DUELLES : Olivier Masset-Depasse explore la face sombre de la maternité

Neuf ans après l'excellent "Illégal", le cinéaste belge Olivier Masset-Depasse retrouve, dès le 1er mai, le chemin des salles obscures françaises avec "Duelles", un thriller tendu, propice au bras-de-fer paranoïaque entre deux mères.

DUELLES : Olivier Masset-Depasse explore la face sombre de la maternité
© Haut et Court

On l'avait laissé en 2010 avec Illégal, le récit glaçant d'une mère russe placée dans un centre de rétention en Belgique, après qu'elle a été contrôlée par la police. Olivier Masset-Depasse prenait pour l'occasion sa caméra afin de dénoncer le sort réservé aux clandestins et d'alerter les consciences sur une forme horrible de déshumanisation. Neuf ans plus tard, il retrouve son actrice fétiche, la brillante Anne Coesens, dans Duelles. Cette fois, l'intéressé s'éloigne du réalisme pour épouser les codes du thriller. Il porte à l'écran une histoire machiavélique, lorgnant vers La Main sur le Berceau et l'imagerie de Douglas Sirk.
L'histoire ? Début des années 1960. Alice et Céline vivent avec leurs familles dans la banlieue de Bruxelles. Elles s'adorent, mais leur amitié est mise à mal quand le fils de la seconde meurt accidentellement. La mère éplorée se rapproche dès lors, très dangereusement, du fils de la première. C'est le début d'une spirale infernale. Pour Le Journal des Femmes, Masset-Depasse a accepté de commenter trois aspects de son œuvre.

Aux origines du projet
"C'est une adaptation libre du roman Derrière la haine de la Belge Barbara Abel. Anne Coesens me l'a fait lire, car c'est une amie de l'auteure. Après Illégal et le téléfilm Sanctuaires pour Canal+, je cherchais un projet différent, mais ayant toujours un lien avec le pouvoir de l'instinct maternel. J'avais exploré sa facette positive et là je voulais m'attaquer au versant négatif. La question ici est de savoir ce qui se passe quand cet instinct est privé de l'objet de désir, en l'occurrence l'enfant, et comment une femme y fait face. En lisant le livre, j'ai immédiatement saisi son potentiel cinématographique. C'était évident assez vite : j'ai vu les images de manière clairvoyante et c'est bon signe. J'en aimais les ingrédients, ce combat acharné de deux mères et cet aboutissement si particulier. Il y avait aussi cette volonté de me frotter au thriller, à ses origines."

Par amour du genre
"Mon souhait était de réaliser un thriller basé sur le drame familial et nourri par la dimension psychologique qui s'en dégage. Le genre permet de parler de l'humain avec des codes qui mettent en énergie les faits. Je voulais aussi me confronter à des références majeures comme Hitchcock ou Sirk tout en octroyant au projet les atours d'un conte sombre ayant pour ancrage la beauté flamboyante des années 60, ce monde de papier glacé. Lynch est aussi une inspiration. J'aime sa façon de nous rapprocher de la psychanalyse et du rêve. Avec Duelles, j'ai vraiment essayé de faire le film le plus sensoriel possible, de transposer les cinq sens par l'image, la musique et le son. Et de livrer un exercice de style, sans virer vers le pastiche. Avec de l'émotion. Quant à l'esthétique anglo-saxonne, elle est assez raccord avec la Belgique des sixties, qui a été très marquée par l'empreinte américaine. Plus qu'en France…"  

Des actrices talentueuses   
"Le personnage incarné par Veerle Baetens (révélée par Alabama Monroes, ndlr) est un hommage à la femme fatale, glamour, et mentalement fragile que l'on croise souvent chez Hitchcock. Le but du film était justement de jouer sur les archétypes. Ça fait en tout cas quelques années que je voulais travailler avec Veerle. Elle fait transparaître une telle fragilité à l'écran. Elle a ça en elle. Après Illégal, Anne Coesens et moi sommes restés très liés. C'est, d'une certaine manière, ma muse. On a fait nos films de cinéma ensemble. Elle m'inspire. C'est une actrice qui répond au présent et qui accepte des rôles casse-gueule. Elle relève les défis et je suis admiratif de ça. (…) Je ne sais pas si Duelles est féministe. Disons qu'à travers ces portraits, j'ai à cœur de montrer la force positive et sombre de la femme, ce quelque chose en elle qui est différent de l'homme. D'aller chercher cette énergie surhumaine qui les habite".

"Duelles // VF"