Avec DOULEUR ET GLOIRE, Almodovar signe un sublime autoportrait testamentaire

Avec "Douleur et Gloire", en salles le 17 mai, Pedro Almodovar signe son plus grand film depuis "Parle avec Elle". Il s'y raconte avec force et sans une once de complaisance. L'opus est en lice pour la Palme d'Or... et la mérite.

Avec DOULEUR ET GLOIRE, Almodovar signe un sublime autoportrait testamentaire
© Anthony Harvey/Shutters/SIPA

Et si c'était la bonne ? Après avoir concouru en compétition à Cannes avec Tout sur ma mère (1999), Volver (2006), Étreintes Brisées (2009), La Piel que Habito (2011) et Julieta (2016), le maestro espagnol Pedro Almodovar pourrait enfin remporter cette Palme d'Or qu'il mérite tant avec Douleur et GloireDans ce drame à tiroirs, d'une épure merveilleuse et salutaire, il a fait appel à son acteur fétiche, celui avec lequel il a façonné et popularisé son électrisant cinéma de la Movida : Antonio Banderas. Cette fois, le comédien, jadis vecteur de désir, et souvent filmé dans ses élans torrides, apparaît plus vulnérable que jamais sous les traits de Salvador Mallo, un réalisateur engoncé dans une atonie et une tristesse incommensurable.
Dès son apparition à l'écran, une double constatation s'opère. Banderas propose en effet instantanément quelque chose d'inédit dans le jeu, disséminant les graines d'une véritable renaissance artistique. Il y est grandiose. Plus troublant encore, ses accoutrements et sa coiffure, un poil hirsute, sont une référence directe à Almodovar himself. On comprend dès lors que Douleur et Gloire n'est pas qu'un "simple" drame mâtiné de ce rouge si almodovarien mais bel et bien une oeuvre miroir dans laquelle le metteur en scène star va utiliser l'acteur qu'il a révélé mondialement pour mieux se raconter. En cela, on tient là un film-somme et bouleversant qui investit avec un dosage de pudeur et de délicatesse toutes les zones mémorielles d'un artiste à la dérive.

Une construction brillante

Claquemuré dans son appartement -reproduction de celui d'Almodovar à Madrid-, vrillé par les douleurs d'un corps épuisé, asservi par les prises quotidiennes d'une légion de médicaments, Salvador Mallo tente de trouver son salut en convoquant ses souvenirs. Brillamment construit, le long-métrage entremêle constamment le présent et le passé, faisant remonter les souvenirs heureux ou meurtrissants qui ont construit l'identité de son héros. Ainsi, Penélope Cruz incarne la maman du jeune Salvador tandis que Leonardo Sbaraglia campe un amant qui resurgit dans sa vie, le temps d'une soirée mémorable. Autant de visages qui défilent, avec sobriété et émotion, pour graduellement délester le héros du poids des jours, des nuits, des blessures. Et lui redonner peut-être l'envie d'aller vers sa vraie panacée, l'art, et d'y retrouver dans l'inspiration une respiration nouvelle. Splendide et inoubliable. 

Douleur et Gloire de Pedro Almodovar, avec Antonio Banderas, Penélope Cruz. En salles le 17 mai 2019.