LUNE DE MIEL : le voyage mémoriel de la réalisatrice Elise Otzenberger

En salles le 12 juin, "Lune de Miel" est le premier long-métrage de l'actrice Elise Otzenberger. Avec drôlerie et sensibilité, elle y met en scène Judith Chemla et Arthur Igual sous les traits d'un couple qui remonte le cours de l'Histoire, entre sourire et douleur.

LUNE DE MIEL : le voyage mémoriel de la réalisatrice Elise Otzenberger
© Le Pacte

Après des débuts au théâtre et un seul en scène remarqué (Mon Hollywood... Cher Monsieur Spielberg), c'est en tant qu'actrice qu'Elise Otzenberger s'est d'abord illustrée. On l'a aperçue notamment dans Meilleur Espoir Féminin aux côtés de Gérard Jugnot, Humains de Jacques-Olivier Molon et Pierre-Olivier Thévenin ou Parlez-moi de vous de Pierre Pinaud. En qualité de scénariste, elle a par ailleurs collaboré sur des projets aussi variés qu'Agathe Cléry d'Étienne Chatilliez, Gamines d'Éleonore Faucher ou Love and Bruises de Lou Ye. Cette année, elle nous offre son premier long-métrage, Lune de Miel, d'après un scénario (très intime) qu'elle a également écrit. Elle y catapulte Anna et Adam (Judith Chemla et Arthur Igual), un jeune couple de parisiens aux origines juives, en Pologne. Objet du voyage ? La commémoration du 75ème anniversaire de la destruction de la communauté du village de naissance du grand-père d'Adam. D'émotions en surprises, le récit nous cueille. Pour le Journal des Femmes, Elise Otzenberger développe ses thématiques.    

Inspiré d'un vrai voyage

"Il y a dix ans, quelques semaines après mon mariage et quelques mois après la naissance de mon premier fils, j'ai fait ce même voyage – celui qu'entreprennent les deux protagonistes du film – à Cracovie et à Zgierz.  Ça a été très intense émotionnellement. Comme dans Lune de Miel, nous sommes souvent passés du rire aux larmes. C'est sans doute ce qui m'a donné l'idée d'en tirer une fiction et de créer des personnages de cinéma. Dans le cadre de cette expérience, j'ai été frappée par l'absence, par le silence du monde perdu. Les maisons que l'on ne retrouve pas, parce que détruites, et le vide alentour. L'humour dans le film n'a pas vraiment été un challenge car c'est ma manière d'écrire. J'aime la fantaisie et l'humour. Et puis, il n'a jamais été question de faire de la comédie sur la Shoah. C'est une comédie de personnages. Ce sont eux qui ont un rapport au monde qui fait rire."

Un devoir de mémoire

"Mon film n'a pas pour sujet la Shoah. Il raconte le voyage de ce jeune couple, issu de la troisième génération. Comment vivent-ils avec cette histoire familiale et choisissent-ils de s'emparer du sujet au sein de la famille qu'ils construisent ? Une des raisons qui les pousse à partir, c'est justement le besoin de transmission à leur fils qui vient de naître. J'ai grandi dans une famille athée, pas religieuse, et mon identité juive s'est construite sur la mémoire de la Shoah. Mes parents m'ont parlé très tôt de ce sujet. Comme pour Anna et Adam, ça m'obsède. Je me suis souvent moquée de mon père qui écoutait des chants du ghetto de Varsovie le week-end et qui ne lisait que des livres sur la Shoah… Aujourd'hui, quand je regarde ma bibliothèque, je suis forcée de constater que je fais exactement la même chose." 

Universaliser le propos

"Montrer l'absence, c'était une vraie question de cinéma. J'ai beaucoup travaillé le hors champ, au sens propre comme figuré. Lorsqu'au cimetière à Zgierz, mes personnages découvrent la terrasse en pierres tombales, j'ai préféré filmer leurs regards. Avec Judith et Arthur, on a œuvré à imaginer la vie de ce couple, les films qu'ils aiment regarder, leurs livres, leur passé, leurs habitudes, etc. Ils sont partis en Pologne chargés d'émotions. Le travail de repérages a été essentiel. Dans un premier temps, j'ai essayé de retrouver les lieux de mon vrai voyage, j'ai fait beaucoup rire mon équipe polonaise à tenter de me repérer dans de petites rues, à l'écoute de mes souvenirs plus ou moins flous. J'ai en tout cas raconté cette histoire si personnelle avec le désir qu'elle puisse toucher plus de gens que ceux d'origine juive polonaise. Je pense que le silence dans les familles, la mémoire, les non-dits, la recherche de ses origines, sont des sujets qui touchent beaucoup de monde."

"Lune de miel // VM"