Benoît Jacquot : "Casanova est un de mes meilleurs amis"

Pour son 25e film, "Dernier Amour", disponible en DVD et VOD, le cinéaste français Benoît Jacquot raconte un segment méconnu de la vie du mythique Casanova. Rencontre avec un cinéaste amoureux et passionné.

Benoît Jacquot : "Casanova est un de mes meilleurs amis"
© Antonelli / AGF/SIPA

C'est à la rencontre d'un Casanova très inattendu que nous invite Benoît Jacquot dans Dernier Amour, son nouveau long-métrage en costumes. Incarné à l'écran par Vincent Lindon, ce dernier apparaît esseulé, exilé à Londres, loin de sa chère Venise où il a assis sa toute-puissance. On le découvre ainsi vulnérable, mais surtout transi d'amour pour une jeune courtisane -La Charpillon (Stacy Martin)- bien décidée à ne répondre si facilement à ses charmes. Jacquot revient pour le Journal des Femmes sur les aspects-clés de ce projet. Morceaux choisis.

Le personnage de Casanova

"Ses mémoires -Histoire de ma vie-, que j'ai lus à 19-20 ans, m'ont marqué. C'est une lecture précoce qui me poursuit jusqu'à maintenant, sûrement parce que le récit est sincère et l'homme libre. Je me suis laissé emporter par ses aventures d'une façon si forte que ça ne m'a jamais lâché. Son esprit d'aventure et sa liberté, comme une espèce d'horizon, sont incroyables. Tout ça me donnait un sentiment d'ouverture au monde. J'avais d'un coup le sentiment qu'on pouvait, à force d'opportunisme -au meilleur sens du mot-, faire quelque chose de sa vie. J'étais à l'époque dans une maison hors de Paris, sûrement en repérages. Je devais être assistant sur un tournage. Il y avait quelque part, posés là, ses mémoires en livre de poche. J'en ai oublié mon boulot. Casanova m'est proche. C'est un de mes meilleurs amis, quelqu'un dont j'apprécie la compagnie, la conversation et le récit des faits. J'aurais adoré savoir s'il aime mon film et comment il se trouve en Vincent Lindon (rires)"

Le pouvoir de fascination

"Au fond, sa sensibilité et sa façon de vivre ont quelque chose d'artistique. C'est un artiste dont la matière n'est pas une feuille, une plume, une toile ou une palette de peinture. C'est l'essence-même de son existence qui devient une œuvre à part entière, et ce, sans calcul ou volonté précise. Il y a de l'exaltation et des moments de découragement, de dépression, comme ceux que je filme. Mais le relief général est sensible. Le cours de ses jours s'apparente à un artiste en pleine œuvre. On peut d'ailleurs piocher dans sa vie à l'envie. Le segment que j'ai choisi de traiter est intéressant. Cet homme merveilleux est passé par des bonheurs, des malheurs, des avanies, des revers de fortune. Et là, tout à coup, il se retrouve face à l'impossible -au sens propre- : une femme. Voilà que la part de l'humanité qui l'attire et l'intéresse le plus lui oppose une résistance. Il se retrouve en effet devant une courtisane qui, par définition, appartient à tout le monde mais qui décide que, par exception, elle ne lui appartiendra pas."

L'enthousiasme de Vincent Lindon

"Vincent Lindon a appris par une productrice que je travaillais sur ce projet. Immédiatement, quelque chose s'est allumé en lui. Il a fait irruption au premier rendez-vous qui réunissait ceux qui allaient mettre le film en chantier. Et a lancé : 'Je suis venu vous dire que Casanova, c'est moi !'. Je n'ai pas caché ma perplexité mais j'ai vraiment senti qu'il en faisait une affaire définitive. Il me mettait au pied du mur de notre fidélité amicale. Il voulait le faire à tout prix. J'ai réalisé beaucoup de films autour d'héroïnes et, depuis longtemps, Vincent me demandait de mettre en scène un long-métrage avec un personnage masculin. Il voulait que je le filme dans une position centrale. Ça avait par ailleurs un grand intérêt pour lui de passer d'un chômeur et d'un délégué syndical, ses rôles chez Stéphane Brizé (La loi du marché et En guerre), à un homme du 18e siècle, emperruqué et des bas aux mollets. Ça devenait une gageure en puissance. Tous les deux, on est extraordinairement différents. Et, on est l'un et l'autre à la fois fascinés et charmés par ce qui nous mobilise."

"Dernier amour // VF"