Veerle Baetens : "La maternité n'est pas toujours rose et agréable"
Elle est à l'affiche ce 1er mai du thriller "Duelles" d'Olivier Masset-Depasse. Elle y incarne une mère de famille bouleversée par le drame de sa voisine, avec qui elle entre en opposition. La ravissante Veerle Baetens se confie au Journal des Femmes.
Révélée mondialement en 2012 pour son interprétation étourdissante dans Alabama Monroe de Felix Van Groeningen, où elle incarne une mère musicienne qui doit faire face à la mort de sa fillette, l'actrice belge néerlandophone Veerle Baetens, 41 ans, poursuit son chemin avec assurance et talent. Ce mois, elle est à l'affiche de Duelles, un thriller stylisé mis en scène par Olivier Masset-Depasse. Elle y prête ses traits à une mère de famille dont la voisine, campée par Anne Coesens, perd son enfant à la suite d'un accident domestique. Entre ces deux femmes naissent bientôt d'incroyables tensions : la seconde voulant s'accaparer l'enfant de la première, comme pour conjurer la mort du sien. Nous avons tendu notre micro à l'affable et sympathique comédienne. Rencontre !
Qu'est-ce qui vous a séduit à la découverte de ce projet ?
Veerle Baetens : Plein de choses. Tout d'abord, j'ai trouvé le scénario bien construit et doté d'un vrai suspense. D'emblée, les personnages féminins m'ont apparu intrigants et complets. J'aime que les femmes aient des failles au cinéma. Je suis par ailleurs très attirée par les films d'époque. Du coup, le fait que l'action se déroule dans les années 60 était un atout. Par la suite, j'ai eu une conversation avec Olivier Masset-Depasse et j'ai senti qu'on était sur la même longueur d'onde, notamment concernant la psychologie des héroïnes. Je l'ai trouvé très profond et présent.
Qui est Alice pour vous ?
Veerle Baetens : C'est une femme complexe. Au début, on pense qu'elle est une bonne maman, bienveillante… Et, petit à petit, la paranoïa s'installe dans son corps. Elle est ballotée entre son instinct maternel et la culpabilité (elle a l'impression d'être responsable de la mort du fils de sa voisine, ndlr). Ce cocktail émotionnel corrompt son corps. Elle commence à vriller. C'est intéressant pour une femme de jouer ça. Olivier explore ici la facette sombre de la maternité. Au cinéma, les femmes sont majoritairement de bonnes mères, de bonnes femmes ou des maîtresses sexy. Dans Duelles, il est au contraire question des défauts de la maternité, qui n'est pas quelque chose de toujours rose et agréable. Elle implique des aspects stressants et difficiles à vivre. (…) C'est en tout cas agréable que les femmes soient pour l'occasion les moteurs de l'histoire et que les hommes nous accompagnent.
Vous êtes assimilable, par votre blondeur, à une héroïne hitchcockienne…
Veerle Baetens : Franchement, je ne l'avais pas vu venir à la lecture, ça ne m'a pas sauté aux yeux. Ce n'est qu'au moment des essayages des costumes qu'on a commencé à voir se profiler ce que vous évoquez. Surtout avec la coiffure et le maquillage. Pour préparer le film, j'ai plutôt regardé des oeuvres comme Rosemary's baby. Olivier nous a aussi demandé de suivre des cours de maintien postural. On a vu une femme aristocrate à Paris qui nous a appris à nous tenir, nous mouvoir, manger, etc… Elle nous a enseigné toutes les règles de bienséance, de politesse, comment nous comporter avec les enfants. A l'époque, dans la bourgeoisie, il y avait une certaine distance. Il a même fallu revoir notre manière de cloper. Aujourd'hui, je fume comme un homme. D'une certaine manière, la masculinité nous a investies. C'est plus de confort pour nous (rires). On se demande parfois à quoi sert la sophistication de certains gestes (rires). Est-ce qu'ils sont venus naturellement ou est-ce qu'ils sont nés du regard des hommes ?
Quelles sont vos inspirations pour ce rôle ?
Veerle Baetens : Je dirais Grace Kelly… Des films comme Fenêtre sur cour ou Vertigo… Mais vous savez, dès qu'on se met dans le costume, qu'on porte les bijoux, qu'on se maquille, on ressent directement l'époque. Je préfère me préparer comme ça. Ça intériorise directement les choses, sans avoir besoin d'aller vers le mimétisme, d'imiter d'autres actrices. J'aime ce que le costume fait avec moi.
"Alabama Monroe a changé beaucoup de choses dans ma vie"
Comme s'est déroulé votre collaboration avec la comédienne Anne Coesens, qui est votre meilleure ennemie à l'écran ?
Veerle Baetens : Très bien ! Elle travaille de la même manière que moi. A côté de ça, c'est une personne agréable. Comme moi, elle est très simple dans tout. On a créé un vrai lien à l'intérieur et en dehors du plateau. On était deux alliées et on avait notre petit caractère entre les prises (rires). En les rencontrant, elle et Olivier, c'était très familial.
Qu'est-ce qui vous plait dans les années 60 ?
Veerle Baetens : Déjà physiquement, je trouve que je vais avec cette époque, que je la porte bien. Les années 60 ont été particulières pour les femmes, avec notamment des jupes plus courtes qu'avant… C'était quand même le début d'une forme d'émancipation. Les femmes étaient en pleine évolution et les costumes splendides.
Un petit mot sur Alabama Monroe, qui a marqué un tournant de votre vie. C'était comment de vivre cette expérience ?
Veerle Baetens : Fou ! Ça a changé beaucoup de choses dans ma vie, ça m'a permis de voyager. La France est venue vers moi, puis la Wallonie après vous (rires). Le film a parcouru le monde et ça m'a ouvert à lui. J'attends impatiemment le prochain projet qui m'offrira la même chose. Cela dit, je reste réaliste. Un jour, quelqu'un m'a dit que ce genre d'éclat n'arrive que tous les 10 ans. La vague Alabama Monroe ne s'est en tout cas pas arrêtée : je reçois encore des lettres, on me dit des choses adorables dans la rue, sur Facebook... La première fois que ça m'était arrivé, c'était quelques années plus tôt, quand je tenais le rôle principal de la version locale d'Ugly Betty.
Et la chanson dans tout ça ?
Veerle Baetens : Il y a un projet que je suis en train de co-monter : une série… Je ne peux pas trop en parler… Etre devant une salle pleine, ça m'angoisse, j'ai le trac. Je préfère l'ambiance d'un plateau, je m'y sens plus protégée. Pour être honnête, je ne crois pas que je sois une super chanteuse. J'ai des défauts dans mon chant.