Swann Arlaud : "Par amour, j'irais au bout du monde"

Dans "Un Beau Voyou", le réalisateur Lucas Bernard dépeint une enquête policière sur de mystérieux vols de tableaux. Pendant que le flic, incarné par Charles Berling s'emmêle les pinceaux, Bertrand, campé par le génial Swann Arlaud, tisse sa toile... comme son interprète, qui a réussi à se faire une place au sein du cinéma français. Le Journal des Femmes a rencontré ce comédien aux milles facettes.

Swann Arlaud : "Par amour, j'irais au bout du monde"
© Pyramide Distribution

Souriant et affable, Swann Arlaud semble à l'opposé de Bertrand, son personnage dans Un Beau Voyou, réalisé par Lucas Bernard, en salles dès le 2 janvier. C'est l'année dernière que le grand public a découvert ce comédien de talent, à l'affiche de l'émouvant Petit Paysan, qui lui a valu un César du meilleur acteur. Depuis, sa carrière a décollé... mais l'humble Swann Arlaud n'a guère les chevilles qui enflent. Il reste un amoureux du cinéma, tout simplement. 

Dans Un Beau Voyou, vous incarnez Bertrand, un personnage un peu particulier, taiseux, mystérieux, presque inexistant, même auprès de sa famille. Comment vous êtes-vous préparé pour ce rôle ?
Swann Arlaud :
Je n'ai rien fait, justement. Je me suis dit que moins j'en savais sur le personnage, moins j'aurais de choses à laisser voir. Il navigue entre différentes identités, ce qui est compliqué. Selon moi, jouer différents personnages aurait été une erreur et la meilleure manière de pouvoir projeter ce mystère était de rechercher la neutralité. Habituellement, j'aime bien avoir quelque chose de concret sur lequel m'appuyer. Lucas Bernard (le réalisateur, NDLR) m'a emmené à l'escalade, c'était une manière de rentrer un peu dans son univers et dans le personnage. Nous avons également beaucoup travaillé sur le texte pour pouvoir se l'approprier et le dire plus ou moins normalement. Ce n'est pas flagrant lorsque l'on regarde le film, mais en fait, le texte est assez difficile à dire puisqu'aujourd'hui on ne parle pas du tout ainsi. 

Comment décririez-vous votre personnage ?
Swann Arlaud :
C'est une sorte de courant d'air, qui a une faille : l'amour. On m'appelle souvent pour jouer des garçons qui vont mal, des rôles avec une certaine densité dramatique, donc j'étais bien content que cela change un peu.

Quelles étaient les attentes du réalisateur Lucas Bernard ?
Swann Arlaud :
Nous avons été très libres et en même temps, il était assez présent et précis. Lucas a quelque chose de très enfantin. Il était constamment à côté de nous lorsque l'on tournait. Dès qu'une phrase sortait bien, il criait presque "yes !" (rires). J'étais un peu perdu au début, je ne savais pas du tout ce que je faisais, mais je me suis un peu "abandonné" et je lui ai fait confiance.

Ce jeune cinéaste nous a confié que le tournage était très plaisant. Vous confirmez ?
Swann Arlaud :
Absolument. Nous avons tissé des liens assez naturellement. Charles Berling (qui campe le policier, NDLR) est un acteur que j'ai toujours admiré. J'ai découvert un homme qui a envie de s'amuser et qui ne cherchait pas à être beau, grand ou formidable, on s'est bien marrés. Jennifer Decker, (qui interprète Justine, NDLR) est absolument merveilleuse. C'est une amie de longue date, on s'est donc amusés avec notre complicité. Elle me fascine. Parfois, lorsque l'on était en train de tourner une scène, je devenais le spectateur et je la regardais jouer. Je la trouve très belle, mais à part ça, elle a une personnalité, une voix, une manière de parler…hypnotique.

Et votre couple fonctionnait à l'écran...
Swann Arlaud :
Je trouve aussi. On gagne du temps à se connaître. Quand on joue une histoire d'amour, c'est toujours compliqué de rencontrer quelqu'un d'inconnu, on se retrouve à moitié à poil dans le lit, on doit se toucher, s'embrasser... On peut croire que les acteurs ne sont pas du tout timides et qu'ils sont totalement impudiques, mais ce n'est pas toujours vrai...

Faites vous partie des timides ?
Swann Arlaud :
Je suis capable d'être impudique et très à l'aise, il me faut un temps d'adaptation assez long. Je suis toujours en retrait au départ, j'ai besoin de points de repères. Lorsque je connais les gens, je me libère. 

Pour une femme, notre voleur est (presque) prêt à se ranger. Seriez-vous prêt à tout par amour ?
Swann Arlaud :
Je l'espère, en tout cas. J'ai un enfant aujourd'hui. C'est sûrement l'amour le plus inconditionnel qui existe, donc je serais prêt à aller plus loin que le bout du monde pour lui.

Pourriez-vous, comme votre personnage, cacher tout un pan de votre vie ?
Swann Arlaud :
Les lourds secrets de cet ordre empêchent de vivre sereinement, mais je passe mon temps à cacher une partie de ma vie, cela fait partie de mon métier. J'ai ce plaisir de la dissimulation, de la transformation, de vivre des vies intenses et éphémères et d'en disparaître rapidement. Je pense que c'est cela qui me plaît dans le métier d'acteur. J'ai peut-être aussi choisi cette profession parce que je ne tenais pas en place et qu'il fallait que je change de métier tous les deux mois. 

Votre grand-père était comédien, votre père, chef décorateur, et votre mère, directrice de casting, être artiste sonnait-il comme une évidence ?
Swann Arlaud : Cela pourrait ressembler à une ligne toute tracée, mais en grandissant, je ne pensais même pas à ce métier. J'ai commencé à faire des castings pour la télé, comme n'importe qui pourrait le faire, seulement pour gagner un peu de sou. Cela m'amusait mais je n'étais pas persuadé d'avoir un quelconque talent. Au bout d'un moment, je prenais un réel plaisir à tourner. Toutefois, j'ai un rapport compliqué à la légitimité. Est-ce que j'ai le droit, est-ce que je le mérite ? Ces questions reviennent souvent. Parfois, on me dit : "C'était facile pour toi", mais j'ai commencé ce métier il y a presque 20 ans, le succès ne m'est pas arrivé tout cuit dans la bouche. J'éprouve une certaine satisfaction d'avoir obtenu les choses par moi-même, à force de travail et de persévérance. Cela ne fait pas très longtemps que je commence à être serein.

Est-ce votre rôle dans Petit Paysan et votre César du meilleur acteur vous ont permis de souffler ?
Swann Arlaud :
Oui, cela a vraiment changé les choses. Depuis, je suis le roi du pétrole (rires) ! Je reçois des scénarios, j'ai le choix, c'est ce que n'importe quel comédien vise. On sait que c'est un métier difficile. Le plus grand luxe que l'on puisse s'offrir, c'est la liberté, la prise de risque. Il y a tout à découvrir, trouver, conquérir.