Les frères Dardenne et Cannes : toute une histoire !

Avec "Le Jeune Ahmed", en salles le 22 mai, les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne sont en lice pour leur troisième Palme d'Or. La Croisette et les marches cannoises n'ont d'ailleurs plus de secrets pour eux. La preuve.

Les frères Dardenne et Cannes : toute une histoire !
© Christine Plenus

On dit souvent d'eux, avec humour, qu'ils font partie des meubles cannois. Et pour cause, depuis la révélation Rosetta en 1999, tous leurs longs-métrages ont été présentés –en compétition s'il vous plait– au Festival de Cannes. Mieux : les frères Dardenne ont, à deux exceptions près (Deux jours, une nuit en 2014, qui gagne tout de même le prix du jury œcuménique et La fille inconnue en 2016), remporté à chaque fois des prix majeurs, les installant durablement sur les cimes de l'emblématique manifestation cinématographique. Ils font d'ailleurs partie des neufs cinéastes –avec Bille August, Francis Ford Coppola, Michael Haneke, Shōhei Imamura, Emir Kusturica, Ken Loach et Alf Sjöberg– à avoir remporté deux fois la Palme d'or. A l'occasion de la sortie du Jeune Ahmed, qui dresse le portrait d'un adolescent radicalisé, nous vous proposons un retour sur leur palmarès fou.

"Le jeune Ahmed"

La Palme d'Or

1999. Figurant au cœur d'une compétition de haute tenue, incluant notamment Tout sur ma mère de Pedro Almodóvar et L'été de Kikujiro de Takeshi Kitano, Rosetta fait chavirer le jury présidé par David Cronenberg, qui remet sa Palme d'or à l'unanimité aux frères belges. Pour rappel, on y découvrait Emilie Dequenne sous les traits d'une jeune femme ayant perdu son emploi et qui, avec rage et obstination, essaye de ne pas tomber du train de sa propre vie. Six ans plus tard, les Dardenne coiffent au poteau Broken Flowers de Jim Jarmusch et rééditent l'exploit historique pour le magnifique L'Enfant, portrait rugueux d'un couple (Jérémie Renier et Déborah François sont impressionnants) désargenté qui perd pied à l'arrivée de leur premier enfant. Deux palmes pour deux œuvres d'un réalisme confondant.

Le Grand Prix

2011 était probablement l'une des plus grandes années du Festival de Cannes avec les présentations de Melancholia de Lars Von Trier, Tree of Life de Terrence Malick, Drive de Nicolas Winding Refn ou We need to talk about Kevin de Lynn Ramsay. Ce millésime a également livré son cru dardennien : Le gamin au vélo. Soit le récit de Cyril, 12 ans, obsédé par l'idée de retrouver son père qui l'a temporairement placé dans un foyer pour enfants. Colérique et difficile, le garçonnet trouvera peut-être une forme d'équilibre en passant du temps avec la tenancière d'un salon de coiffure (lumineuse Cécile de France) qui lui offre toute son attention. Ce récit fort et fluide, qui évoque Les 400 coups de François Truffaut, a récolté le Grand Prix du Jury ex aequo (avec Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan) des mains de Robert de Niro.

Le Prix d'interprétation masculine

2002 ou l'année de la Palme du sublime Pianiste de Roman Polanski. Le jury, chapeauté par David Lynch, s'était régalé face à des pointures comme Gaspar Noé (Irréversible), Aki Kaurismaki (L'homme sans passé), Elia Suleiman (Intervention Divine)… mais aussi les frères Dardenne, venus avec le poignant Le Fils dans leur mallette de cinéma. Au cœur d'une sélection riche en prestations d'acteurs de grande qualité –on pense surtout à Adam Sandler, formidable dans Punch Drunk Love de Paul Thomas Anderson–, c'est Olivier Gourmet qui tire son épingle du jeu, remportant le prix d'interprétation masculine pour son rôle de formateur en menuiserie dans un centre de réinsertion sociale. Lequel accueille un jeune bleu désireux d'apprendre les métiers du bois.    

Le prix du scénario

2008 fut l'année du sacre d'Entre les murs, salué par Sean Penn et ses jurés. Dans le palmarès figurait également Le silence de Lorna des frères Dardenne, lauréats cette fois du prix du scénario. L'histoire ? Afin de devenir propriétaire d'un snack avec son chéri, Lorna, une jeune femme albanaise vivant en Belgique, se noie dans les magouilles –mariage blanc à la clé– et tombe dans l'escarcelle de la mafia russe. Avec suspense et tension, les cinéastes dressent une fable sociale sans fioritures, façonnée avec une vérité et une sobriété qui suintent du jeu de l'actrice (époustouflante Arta Dobroshi, qui aurait mérité un prix) comme du choix clinique des plans. On en ressort (physiquement) vidés par sa force et par la foi qu'il recèle pour le cinéma. Les Dardenne sont bel et bien toujours dans candidats en puissance pour les palmarès cannois. Le jeune Ahmed nous le prouvera sûrement.