Emma Luchini, des mots aux images

Emma Luchini a toujours voulu raconter des histoires. Après le César du Meilleur court-métrage en 2015 pour "La Femme de Rio", elle revient avec son deuxième film "Un début prometteur" qui réunit Manu Payet, Veerle Baetens... et Fabrice Luchini, en salles mercredi 30 septembre. Rencontre.

Emma Luchini © NIVIERE/BENAROCH/SIPA

La cinéaste Emma Luchini a adapté au cinéma Un début Prometteur, le roman éponyme de Nicolas Rey. Le Journal des Femmes a voulu en savoir plus sur cette réalisatrice qui raconte l’histoire d’un trio improbable aussi mélancolique que jovial. Rencontre avec une femme aux yeux pétillants, à la voix cassée et au discours qui résonne avec intelligence.  

Le Journal des Femmes : Comment s’est déroulée la collaboration avec votre compagnon Nicolas Rey autour de l’adaptation de son roman Un début Prometteur ?
Emma Luchini
 : Quand j’ai rencontré Nicolas,  il m’a fait lire Un début Prometteur que j’ai dévoré en une heure. J’y ai tout de suite vu un film et l’on a travaillé sur l’adaptation. Peut-être que le fait d’avoir été avec lui à l’époque durant l’écriture du scénario m’a donné accès à l’homme qu’il est et qui rejaillit forcément sur le personnage de Martin (héros dUn début Prometteur, ndlr). C’était passionnant de collaborer avec lui. Nous nous sommes séparés au moment du tournage et il m’a laissé complètement libre. Adapter un livre c’est le trahir et c’est ce qu’il m’a dit de faire. Sur le plan narratif, le film est assez loin du livre, mais j’espère ne pas avoir trahi la veine profonde du roman. Sur le plan personnel, nous ne sommes plus ensemble mais restons en bon terme.

Il s’agit de votre deuxième long métrage, qu’est ce qui a changé pour vous en tant que réalisatrice ?
J’ai fait mon premier film avec une certaine  inconscience, presque une naïveté quant à ce qui concerne les obligations de l’industrie du cinéma. Pour Un début prometteur c’est un peu comme un deuxième accouchement –même si je n’aime pas cette comparaison-  on y va avec plus d’appréhension parce que l’on sait à quoi s’attendre. J’ai donc fait plus attention et je pense avoir perdu un peu de spontanéité comparé au premier film.

Quel est votre regard sur votre parcours ?
Je serai une grande malade si je n'étais pas fière de moi. Je travaille sur l’écriture de mon prochain film et j’ai une énergie pour apprendre et progresser en continuant de tourner.

Comment s’est fait le casting d’Un début Prometteur ?
J’ai d’abord recherché le personnage de Martin qui est la colonne vertébrale du film. Je voulais qu’il ait un ton mélancolique et flamboyant à la fois. J’ai donc regardé du côté des acteurs comiques. Manu Payet était parfait pour passer de la légèreté à la gravité.

Pour le rôle de Mathilde j’ai eu beaucoup plus de mal et puis j’ai appris que l’actrice belge-flamande d’Alabama Monroe, Veerle Baetens, parlait français. J’ai trouvé ça formidable que le personnage féminin du film, insaisissable, mystérieux, ait un accent . Mathilde est à la fois très féminine et très masculine, lumineuse et rock.

© Gaumont

Est-ce que vous enviez la liberté et l’indépendance du personnage Mathilde ?
Elle représente une sorte d’absolu féminin dans l’idée de la femme fatale d’aujourd’hui telle que je me la représente. Mais je suis aussi consciente de ses failles et je sais que c’est triste de ne pas être capable de s’attacher parce que c’est ce qui donne du sens.

Le film tourne autour d’une rencontre décisive mais éphémère. Croyez-vous aux rencontres ?
Oui ! Je ne crois qu’en cela ! C’est fascinant d’ailleurs la fragilité d’un destin, il en question dans le film : Martin est encrassé dans sa volonté de ne plus vouloir vivre, de ne plus tomber amoureux et Mathilde arrive et va créer quelque chose en lui, prouver que la flamme n’est pas morte.

Pensez-vous que d’une génération à une autre, l’amour s’aborde différemment ?
Je n’ai pas cherché à ancrer le personnage de Gabriel (interprété par Zacharie Chasseriaud) dans une génération en particulier, il fallait que sa jeunesse soit intemporelle. En revanche j’ai aimé faire collaborer ces deux êtres qui se ressemblent beaucoup, ils sont frères et se sont des grands  romantiques, mais Martin est déçu par l’amour alors que Gabriel commence à peine son éducation sentimentale. C’est un joli parallèle.

Auriez-vous une anecdote du tournage à partager ?
C’était formidable de pouvoir tourner toute une nuit dans les jardins de Claude Monet. Magique.

Diriger son père sur un plateau, c'est comment ?
Pour moi ce n’est pas différent des autres acteurs avec qui je travaille. J’essaie de tourner avec des gens que j’aime. En revanche tourner avec un acteur de cette trempe, m'a rendue anxieuse.

Fabrice Luchini vous impressionne ?
Il a une forte personnalité, mais c’est inspirant.

Porter un nom de notoriété publique, frein ou atout ?
C’est vraiment 50/50. Il y a une curiosité immédiate pour ce que l’on fait car c’est dur aujourd’hui de générer de l’intérêt même avec un scénario en main. Mais c’est aussi une source d’irritation pour certaines personnes...

Avez-vous toujours eu envie de devenir réalisatrice ?
Non, je voulais écrire des livres et des pièces de théâtre. Cela a occupé tout mon temps entre 8 et 15 ans... C'est écrasée par le poids des auteurs que j’admirais que je me suis tournée vers le cinéma. La comédie m'a permis de raconter des histoires d'une autre manière.

Avez-vous eu un coup de cœur au cinéma récemment ?
La Niña de Fuego de Carlos Vermut qui est sorti en août. J’ai adoré ce film avec une sublime actrice.

Avez-vous un modèle féminin ?
J’adore Barbara: intelligente, libre, amoureuse et en même temps virile. Elle représente la féminité.

Découvre la bande-annonce d'Un début prometteur : 

"Un début prometteur : bande-annonce"