envie de donner le meilleur. J'ai peur de ma critique à moi. Il y a des gens assis dans une salle obligés de m'écouter. J'espère leur faire passer le meilleur moment possible.