Catherine Hardwicke : "J'aime tous les sujets qui touchent au drame"

La réalisatrice Catherine Hardwicke a mis de côté l'adolescence, son thème de prédilection, pour se pencher sur ceux du cancer et de l'amitié inébranlable dans le poignant film "Ma meilleure amie", en salles le 15 juin. Interview.

Catherine Hardwicke : "J'aime tous les sujets qui touchent au drame"
© Chris Pizzello/AP/SIPA

Catherine Hardwicke s'est illustrée derrière la caméra dès 2003 avec son premier film suivant les aventures juvéniles d'une ado, Thirteen, qui a raflé pas moins de trois prix la même année au Festival de Sundance et de Deauville. Une belle entrée en matière en tant que réalisatrice pour celle qui restait déjà dans l'ombre des plateaux de tournage lorsqu'elle exerçait le métier de chef décoratrice. En 2004, elle se focalise de nouveau sur la jeunesse avec Les Seigneurs de Dogtown, puis en 2006 avec La Nativité. On retient surtout son adaptation sur grand écran du premier opus de Twilight : Fascination (2009) avec Kristen Stewart et Robert Pattinson, ainsi que celle du Chaperon Rouge (2011) dans lequel Amanda Seyfried donne la réplique à Gary Oldman. Avec Ma meilleure amie, Catherine Hardwicke change de registre et filme les épreuves de la vie que vont subir deux femmes liées par une forte amitié, incarnées par Drew Barrymore et Toni Collette. Entretien avec cette cinéaste passionnée.

Catherine Hardwicke © Chris Pizzello/AP/SIPA

Journal des Femmes : Comment est née l'idée de Ma meilleure amie ?
Catherine Hardwicke : Morwenna Banks, scénariste, actrice et écrivaine britannique, a trois amies proches qui ont été atteintes du cancer. Ça a été des épreuves tellement fortes en émotion. Elle les a retranscrites dans un scénario et avec Christopher Simon, le producteur, ils me l'ont envoyé et ont pensé que je pouvais l'adapter sur grand écran. Mon propre père est mort d'un cancer et il continuait de faire des blagues tout le temps. J'ai beaucoup aimé l'idée de garder une touche humoristique dans le film. Je voulais savoir comment on continue de rire, comment on arrive à se dire que la vie continue, malgré la maladie.

Dans votre filmographie, vous abordez majoritairement le thème de l'adolescence. Cette fois-ci, vous vous êtes penchée sur le cancer. Pourquoi ?
Je traite de tous les générations : dans mon premier film Thirteen, ce sont deux meilleures copines qui grandissent et avancent vers l'âge adulte, alors que dans Ma meilleure amie, Toni Collette n'est pas tout à fait adulte ! J'aime tous les sujets qui touchent au drame et possèdent un enjeu élevé. La période de l'adolescence y est propice. Evidemment, d'autres étapes de la vie le sont davantage, à l'instar de celle du personnage de Toni Collette qui a un mari, des enfants, un job… et un cancer.

Pourquoi avoir choisi de focaliser ce film sur le cancer du sein ?
C'est une idée de Morwenna Banks :  une de ses amies en a souffert, c'était dans le script quand je l'ai reçu, mais je pense que c'est vraiment pertinent. Ma meilleure amie traite de sujets qui affectent profondément et physiquement les femmes. Bien que les hommes puissent également être touchés par le cancer du sein, c'est majoritairement la gent féminine qui l'est et qui doit affronter cette épreuve, tout comme le fait d'avoir un bébé ou non, la quarantaine passée.

Vous avez rencontré avec Toni Collette des personnes atteintes du cancer. Que retenez-vous de ces entretiens ?
Nous avons rencontré beaucoup de survivantes et de personnes en phase de rémission. Elles se demandaient si elles étaient toujours sexy, si on les désirait toujours, comment elles allaient apprendre à s'aimer de nouveau. Elles nous ont expliqué comment on continue de vivre et de s'organiser tout en surmontant ça, car il faut toujours aller travailler, puis aller chercher les enfants après l'école... C'était vraiment fascinant de parler avec elles, d'apprendre comment elles ont été aidées durant la maladie et comment il faut les aborder. Certaines personnes pourraient se contenter de dire : "Si je peux faire quelque chose, dis le moi", alors qu'il faut être plus précis, dire "je vais apporter le repas pour ta famille et toi", être dans l'action. C'est ce que j'ai appris.

Toni Collette et Drew Barrymore affichent une complicité évidente dans le film. Comment est-elle née ?
C'était important que les deux actrices soient complices. J'étais un peu nerveuse car je n'ai réussi qu'à les réunir qu'une semaine avant le début du tournage. Elles se sont parlé et ça a très bien fonctionné, elles ont toutes les deux été très à l'aise et ont enchaîné les blagues. La plupart des dialogues comiques que l'on peut entendre dans le film ont été improvisés par elles. Je voulais que Ma Meilleure Amie soit une comédie et en les voyant, je me suis dit que ça allait être magique.

Toni Collette nous a confié que la scène du lit avec son mari était totalement improvisée. Avez-vous pour habitude de laisser de la liberté à vos acteurs ?
J'adore laisser mes acteurs improviser, parfois des choses fantastiques peuvent arriver lorsqu'ils se parlent entre eux, je l'ai fait dans chacun de mes films. J'aime leur laisser suffisament d'espace pour qu'ils puissent s'approprier leur rôle.

Comment avez-vous eu l'idée de tourner des scènes à l'iPhone ?
J'étais désespérée à ce moment-là ! Je n'avais plus de mémoire sur les cartes des caméras. J'étais dans le taxi quand je m'en suis rendue compte et je ne voulais le dire à personne. Pour m'en sortir, j'ai dit à l'équipe "Tournons à l'iPhone, ça va être super drôle !" La scène où Toni et Drew chantent devant leur téléphone est devenue ma préférée. On y ressent en même temps la tristesse et la joie. Le lendemain, on avait tout le matériel qu'il fallait et on a tout de même continué à tourner à l'iPhone !

Avez-vous une meilleure amie ? Quelle relation avez-vous et que seriez-vous prête à faire pour elle ?
Je dirais ma sœur, mais j'ai trois autres amis très proches dont l'une est morte du cancer. Elle était incroyable, elle pouvait rire de tout et faisait tout le temps des blagues pendant son combat. Pour ma sœur, je pourrais faire n'importe quoi, il n'y a pas de limite. Quand la vie vous enlève quelqu'un, vous espérez pouvoir faire plus que ce vous ne faites déjà, vous espérez avoir le remède magique... C'est tellement frustrant.

Vous êtes à l'origine du premier volet de Twilight. Comment avez-vous réagi après avoir été évincée ?
Je ne me suis pas fait virer. J'avais une clause dans mon contrat qui stipulait que si le film rapportait 1,5 fois ce qu'il a coûté, j'avais le choix de faire le deuxième opus ou pas et j'ai préféré ne pas le faire. Je suis tombée amoureuse du premier livre : c'était tellement pur et ça touchait directement le coeur, ça avait l'air de sortir tout droit d'un rêve. Je trouvais ça intéressant de traiter de l'adolescence et du premier amour, de ces vampires qui vivent dans les bois. J'ai eu beaucoup de temps pour le retranscrire sur grand écran, en y ajoutant des éléments de mon imagination pour le rendre plus cinématographique, comme par exemple la balade au-dessus des arbres. J'ai essayé de l'imaginer comme un rêve pour en faire un film.

Que pensez-vous de la suite de Twilight ?
Au début, personne ne pensait que ça allait marcher : personne ne voulait faire le film, ça a été rejeté par tous les studios d'Hollywood. Ils pensaient que ça ne rapporterait pas d'argent. Avec le succès du film, les nouveaux réalisateurs ont dû se plier aux décisions de la production et ont dû penser l'histoire autrement, à la manière d'une comédie. Pour ma part, je l'ai réalisée comme un film indépendant. On sent le cœur du film : c'était une expérience très personnelle pour les acteurs et moi. J'aurais pu faire le deuxième opus si j'avais eu autant de temps que pour le premier. Ils m'ont dit : "Nous devons rester au plus près de l'esquisse, on veut que ce soit vraiment fidèle au livre, c'est ce qui marchera le mieux." Ils voulaient aussi que le tournage commence très vite, que je cherche rapidement des lieux et que l'on commence aussitôt les prises. Je ne voulais pas faire le deuxième s'il n'était pas meilleur que le premier. Les journaux ont ensuite raconté que je m'étais fait virer. Bien que la société ait démenti, les médias ont continué de titrer leur une avec cette fausse info.

Vous avez lancé la carrière de Kristen Stewart et Robert Pattinson. Que pensez-vous de leur évolution ?
Leur relation m'est très intime et personnelle. J'ai rencontré mon mari lors d'un dîner et c'est ainsi que ça s'est produit pour eux. Vous avez probablement lu que les auditions ont eu lieu chez moi : je leur avais demandé de s'embrasser dans mon lit. J'ai assisté au moment ou leur regard se sont croisés pour la première fois ! Je n'aurais pas pu imaginer qu'une histoire d'amour naisse pendant le tournage. Nous avons passé un bon moment ensemble et maintenant ils ont d'autres personnes intéressantes dans leur entourage. Je suis contente qu'ils aient eu cette expérience pendant l'aventure Twilight.

Regardez la bande-annonce de Ma meilleure amie, en salles le 15 juin :

"Bande-annonce "Ma meilleure amie""