Alice Isaaz : "J'aime sortir de ma zone de confort"

Espoir du cinéma français, Alice Isaaz entre en jeu dans "La Surface de Réparation", en salles le 17 janvier. Elle y interprète une séductrice au but bien précis : se faire une place dans le milieu du football en devenant maîtresse de joueurs. Rencontre avec une actrice animée d'une plus sage ambition...

Alice Isaaz : "J'aime sortir de ma zone de confort"
© ARP Sélection

Alice Isaaz continue de marquer des points. Après des rôles salués dans Un Moment d'EgarementLa Crème de la Crème ou plus récemment Espèces Menacées, la comédienne de 26 ans tâte un nouveau terrain dans La Surface de Réparation. Comme un homme court les jupons, Salome court les crampons. Sa vie est rythmée par les soirées en club, à la recherche de footballeurs professionnels à séduire. Un rôle de nana déterminée et tactique, comme son interprète.

Le Journal des Femmes.com : Pourquoi vous dans ce film ?
Alice Isaaz : Plusieurs choses m'ont convaincue. D'abord, j'adore faire des premiers films. Et puis sans connaître le milieu du foot, je le vis par procuration. Je suis la première à être partante pour une soirée foot. J'aime l'aspect convivial, les pizzas et les bières ! Là, on traite le sujet de l'intérieur, loin de l'image glamour que l'on s'en fait. J'y ai trouvé pas mal de parallèles avec le milieu du cinéma. 

Présentez-nous Salomé, votre personnage...
Salomé sait très bien ce qu'elle fait là. Elle est ambitieuse, elle court après les joueurs professionnels et elle l'assume. On ne sait pas d'où elle vient et c'est ce flou qui m'a plu. Sa rencontre avec Franck fait tout le charme du film. Elle est un détonateur dans sa vie, comme une fée qui lui donne l'espoir d'une histoire d'amour. Elle lui permet de réaliser la vanité de la place qu'il occupe au sein du club, la fragilité de sa place. Elle lui fait reprendre vie.

Elle donne l'impression d'être totalement détachée. Qu'est-ce qui la pousse à agir ainsi ?
Salomé est loin d'être bête. Elle a une grande force, avec un coté un peu fragile, romantique. Il n'y a pas de faux-semblant. Elle n'est pas prête à tout pour être la maîtresse d'un footballeur. Ce qu'elle est suffit à attirer ces hommes-là, elle en est consciente. Cette distance qu'elle prend par moment lui permet de rester libre.

Qu'avez-vous mis de vous en elle ?
C'est inconscient, mais peut-être son ambition et sa lucidité. Salomé a les pieds sur terre, alors que sa place peut paraître déraisonnée pour la plupart des gens. Elle est très ancrée dans la réalité.

Franck Gastambide et Alice Isaaz dans "La Surface de Réparation" © ARP Sélection

Vous êtes née à Bordeaux et avez vécu à Reims avant d'arriver à Paris… envie de fuir ce microcosme ?
J'ai quitté la province pour faire mon métier, mais quand je retourne à Reims j'ai l'impression que les gens n'ont pas évolué. Si rien ne m'avait forcée à partir, je serais surement comme eux et je m'y plairait certainement. Bouger, c'est acquérir une certaine ouverture d'esprit. On est moins confiné. Je suis contente de connaitre d'autres cultures, d'avoir fait des rencontres.

Vous vous destiniez à faire des études de médecine. Qu'est-ce qui vous a fait bifurquer vers le cinéma ?
Mes deux parents sont dans le  milieu pharmaceutique et ces métiers m'ont toujours fascinée. J'ai fait un bac S et je me débrouillais bien, du coup médecine c'était un peu la première option, même si avec le recul, je crois que je n'en aurais pas été capable. Entre ma première et ma terminale, une rencontre m'a fait changer de voie. Le jeune metteur en scène Jonathan Borgel m'a prise pour son court-métrage Jeanne. Pendant le tournage, je me suis dit que j'avais quelque chose à faire ici. Et j'ai finalement intégré les Cours Florent.

Comment ont réagi vos parents ?
Avec beaucoup de chance, mes parents ont très bien réagi. Ils y ont cru dès le départ. Je ne les remercierai jamais assez pour ça. Ma mère me dit souvent qu'elle ne sait pas ce qu'il lui a pris, qu'elle a été folle de me laisser aller dans la gueule du loup... Et elle dit ça alors que ça a marché !

Alice Isaaz dans "La Surface de Réparation" © ARP Sélection

Qu'est ce qui vous donne envie de faire un film ?
Je suis attirée par une histoire, par la manière dont est écrit le scénario, par les autres comédiens, le personnage, la rencontre avec le metteur en scène... Tout peut me donner envie de participer à un projet. A l'inverse, quelque chose qui ne passe pas avec le réalisateur peut me faire renoncer. 

Qu'est-ce qui peut vous effrayer dans un rôle ?
On fait ce métier pour sortir de notre zone de confort. J'en ai eu l'occasion sur Especes menacées. Le rôle était assez physique, éprouvant émotionnellement. J'ai hâte de multiplier les rôles qui ne se ressemblent pas.

"J'adore ce milieu autant que je le redoute"

Votre rôle dans Espèces menacées vous permet d'être prénommée aux César pour la seconde fois. Les prix sont-ils importants ?
Recevoir un prix est une vraie satisfaction, mais ce n'est pas une fin en soi. Fabrice Luchini a "seulement" décroché un César du meilleur acteur dans un second rôle en 1994. Il a été nommé plein de fois sans jamais être récompensé. Comme Leonardo DiCaprio. Pour autant, ils ont fait des films formidables, leur carrière est extraordinaire et ils bossent comme des fous. Les prix ne sont pas significatifs de la réussite.

Les paillette, le glamour... Comment vous sentez-vous dans la grande famille du cinéma ?
Ana Girardot est une très bonne copine. Je suis aussi restée très proche de Jean-Baptiste Lafarge (également acteur de La Crème de la Crème, ndlr), ou encore Isabelle Carré… Mes amis au quotidien, ceux avec qui je fais des soirées pyjamas, ne sont pas des gens du cinéma. J'adore ce milieu autant que je le redoute. Je reste vigilante.

On parle énormément du sexisme au cinéma... surtout aux Etats-Unis. L'avez-vous déjà ressenti ?
Sans m'étendre sur le sujet, je me suis déjà sentie visée. Pas sur l'égalité des salaires, parce que sur ce point je fais confiance à mon agent et que je ne cherche pas à savoir combien sont payés les autres. Mais j'ai vécu quelque chose qui m'a touchée.

La Surface de Réparation, avec Alise Isaaz et Franck Gastambide. Au cinéma le 17 janvier 2018.