PETIT PAYSAN : Rencontre avec une vétérinaire rurale

Émouvant, juste et fort : "Petit Paysan" dépeint le combat de Pierre, un agriculteur prêt à tout pour ses vaches et aborde le quotidien de Pascale, sa sœur vétérinaire rurale. Un métier et une réalité dont nous parle Morgane, installée en Normandie.

PETIT PAYSAN : Rencontre avec une vétérinaire rurale
© Pyramide Distribution

Dans Petit Paysan, Sara Giraudeau joue Pascale, soeur de Pierre : un éleveur de vaches laitières dont la vie tourne autour de sa ferme. L'agréable routine de l'agriculteur bascule lorsqu'une épidémie vient frapper son troupeau. Vétérinaire, Pascale est la seule personne à qui Pierre confie ses angoisse et avec qui la communication est fluide. Partagée entre la relation fraternelle et ses obligations sanitaires, tiraillée entre une douceur latente et une force de caractère manifeste, Pascale nous montre l'ambivalence de cette profession.
Au-delà d'une fresque réaliste sur les difficultés du monde agricole, ce premier long-métrage d'Hubert Charuel, primé au Festival du Film Francophone d'Angoulême, aborde l'exercice de vétérinaire rural, moins connu que l'aspect citadin et les soins de nos animaux de compagnie. À l'occasion de la sortie du film le 30 août, le Journal des Femmes s'est entretenu avec Morgane, une vétérinaire mixte qui divise son travail entre son cabinet et les exploitations des éleveurs de Seine-Maritime. Rencontre hors-champs.

Le Journal des Femmes : D'où vient votre vocation et pourquoi le métier de vétérinaire mixte plutôt que seulement canin ?
Morgane :
Je suis vétérinaire mixte depuis 7 ans. Lorsque que j'étais petite je voulais être fermière, je passais mon temps avec les vaches de mes grands-parents professeurs dans un lycée agricole. Mes parents étant médecins, le métier de vétérinaire m'est apparu comme une évidence. En faisant mes études à Lièges où ils ont une approche centrée sur le cheval et où j'ai fait des stages en contact avec les bovins, j'ai aussi voulu travailler dans le rural et vivre à la campagne.

Comment gérez-vous votre quotidien ?
Je  travaille à 80% avec des horaires 8h30/18h30 et je ne fais qu'une garde sur dix. Lorsque je suis sortie de l'école, j'étais à temps plein et je faisais une garde sur trois. La première année était donc compliquée. Aujourd'hui, j'ai un mari vétérinaire et deux enfants, j'arrive parfaitement à conjuguer ma vie pro et ma vie perso. J'ai la chance d'être dans une structure dense qui permet à chaque vétérinaire d'avoir une bonne qualité de vie, je sais que ce n'est pas le cas partout.

"Certains agriculteurs sont réfractaires à cette féminisation, mais ils vont bien devoir s'y faire !"

Parlons du côté rural de votre métier. Comment abordez-vous le fait d'être une femme dans un environnement majoritairement masculin ?
En Normandie, nous avons de la chance car il y a énormément de femmes vétérinaires, comme dans ma structure, majoritairement féminine depuis toujours. Côté agriculteurs, je ne suis quasiment en contact qu'avec des hommes. Avant je croisais quelques femmes qui aidaient leur mari sur l'exploitation, mais maintenant elles travaillent de leur côté pour que le foyer puisse s'en sortir financièrement. Il y a plus de femmes dans tous les métiers "à côtés" tels que les nutritionnistes, les vétérinaires, les inséminateurs etc… Certains agriculteurs sont réfractaires à cette féminisation, mais ils vont bien devoir s'y faire !

Comment réussissez-vous à travailler avec des bêtes aussi imposantes ?
Je pense qu'on se dévalorise beaucoup en se disant : "Puisque je suis une femme je ne vais pas en être capable." En ayant la bonne technique et en réfléchissant différemment, on y arrive sans problème. Bien sûr, on a parfois besoin d'un peu plus de force, mais que l'on soit un homme ou une femme, on a des outils qui rendent les choses plus faciles. Plus que des faiblesses, je pense au contraire que les femmes ont de vrais atouts comme davantage de douceur, de patience et d'empathie sur l'animal.

Quelle est votre relation avec les agriculteurs ?
Je nous des liens très forts avec eux, une véritable confiance s'installe entre nous. Le fait que je sois une femme ne m'a jamais causé de problèmes avec les éleveurs, c'est plutôt l'inverse. Si j'ai le moindre souci, ils vont spontanément venir m'aider, beaucoup plus que si j'étais un homme.

Dans Petit Paysan, l'inquiétude de Pierre tourne à l'obsession. Avez-vous avez déjà eu affaire à des éleveurs trop angoissés ?
Tous les éleveurs aiment leurs bêtes et ont un lien privilégié avec chacune d'entre elles. Ce sont aussi leur gagne-pain. Ils sont donc très, voire trop stressés, mais lorsque l'on voit qu'une épidémie peut mener à l'abattage complet du troupeau et à la perte du travail de toute une vie, on peut les comprendre. Je ne côtoie pas vraiment d'agriculteurs intrusifs car faire appel à des soins vétérinaires coûte de l'argent. Avec la crise du lait et le prix des veaux au plus bas, certains ne peuvent pas faire soigner leurs bêtes.

Ressentez-vous une évolution dans la façon de travailler des agriculteurs ?
Certaines grosses exploitations commencent à se robotiser, mais c'est encore assez rare car cela coûte cher. Je vois aussi beaucoup d'éleveurs arrêter le lait à cause de la crise : la terre leur rapporte plus. Au-delà de la manière de travailler, je vois une vraie évolution dans la façon de vivre des agriculteurs. Aujourd'hui, ils prennent une à deux semaines de vacances, se font aider et ont une vraie vie sociale. L'image de l'agriculteur seul dans sa ferme et qui ne voit que ses parents est de moins en moins conforme à la réalité.