"J'ai une peur panique de la pénétration" : Dannie, 21 ans, raconte

Depuis une mauvaise expérience sexuelle, Dannie, 21 ans, souffre lors de la pénétration. Certains rapports lui causent même des crises d'angoisse. Elle nous raconte sa vie intime et son désir de retrouver une vie sexuelle ordinaire, entre plaisir et confiance.

"J'ai une peur panique de la pénétration" : Dannie, 21 ans, raconte
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Nous avons rencontré Dannie, 21 ans, une jeune femme qui se bat pour retrouver une vie sexuelle épanouissante. Depuis une expérience difficile, survenue très tôt dans son parcours, Dannie souffre durant la pénétration. Comme si le pénis ne pouvait pas entrer, ne devait pas entrer. Elle ne sait pas exactement ce qu'il se passe, ce qu'il se joue. Entre vaginisme et dyspareunies (douleurs pendant les rapports), la frontière est poreuse. Se fermer à l'acte entraîne des douleurs, et les douleurs incitent à se fermer. Elle se confie à nous, intimidée et soucieuse de régler "ce problème qui la ronge". 

"Tout a basculé très vite, j'ai atterri là où il ne faut pas"

J'ai eu mon premier rapport sexuel à l'âge de 16 ans. C'était il y a 5 ans, il s'appelait Arthur et je l'aimais beaucoup. J'en garde un très bon souvenir. C'était simple, tendre, un peu stressant aussi, mais comme toute première fois. Nous n'étions pas ensemble, mais notre complicité était évidente, si bien qu'aujourd'hui, nous nous voyons encore. Je n'ai jamais su définir notre relation. Un "plan cul +", ou bien un ami avec qui l'entente est aussi sexuelle et dépasse les verres, les blagues, les sorties ciné. Et puis, après Arthur, j'ai rencontré Robin. On a couché une fois ensemble, et comme avec Arthur, ça s'est plutôt bien passé, même si le lien entre nous était moins joli. Moins de fusion, nos corps se parlaient moins, se comprenaient moins. C'était rapide, un peu bâclé, même à l'arrache.

Bref, ma vie sexuelle démarrait bien. Elle s'annonçait ordinaire même. Je ne me posais aucune question. J'allais, comme toutes les filles de mon âge, rencontrer des garçons, découvrir mon corps au fil de l'eau et des rapprochements. Mais tout a basculé très vite. A 17 ans, je tombe sur un mec, il me fait envie, je me laisse embarquée, mais j'atterris où il ne faut pas. Dans un rapport qui ne me convient pas, me blesse – physiquement et psychiquement. Un rapport qui me violente et que je ne parviens pas à raconter. C'est dur de poser les mots, moi qui ose à peine les penser.

"Je ne veux plus faire l'amour, et pendant plus d'un an, je ne fais rien"

Après cette mauvaise expérience, je m'éloigne du sexe. Je ne veux plus faire l'amour. Pendant un an et demi, je ne fais rien, strictement rien. Pas d'envie, un besoin d'être tranquille. Ma confiance en l'autre est ébranlée. Quant à la mienne, c'est pire. Le temps passe, j'avance avec cette ombre noire, ce souvenir dérangeant, mais peu importe, je me concentre sur mes études, mes amies, et petit à petit, je laisse derrière moi ce que je dois laisser derrière moi.

Je revois Robin. On flirte, mais le sexe est urgent chez lui. Je me dis que je suis tombée à cheval mais qu'il faut remonter. C'est aussi un moyen de guérir, un moyen de me reconnecter à la vie, aux relations. Notre nouvelle première fois se passe comme elle se passe. Ça ne ressemble pas au passé. Je ressens des douleurs pendant la pénétration, je ne suis pas à l'aise. Je crois que je me sens obligée de faire l'amour avec lui, sans doute parce qu'il est insistant, mais aussi parce que je me l'oblige moi-même. Pour autant, je passe plusieurs nuits avec lui. Et plus ça se passe mal, plus je me mets la pression, celle d'y arriver, de sortir de mon cercle vicieux, sauf que je ne fais que l'entretenir, et que Robin en rajoute une couche parce qu'il est un peu lourd.

"La pénétration est possible, mais elle me fait un mal de chien et surtout génère des angoisses"

Rapport après rapport, avec Robin, je me suis fermée. Je n'aimais pas ça et surtout, j'avais mal. Pour moi, le pénis de Robin était énorme. A chaque fois, je me demandais comment "cette machinerie" allait entrer en moi. Avant, il me semble n'avoir jamais fait attention à ça, à la taille. Mais là, c'est beaucoup trop gros, et au fil des rapports, l'angoisse est prégnante et mon mal-être grandissant.

Son pénis rentre. La pénétration est possible, mais elle me fait un mal de chien et surtout génère des angoisses. C'est comme si Robin me remplissait de l'intérieur et me bouffait. Comme si mon corps était envahi, pris en otage, et qu'il n'existait plus. Seul le sexe de Robin existe et me remplace. Je disparais dans le rapport, un rapport qui finalement n'en est pas un, parce que le peu de plaisir que je peux ressentir avant la pénétration se solde en une sensation d'étouffement, un besoin de tout stopper. J'ai des douleurs et je suis comme engloutie.

"Je me dis que c'est ma faute si je souffre"

Récemment, j'ai dit à Robin que je ne voulais plus le voir. Robin insistait trop, Robin voulait toujours faire du sexe, et moi, je ne voulais plus. Je crois que si j'ai longtemps accepté, c'était par culpabilité. Celle de ne pas lui offrir le plaisir qu'il recherche, mais aussi celle de me sentir nulle, pas capable. Je veux dire, il me semblait clair que c'était de ma faute si je souffrais. Je n'avais qu'à lui dire que je n'aimais pas ses gestes, que je le trouvais trop brut, pas attentionné. Et puis je n'avais qu'à me détendre, apprivoiser mon corps, admettre que mon vagin n'est pas si serré et le pénis de Robin pas si gros.

J'en parle beaucoup avec mes deux meilleures amies. Pour elles, il va de soi que Robin ne m'a jamais respecté. Un rapport, ça ne se construit pas sur trente secondes de préliminaires et basta. Je comprends aujourd'hui que cet homme m'a fait du mal et n'a fait que raviver ma mauvaise expérience passée. 

"Je suis incapable de rencontrer quelqu'un d'autre, un nouveau visage, un nouveau corps"

Si j'ai longtemps fréquenté Robin, c'est aussi parce qu'il appartient à mon passé. Je réalise tout ça, je réalise mon besoin de me réfugier dans "l'avant", période où le sexe n'était pas un problème, seulement une promesse. C'est pour ça, quelque part, que j'ai toujours consenti à voir Robin et que je continue de voir Arthur aujourd'hui. Parce qu'avec Arthur, tout va très bien. Avec Arthur, la pénétration est possible et la douleur inexistante. Arthur est doux, Arthur est tendre, il ne brusque rien et prend soin de moi. Je crois que tout est là. Je crois que je suis bien avec Arthur parce que je me sens en confiance avec lui, que je ne suis pas un objet, que je ne suis le réceptacle de ses fantasmes et de ses désirs.

Je suis incapable de rencontrer quelqu'un d'autre, un nouveau visage, un nouveau corps. Pour en arriver à cette conclusion, j'ai osé un nouveau visage il y a deux ans à peu près : Hugo. Mais la douleur était si vive et le sexe si désagréable que j'ai compris. J'ai compris que toutes les personnes qui n'incarnaient pas mon passé avaient impossibilité d'entrer dans ma vie, et donc métaphoriquement, dans mon sexe. Je ne m'ouvre pas, je ne veux plus m'ouvrir, tête ou corps, même combat.

"Je ne me regarde pas nue et je me touche seulement avec le pommeau de douche"

Ce blocage, je le connais aussi de moi à moi. Je ne parviens pas à me regarder nue. Je ne veux pas, ça me dégoûte. Je ne cherche même pas à me défier, à me lancer, ce n'est pas possible. J'accepte en sous-vêtements, et c'est tout. Et je m'épile les yeux presque fermés, de façon mécanique, comme si j'ôtais les poils de mes mollets. Question masturbation, je ne me touche pas, pas avec mes doigts. Je trouve seulement du plaisir avec le jet du pommeau de douche. C'est d'ailleurs ma seule manière de jouir. Je n'atteints pas l'orgasme avec les garçons, même si avec Arthur, je ne suis pas loin.

Quant au sexe masculin, hormis une vision sans doute déformée de ma part, je dirais qu'il ne me repousse pas. Je peux regarder un pénis, le toucher, et la fellation aussi me plait. Finalement, ma mauvaise expérience, c'était pendant la pénétration, et c'est ce terrain-là qui est compliqué aujourd'hui.

"J'aimerais débloquer ce nœud, ce gros nœud qui freine ma vie sexuelle"

Je mets des tampons, j'y arrive. Le geste est presque banal. Néanmoins, je souffre chez le gynéco pendant l'insertion du spéculum. Je ne sais pas réellement porter d'analyse sur ce que je vis et ressens. Est-ce qu'il s'agit de vaginisme ? On a fait des recherches avec mes amies. Je ne pense pas être vaginique car je peux être pénétrée, simplement j'ai mal. Il s'agit plutôt de dyspareunies, c'est-à-dire de douleurs pendant les rapports. Mais plus j'ai mal, plus je me ferme. Jusqu'où ? Et ces douleurs ont des origines psychologiques. Cette sale expérience me poursuit encore.

Mes copines m'encouragent à découvrir mon corps, m'observer, me caresser. Mais je ne peux pas. Alors peut-être que la solution c'est de continuer avec Arthur, parce que oui, je suis amoureuse de lui-même si je ne me l'avoue pas réellement parce que notre histoire oscille entre amitié et amour. Prendre rendez-vous avec un psy et un sexologue, pourquoi pas. Ou un hypnotiseur qui viendra débloquer le nœud, ce gros nœud qui freine ma vie sexuelle. J'ai envie d'avancer, j'ai envie de découvrir le sexe tel que mes amies le vivent. Chez moi, ce n'est que stress, douleurs, angoisse, impossibilité. Quand j'y pense, parce que j'y pense souvent, ça me rend triste. Triste de passer à côté de cette part de moi, de ce plaisir, de cette rencontre intime.