Nicolas Duvauchelle : "Je ne crois pas qu'on reverra les morts"

Dans "Les Envoûtés" de Pascal Bonitzer, en salles le 11 décembre, Nicolas Duvauchelle incarne un homme sauvage et solitaire face à Sara Giraudeau. Pour le Journal de femmes, il se livre sur la mort, les fantômes, la peur de vieillir... Rencontre.

Nicolas Duvauchelle : "Je ne crois pas qu'on reverra les morts"
© Swan Gallet/WWD/Shutter/SIPA

Discret et doué, toujours enclin à éviter les serres acérées du star system, Nicolas Duvauchelle, 39 ans, bâtit une carrière honorable. Révélé en 1999 dans Le Petit Voleur et Beau Travail des respectifs Erick Zonca et Claire Denis, il a depuis brillé chez Xavier Giannoli, Alain Resnais, Maïwenn, Emmanuel Finkiel ou Hugo Gélin. Une trajectoire faisant la part belle aux auteurs ; à l'instar de sa collaboration avec Pascal Bonitzer dans Les Envoûtés. Il y incarne un artiste sauvage qui aurait vu apparaître le fantôme de sa mère à l'instant où celle-ci mourrait. Miracle supposé qui lui vaut la visite d'une journaliste pigiste campée par Sara Giraudeau, laquelle tombe amoureuse de lui dans un climat étrange.  

Qu'est-ce qui vous a interpellé chez Simon ?
Nicolas Duvauchelle : J'apprécie beaucoup le fait qu'il vive reclus, qu'il n'ait pas de tissu social défini. J'aime penser qu'il y a encore des gens comme lui, qui n'en ont rien à foutre des réseaux sociaux et qui ne vivent pas de fausses vies sociales…

Partagez-vous ce côté sauvage ?
Nicolas Duvauchelle :
Oui, j'ai des périodes où je n'ai envie de voir personne. Et ce, pendant une ou deux semaines. Je préfère être dans de bonnes dispositions pour parler aux gens. Je n'aime pas faire d'efforts. Cela dit, j'ai trois enfants donc je suis rarement seul (sourire). Mais avec eux, je me retrouve, j'ai le sentiment d'être moi-même, de me reposer. Ailleurs, on a souvent l'impression d'être en représentation. Les rapports sont toujours un peu biaisés.

Nicolas Duvauchelle et Sara Giraudeau dans "Les Envoûtés". © SBS Distribution

Croyez-vous aux fantômes ?
Nicolas Duvauchelle :
NonJe suis athée… Je ne crois pas qu'on reverra les morts. Mais c'est intéressant car beaucoup de gens ont besoin de croire aux fantômes pour faire leur deuil. Moi, je crois davantage dans quelque chose de l'ordre de la transmission : ce qu'on donne aux enfants, ce que nos grands-parents et nos parents nous donnent. Je pense qu'il faut faire le bien tout de suite, maintenant. C'est ce que je reproche un peu aux religions : cette idée selon laquelle on peut faire n'importe quoi ici mais ce n'est pas grave parce qu'on ira tous au paradis. En gros, même si tu fais de la merde, tu vas au paradis… Quel est donc l'intérêt ?

Au-delà de la religion, les fantômes renvoient surtout à la mort. Comme la percevez-vous ?
Nicolas Duvauchelle :
Je n'y pense pas forcément. (réflexion) Quand je serai vieux et que je n'aurai plus une bonne mobilité, je vais vite me faire chier. Je sais que j'aurai envie d'une délivrance. Petit, je me disais que le jour où mes grands-parents partiraient, ça me ferait trop bizarre. Mais la vie fait qu'on les voit vieillir et qu'on s'y prépare. Ce qui est dur, c'est de perdre quelqu'un de jeune, des enfants… (nouvelle réflexion) Ça m'arrive d'aller sur la tombe de ma grand-mère, de mettre des fleurs. C'est un endroit où se recueillir et penser à elle, même si, dans le fond, je n'ai pas besoin d'être là-bas pour être en connexion avec elle.   

Et l'âme, y croyez-vous ?
Nicolas Duvauchelle :
J'ai du mal. Pour moi, l'âme c'est ce qu'on a fait avant de mourir, ce qu'on a accompli, comment on a été avec les gens... Quand j'entends des expressions comme "Il le paiera dans une autre vie", je n'y souscris pas. Car les choses se passent maintenant.

Pascal Bonitzer regrette que le cinéma français vous cantonne à des rôles de caïd ou de petite frappe. Partagez-vous son point de vue ?
Nicolas Duvauchelle :
C'est vrai que j'ai pas mal de propositions comme ça. C'est très réducteur sans m'agacer pour autant. A 25 ans, ça va. Là, je vais en avoir 40 ans, c'est différent… J'ai autre chose à montrer. Ça viendra. C'est super ce rôle que Pascal m'a proposé. Pascal n'est pas très bavard et ça me plait. Je ne suis pas fan des gens qui parlent de leur métier en en faisant des caisses, comme si c'était un truc exceptionnel. On fait du cinéma, on ne sauve pas des vies.  

"Je veux pas être dans le commentaire de ce que je fais."

Vous semblez totalement assumer votre rejet du star system…
Nicolas Duvauchelle :
Tout le monde n'est pas horrible dans ce milieu. Disons juste que certains veulent être connus à tout prix. Ce n'est pas mon cas. Je ne veux pas tout sacrifier pour le cinéma, que ça prenne ma vie. Je n'ai pas de plan de carrière : genre dans 5 ans je dois faire ça, dans 10 ans je vais aux Etats-Unis… Certains aiment écrire des lettres à des réalisateurs… Je ne suis pas dans tout ça…

C'est peut-être aussi parce qu'à la base vous ne vouliez pas forcément être acteur… Ça vous est tombé dessus grâce à la boxe thaï…
Nicolas Duvauchelle :
Oui voilà, il y a de ça. J'aime les rencontres, partager des choses sur le tournage. Je n'aime pas la télé, la promo. Ça m'angoisse car je ne veux pas être dans le commentaire de ce que je fais. Je ne sais pas quoi répondre aux compliments. Ils me mettent mal à l'aise même si ça fait plaisir.

Nicolas Duvauchelle et Sara Giraudeau dans "Les Envoûtés". © SBS Distribution

Que vous a appris la boxe thaï qui vous sert dans votre métier ?
Nicolas Duvauchelle :
Ça m'a prodigué la connaissance du corps dans l'espace. Et je peux vous dire que c'est énorme quand on est acteur. L'humilité aussi. C'est important.

Le cinéma, ce n'est pas une activité facile pour l'hyperactif que vous êtes. Non ?
Nicolas Duvauchelle :
C'est dur car je suis effectivement impatient. Refaire les prises, changer de plans, attendre une heure… J'ai parfois du mal, je ne tiens pas en place. Dans ce métier, on ne fait qu'attendre : les propositions, les scénarios, les prises, etc… Je fais beaucoup de sport, même pendant les tournages, comme ça je suis moins relou. (rires)

En dehors du cinéma et du sport, avez-vous d'autres passions ?
Nicolas Duvauchelle :
Je suis un gros "gamer". Mon père est par ailleurs fan de jeux de plateau. Il ne fait que ça. J'adore la convivialité de ces moments. Platon disait qu'on en apprend plus en jouant une heure avec quelqu'un qu'en passant une journée avec lui.

J'ai lu dans une interview que vous avez du mal avec l'idée de vieillir…
Nicolas Duvauchelle :
Disons que je ne m'attendais pas à ce que ça arrive à cette vitesse. Putain, ça va vite. Avant, j'avais l'impression qu'il y avait 100 ans entre chaque Noël. Là, on dirait que le précédent réveillon, c'était la semaine dernière. Ma grand-mère me disait que ça passe de plus en plus vite. Les enfants grandissent. Elle avait raison. Je crois que l'essentiel est de ne pas regarder le passé même si c'est tentant. Et essayer de ne pas avoir de regrets.  

"Les envoûtés // VF"