Valeria Golino : "J'ai toujours été dans le doute"

Valeria Golino joue les mères protectrices dans " Ma Fille", au cinéma le 27 juin. L'actrice italienne connue à l'international s'est confiée sur ce rôle qui l'a troublée, sur son enfance tiraillée et ses décisions parfois regrettées. Entretien, dans le bleu des yeux.

Valeria Golino : "J'ai toujours été dans le doute"
© Cristiano Minichiello/AGF/SIPA

Habituée aux rôles d'excentrique ou de torturée, Valeria Golino joue cette fois une mère d'apparence sensée dans Ma Fille. Cette Sarde totalement dévouée à sa progéniture la protège d'un secret qui la hante. L'Italienne, à peine revenue de Cannes où elle présentait son dernier film en tant que réalisatrice dans la catégorie Un Certain Regard, nous a parlé de ce rôle qui l'a déconcertée. Elle est également revenue pour nous sur sa carrière, ponctuée de plus de 80 films, de Rain Man à Hot Shots!, en passant par Les Opportunistes.

Le Journal des Femmes : Qu'est-ce qui vous a plu dans Ma Fille ?
Valeria Golino : Le personnage de Tina me trouble. Cette dévotion aveugle à sa fille me dérange. Pour Vittoria, elle est prête à sacrifier sa vie de femme. Elle travaille pour elle, elle dort près d'elle. Toute sa libido passe dans cet amour. Il n'y en a que cette petite fille, tout le temps. Elle cache sa névrose derrière une sorte de normalité. Ce n'est pas agréable à jouer. Si j'ai accepté ce rôle, c'était pour comprendre ce qui me mettait si mal à l'aise avec ce personnage.

Qu'avez-vous fini par apprendre grâce à Tina ?
Cette femme n'était pas vraiment heureuse dans son mariage. Elle voulait être mère sans le pouvoir et ce bébé est arrivé comme un petit miracle. Quand tu es mère naturelle, tout est naturel. Tu ne te poses pas de questions sur l'amour de ton enfant, mais quand ce n'est pas le tien, tu travailles double, voire triple pour ne pas le décevoir. J'ai fini par avoir de la compassion pour cette femme qui tente tout pour se faire aimer.

Vous n'avez pas d'enfant. Avez-vous ressenti une pression, un jugement parce que vous n'étiez pas mère ?
J'aurais voulu avoir des enfants. Pendant que j'essayais, je sentais un peu la pression de la société, les gens qui commentaient que c'était bien, qu'il fallait en avoir. Maintenant que c'est une période passée pour moi, je ne ressens pas le jugement des autres. Ce sont mes pensées à moi, intimes.

C'est un face à face entre deux femmes... Une totalement libre, l'autre totalement dévouée à sa fille. En quoi ce choc est-il intéressant ?
Au cours de ma carrière, on m'a toujours proposé le rôle de la romantique un peu folle. J'étais curieuse de me placer de l'autre côté. Le personnage d'Angelica joué par Alba Rohrwacher est plus aventureux, sensuel… Ça m'a énervée de voir que la réalisatrice était plus attirée par ce personnage, mais on ne peut changer les sentiments de quelqu'un. Tant pis, moi j'ai trouvé mon rôle plus intéressant, Angelica est un archétype, Tina est plus complexe psychologiquement.

Valeria Golino et Alba Rohrwacher dans "Ma Fille" © Real Fiction / UFO Distribution

Faites-vous attention à l'image des femmes que vont renvoyer vos rôles ?
Pas du tout et j'espère ne jamais le faire. Il ne faut pas mettre de lois là dessus, sinon l'art et le cinéma sont foutus. Des choses très importantes sont discutées en ce moment. En tant que citoyenne, j'estime que c'est nécessaire. En tant qu'artiste, je ne me pose pas la question. On vit dans une époque moraliste. Je ne veux pas qu'en tant que femmes, on soit considérées comme une race en danger.

Quelle enfant étiez-vous ?
J'ai eu une enfance très troublée par la séparation de mes parents. J'ai été dans un pays puis un autre, à la fois heureuse et malheureuse. Avec ma mère, j'ai une relation très joyeuse, corporelle, affectueuse. Elle était jeune, grecque, pas très sévère. Peut-être aurait-il fallu qu'elle le soit plus... Je l'adore, comme mon père.

Vittoria cherche chez Angelica un modèle pour prendre confiance en elle. Grâce à qui ou à quoi vous êtes-vous émancipée ?
L'émancipation, je l'ai eue en partant de la maison très jeune pour travailler. Enfant j'étais souvent avec des adultes, ma mère nous emmenait, mon frère et moi, partout avec elle. Cela m'a aidée à avoir des points de vue différents.

Quel a été votre plus grand mensonge à vos parents ?
J'ai beaucoup menti à ma mère… et parfois elle le découvrait. Je me rappellerai toujours d'une fois où je ne suis pas allée à l'école, comme très souvent dans les dernières années, et quand je suis arrivée en retard pour récupérer mon frère, j'ai vu ma mère qui attendait pour nous emmener je ne sais où. Je l'ai trouvée toute seule, avec l'espoir de me voir. Ca m'a fait mal au cœur.

Vous avez tourné dans plus de 80 films : quel regard portez-vous sur votre carrière ?
Je suis vraiment fière de deux ou trois films : Respiro, La Guerra di Mario et Pour votre amour, pour lequel j'ai eu la Copa Volpi. J'y vois quelqu'un, moi en l'occurrence, qui fait quelque chose de différent, d'émouvant, hors des conventions. Ca me rend fière, dans le contexte de mon boulot. Je n'ai pas inventé l'eau chaude pour autant ! Au cours de ma carrière, j'ai fait beaucoup de choses. J'ai eu le privilège de travailler dans différentes langues, avec des gens intéressants. Je fais un boulot que j'aime, qui me permet d'avoir une vie confortable. C'est déjà énorme. Aurais-je pu faire mieux ? Oui. J'ai pris de mauvaises décisions, refusé des choses que j'aurais dû faire. Je n'ai jamais été sure de vouloir être à tel endroit, j'ai toujours été dans le doute. C'est ma nature.

Quelles sont vos envies pour la suite ?
J'aimerais bien réaliser un autre film dans les deux prochaines années. J'attends quelque chose qui me plait. En tant qu'actrice, j'ai deux films qui sortent : Les Estivants, de Valeria Bruni-Tedeschi et Casanova de Benoît Jacquot. Mais surtout, en août, je suis en vacances ! C'est mon rêve, ce n'est pas arrivé depuis 2 ans. Entre la réalisation de mon dernier film, les tournages, je suis arrivée à un moment où le plaisir ne suffit plus. J'ai envie de ne rien faire alors je pars en Grèce où il y a la mer et ma mère !

Ma Fille, au cinéma le 27 juin

"Bande-Annonce Ma Fille"