PETRA : voilà 3 bonnes raisons de découvrir le film au cinéma
En salles le 8 mai, "Petra" est le sixième long-métrage du cinéaste espagnol Jaime Morales. Il met en scène la formidable Barbara Lennie sous les traits d'une jeune artiste qui tente de recoller les (douloureux) morceaux de son passé.
Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes, Petra confirme l'excellente tenue du cinéaste catalan Jaime Morales, grand habitué de la Croisette pour y avoir également présenté quatre de ses cinq précédents longs-métrages : La horas del dia (2003) et Rêve et Silence (2012) à la Quinzaine, ainsi que La soledad (2007) et La belle jeunesse (2014) au Certain Regard. L'intéressé s'attèle ici au portrait sensible et âpre d'une peintre en quête de vérité. Le Journal des Femmes vous donne trois bonnes raisons de vous emparer de la palette et du chevalet.
Une actrice exceptionnelle
En 2011, le grand public découvrait son charisme incroyable dans La piel que habito de Pedro Almodovar. Depuis, de La niña de fuego de Carlos Vermut à Everybody Knows d'Asghar Farhadi, la sublime Barbara Lennie, 35 ans, s'est taillée une place de choix sur la scène internationale. Sa présence magnétique est un des grands atouts de Petra, dont elle tient le rôle principal et dans lequel elle est (presque) de tous les plans. Avec un mélange de grâce et de force, elle prête précisément ses traits à une jeune artiste peintre qui intègre une résidence d'artiste auprès d'un plasticien à la renommée internationale et à la cruauté intersidérale. Son nom ? Jaume Navarro. Son dada ? Faire régner la terreur au sein de son entourage. Malgré ce pedigree horrible, Petra insiste et persiste. Après tout, sa venue n'est peut-être pas un hasard…
L'identité au cœur du projet
Petra peut se voir comme un puzzle parcellaire, un chantier mémoriel et sensoriel sur lequel l'héroïne va travailler pour mieux se connaître et appréhender son passé. Dès les premières minutes, l'air de rien, la thématique de l'identité s'impose naturellement au spectateur dans une forme de gravité qui ne quittera ni le cadre, ni les personnages, tous lestés de tempêtes intérieures et de secrets d'alcôve. Dans les mouvements de caméra comme dans les silences, le dispositif –narratif et technique– favorise un double cheminement intérieur : du spectateur vers les personnages, mais aussi vers lui-même. Ainsi, au gré des minutes, Petra distille un parfum de mystère, quelque chose d'à la fois délétère et libérateur, de toxique et de propice à la rédemption. D'ailleurs, la rédemption est aussi au cœur du processus, mais pour des raisons à découvrir.
Un film baigné par l'art
L'art est présent dans toutes les encoignures du projet. Il y a le point de départ : le rapport entre l'apprentie et son maître, la découverte d'un maestro à l'ouvrage, les vertus de la création… Il y a aussi l'art qu'on ne voit pas forcément. A commencer par cette espèce de langueur proprement littéraire qui jalonne le long-métrage de part en part, jusqu'à l'envelopper totalement. Jaime Morales cite volontiers Aristote, démontrant que ce film est aussi né d'un cheminement philosophique, d'une volonté d'accéder aux personnages par des schémas de pensée, par des non-dits aux sens cachés…. Si Petra séduit, fascine et déroute autant, c'est en définitive parce qu'il a compris que l'art ne doit pas apporter toutes les réponses mais inviter à un voyage réflexif. Ici, le spectateur vogue et divague, croit comprendre mais ne comprend pas toujours, hésite et se laisse aller. Perd pied.