Pearl et Les Estivants : nos coups de cœur ciné du 30 janvier

"Qu'est qu'on a fait au bon Dieu?" revient au cinéma. Après les mariages mixtes (12 millions de spectateurs en salles), cette suite pétrie de préjugés sur les communautés et de clichés raciaux se concentre sur les envies d'ailleurs des quatre gendres… Impossible de passer outre cette comédie franchouillarde au succès assuré ? Pas pour Le Journal des Femmes qui a préféré deux opus intimistes…

Pearl et Les Estivants : nos coups de cœur ciné du 30 janvier
© Haut et Court

Pearl 

Léa Pearl s'apprête à concourir pour le prestigieux titre de Miss Heaven… Mais à quelques heures de la finale, Ben, son ex-mari débarque avec leur fils Joseph qu'elle n'a pas vu depuis 4 ans...
Quel objet cinématographique riche de sens... et déconcertant. Quel personnage fascinant, perturbant, paradoxal que cette Julia qui a façonné Léa, une créature de muscles, un corps tout-puissant, qui glorifie le physique en renonçant aux marqueurs de la féminité : seins et fesses proéminents, délicatesse des attaches ... mais exacerbe dans sa mise en beauté les attributs girly : bikini à paillettes, fards à paupières bleu électrique, rose à lèvres fuchsia, bijoux de pacotille clinquants...

Premier long-métrage, mais film abouti (tant dans sa forme que dans son propos), le drame d'Elsa Amiel cadre en plan large un monde inconnu : celui des femmes culturistes. Anamorphose des images avec le CinémaScope... et métamorphose des apparences sous les néons crados, PEARL est une plongée dans une autre dimension, au delà du genre, au-delà de la partition sexuée, des rôles à tenir dans notre société.
Dans cet espace du "body-building", on construit son enveloppe, sa silhouette, sa réussite, à force de discipline, de souffrance, d'abnégation. On s'isole du monde, de ses interactions, pour ne plus être que sujet de sa propre attention. La caméra de la réalisatrice nous épargne les freaks, les monstres, les bêtes de foire, pour mieux nous embarquer dans un monde parallèle, étrange, difficile d'accès, mais qui interpelle, questionne. Cette athlète est sans cesse dans la répétition, le silence, la retenue, le culte de l'être au monde à travers l'individualité. Elle a choisi son combat, ses douleurs, ses excès, ses privations. 
Cette grande blonde a renié les relations humaines, la famille, l'éducation... Cette nana taiseuse, à la fois massive et évanescente, évolue en marge des diktats de la sexualité, de la maternité, de la séduction, pour mieux se réifier. Mais n'incarne-t-elle pas le summum du libre-arbitre, du détachement, de la conscience de soi ?
C'est notre crainte de perdre le contrôle, nos angoisses de l'asservissement, de la dépendance, de l'abandon que PEARL arbore avec strass et ostentation.

Un film réalisé par Elsa Amiel avec Julia Föry, Peter Mullan et Vidal Arzoni (durée 1h20)

Les Estivants 

© Ad Vitam

 Une villa de rêve sur la Côte d'Azur. Anna arrive avec sa fille pour quelques jours de vacances. Au milieu de sa famille, de leurs amis, et des employés, Anna doit gérer sa rupture toute fraîche et l'écriture de son prochain film. Derrière les rires, les colères, les secrets, naissent des rapports de dominations, des peurs et des désirs. Chacun se bouche les oreilles aux bruits du monde et doit se débrouiller avec le mystère de sa propre existence… Après Un Château en Italie, Valeria Bruni-Tedeschi "réalisactrice" continue, avec ce 4e film, à nous raconter une histoire de famille, la sienne. Icône du cinéma d'au­teur, scéna­riste experte dans l'au­to­dé­ri­sion, Vale­ria joue les filles déca­lées, exces­sives, névro­sées... avec grâce, élégance et subtilité. Impétueuse, radieuse, toujours aussi savoureuse, elle se débat avec sa fémi­nité et ses sentiments passionnés. Instable, écor­chée vive, étreinte par la nostalgie et les regrets, cette artiste appliquée puise son inspi­ra­tion direc­te­ment dans son vécu pour mieux conjurer les démons du passé.
Résultat : un film choral où s'entre­mê­lent introspection, tendresse, lutte des classes, humour et ironie. Les Estivants ? Un drame solaire, vibrant, d'une impres­sion­nante vita­lité qui illumine ce mois d'hiver.

Un film réalisé par Valeria Bruni-Tedeschi avec Valeria Bruni Tedeschi, Pierre Arditi, Valeria Golino et Noémie Lvovsky (durée 2h08)