La fête est finie, un premier film prometteur pour la cinéaste Marie Garel-Weiss

Marie Garel-Weiss, scénariste, passe derrière la caméra pour la première fois avec "La fête est finie", en salles le 28 février, le portrait réaliste et puissant de deux jeunes femmes qui tentent de sortir de la drogue. Rencontre.

La fête est finie, un premier film prometteur pour la cinéaste Marie Garel-Weiss
© SOLAL/SIPA

Le Journal des Femmes : La Fête est finie est votre premier long-métrage. Qu'est-ce qui vous a poussée à vous lancer ?
Marie Garel-Weiss : J'ai toujours fantasmé là-dessus. Comme j'étais scénariste et que je travaillais avec des réalisateurs, je me disais qu'il me manquait un truc. Les scénaristes se plaignent beaucoup des réalisateurs. Ils sont un peu obsessionnels, ils vous appellent toute la nuit, parce qu'ils sont sur des projets depuis des années... Je me disais que je n'avais pas cette opiniâtreté là. J'avais envie de faire un premier film, mais le sujet n'était pas clairement défini. J'aimais assez mon métier de scénariste et je n'avais pas forcément envie de passer de l'autre côté.

Pourquoi avoir choisi de traiter de la drogue et de l'amitié fusionnelle ?
Ça a été progressif. Ce sujet qui était personnel n'était pas forcément celui que j'aurais choisi. J'en avais trois qui me tenaient à cœur, mais beaucoup de gens m'ont dit de prendre celui-ci, parce que c'est en partie mon histoire. J'étais réticente au début. J'ai commencé à écrire dessus. Quand j'ai montré le résultat à ma productrice et qu'elle a dit qu'elle validait, j'étais un peu sciée. Les 6 premiers mois, j'étais incrédule, je me disais que ça ne marcherait pas. Je ne me sentais pas forcément très légitime dans ce rôle-là et à un moment donné, on devient complètement obsédé.

La monomanie, c'est plutôt bon signe !
C'est surtout une nouvelle expérience. Je suis très obsessionnelle, mais pas comme ça. Il y a aussi un sentiment vertigineux, où on se dit que la logique dans le cinéma, c'est que le film ne se fera pas. De là, on se sent piégée, voire autopiégée. C'était plus une velléité, j'étais vraiment dedans, sauf que j'ai commencé à me dire que ca ne se ferait pas et ça s'est miraculeusement fait, mais ric-rac. C'était un peu une folie financière. Il y avait beaucoup d'énergie, d'investissement et pas mal d'amour sur ce film.

Vous vous êtes inspirée de votre vie. A quel point ?
Je m'étais dit que je ne dirais pas qu'il s'agit d'une histoire personnelle, mais c'est impossible. Je m'en suis inspirée dans un désir de faire du cinéma. Cette histoire-là était romanesque et avait pas les ingrédients d'un film que j'aimerais voir. Je me disais que c'était presque un film de genre, ce que j'adore. Les héroïnes sont des guerrières. J'avais envie d'un mélodrame haletant. On a beaucoup travaillé autour de ça. L'amitié exclusive que partagent Sihem (Zita Hanrot) et Céleste (Clémence Boisnard) dans le film, m'est arrivée.

Leur amitié et leur dépendance affective semble davantage toucher le public que leur dépendance à la drogue.
C'est marrant de parler de dépendance affective. Ça peut toucher tout le monde, d'autant plus quand on est jeunes. D'aussi loin que je me souvienne, bien avant les problèmes concrets d'addiction, c'est une réponse à un mal-être. Je pense qu'on est déjà préposés, dans notre enfance, à des symptômes de la future addiction. Plus jeune, dans mes amitiés, je cherchais vraiment l'âme sœur, sans que ce soit pour autant toxique. C'était une envie d'avoir ce lien presque géméllaire, qui apporte tout, symptomatique d'un gros manque affectif. Dans La Fête est finie, ce que j'aime dans leur relation – que j'ai vécue – c'est qu'elle pourrait être toxique, de l'art de la dépendance, mais elle est finalement transcendée par un vrai amour, un vrai lien, par ce dont on a besoin.

C'est aussi une belle histoire de résilience.
Quand je suis entrée en centre, une thérapeute m'a dit : "Plus tu as perdu, plus tu as gagné si tu t'en sors". Comme un truc à inversement proportionnel. La résilience ce n'est pas forcément sortir de la drogue, c'est s'en sortir tout court dans cette vie. Avec le co-scénariste, on se disait : "Tiens elle trouve du travail, elle a un mec..." A chaque fois, on n'était pas convaincus. Il ne s'agissait pas de faire du social. Ce qui prime c'est cette espèce de force, cette énergie, ce désir de s'en sortir, avec des rêves un peu dingue. Le rêve de Sihem et Céleste c'est d'être ensemble, de s'en sortir, d'avoir leur vie.

Pourquoi avoir choisi Zita Hanrot et Clémence Boisnard ?
J'avais vu Zita Hanrot dans Fatima, comme tout le monde. Je trouvais qu'elle ressemblait physiquement à mon amie avec laquelle j'ai entretenu une relation fusionnelle. Elle a une sorte de morgue, un truc un peu altier et elle est en même temps très fragile. Zita avait déjà cette chose-là dans Fatima. Je la trouve très forte parce que dans ce film, c'est une autre personne et quand je l'ai rencontrée, j'ai vu quelqu'un d'autre. Pour Clémence, c'est différent, il y a eu un casting de 70 filles.

Etait-ce facile de les diriger ?
Elles ont beaucoup donné. Elles ont un système de jeu à l'opposé. Zita est très réfléchie et analytique, elle a besoin de comprendre. Elle tient les rênes donc elle a plutôt tendance à s'abandonner au fur et à mesure quand elle a vraiment emmagasiné des infos. Alors que Clémence donne tout à la première prise. Il faut qu'elles se rencontrent à un endroit, au milieu : il y a un moment où il y a une étincelle entre elles et c'est super !

Qu'est-ce que ça vous a fait de recevoir des prix pour votre premier long-métrage (aux festivals de Sarlat et Saint-Jean-de-Luz, ndlr)?

C'était super. Surtout que les filles ont reçu à deux le prix de la meilleure intéprétation féminine à Saint-Jean-de-Luz. A Sarlat, dans une salle de 400 places, il y avait 300 lycéens. C'était comme si on me donnait directement le prix du public. C'était vraiment magique. C'est comme si on était aux Oscars, ça nous a beaucoup émues. J'ai fait ce film avec l'envie qu'il soit vu. J'avais envie de quelque chose d'universel, populaire, dans le bon sens du terme. Il y a une espèce de message, mais surtout quelque chose de l'ordre du possible.

Regardez la bande-annonce de La Fête est finie de Marie Garel-Weiss, en salles le 28 février.

 

"La Fête est finie : bande-annonce"