Témoignage d'une zigounette

Ah les hommes et leur zigounette ! Savez-vous mesdames ce qui se trame entre les hommes et leur organe sexuel ? Il est temps de lever le voile. Et pour ce faire, je vais prendre la parole. Ou plutôt la donner. A qui ? Et bien à une zigounette. Pour que vous la connaissiez mieux. Pour que vous puissiez avoir de l'empathie pour elle. Et pour son pauvre propriétaire. Nous regarderez-vous de la même façon après ce témoignage ?

Témoignage d'une zigounette
©  Teeramet Thanomkiat

La parole est à l'accusé

On nous appelle pénis, zizi, gourdin, verge, popaul, zgeg, phallus, zob, kiki, zigounette, etc. Certains, à l'imagination fertile, nous trouvent même de drôles de sobriquets : asperge, tête chercheuse, thermomètre à moustache, calibre, asticot, grand chauve, anaconda… Nous avons autant d'appellation que de propriétaire. Nous sommes cette chose qui pend entre les jambes d'un homme, au-dessus des bijoux de famille. Nous sommes également ce truc qui se dresse comme un "i" où le point n'est autre que le nombril. Certaines mauvaises langues disent de nous que nous sommes le cerveau de ces messieurs ; ce n'est pas sympa, même si c'est un peu vrai. En fait, l'histoire entre les hommes et leur sexe est plutôt complexe. Laissez-moi vous la raconter, je parle en connaissance de cause. Voici l'histoire de ma vie. Et de celle de toutes les zigounettes. Je ne vous dirai de préparer vos mouchoirs, cela pourrait être mal interprété…

Les garçons et leur pénis

En tant que zigounette, on est très rapidement sollicitée dans la vie d'un être humain du genre masculin. Quand on n'étouffe pas dans une couche-culotte, on devient objet de curiosité. On nous tire dessus, on nous décalotte, bref, on s'amuse avec nous et à nos dépends. Lorsqu'un bébé mâle découvre son sexe, il ignore qu'une longue histoire d'amour dans le genre "je t'aime moi non plus" est en train de débuter. Ce petit tuyau servant à évacuer l'urine, devient un compagnon de jeux innocents. L'enfant découvre son corps. On a déjà des manifestations érectiles mais elles ne sont que réflexes, attestant de notre bon fonctionnement, de nos capacités reproductives. Bref, au début de notre vie, nous, les zigounettes, on apprend la souplesse et les étirements entre les doigts maladroits de nos propriétaires. Objet de jeux enfantins et infantiles, on s'apprête progressivement à devenir objet de plaisir et d'angoisse. C'est le temps de l'adolescence qui arrive. Où nos propriétaires ne voient plus les filles comme "des cloches" mais comme l'ultime symbole de la beauté, de l'esthétique et du désir. Bref, leur raison de vivre.

Les adolescents et leur sexe

Une zigounette n'a pas le choix et se voit condamnée à porter moustaches au début de l'adolescence.  On grandit également. On pousse. En cette période de mutation, notre propriétaire découvre en nous une source nouvelle de plaisirs. On est un peu comme un cadeau de Noël tant attendu par un enfant. Et à l'âge des boutons d'acné, c'est Noël tous les jours. Devant des magazines et autres sites web réservés – soi-disant – aux adultes, de haut en bas, on joue les pistons à longueur de journée. Une vraie obsession. Il est vrai qu'à cette période de notre vie, nous avons la condition physique pour répondre aux exigences de monsieur. Mais il ne faut pas croire qu'on est idolâtrées ! Généralement notre propriétaire nous critique, nous trouve trop petites, s'interroge sur notre…efficience. Je ne sais pas pourquoi mais les hommes rêvent toujours d'un sexe avec quelques centimètres supplémentaires. En un mot, notre adolescent propriétaire ne pense qu'à faire l'amour mais ne peut s'empêcher de douter de ses attributs (c'est-à-dire nous) pour y parvenir. Alors on est parfois les mal aimés. J'en témoigne personnellement. On est le souffre-douleur. Par intermittence. 

Le sexe et l'homme…et l'éjaculation (toujours trop précoce)

Après l'onanisme, la masturbation, vient le voyage intérieur. Caresse puis pénétration d'autrui. Le graal. Le rêve tant attendu, tant espéré. L'éjaculation devient alors un problème. Emerveillés par leur partenaire, les jeunes hommes apprennent tant bien que mal à réguler leurs émotions et à trouver le plaisir dans l'acte, dans le rapport charnel, sans envisager l'orgasme pour mieux tenir compte du plaisir de l'autre. Ça met du temps parfois et nous, on en prend plein la gueule. Comme si nous étions responsables ! C'est une injustice. On n'y est pour rien nous, les zigounettes, si les hommes deviennent fous devant une paire de seins et de fesses ! Pourquoi nous morigènent-ils en nous accusant d'être trop sensibles, trop réactives, trop…précoces dans l'expression de notre plaisir !? Tout ça pour dire qu'on est le Yin et le Yang, le chaud et le froid, le plaisir et la frustration, la dualité… Oui, l'histoire entre les hommes et leur sexe n'est pas de tout repos. Il faut savoir encaisser. J'ai fait avec. Comme tous mes collègues.

Les adultes et leur sexe

Mais si nous sommes toutes logées à la même enseigne, il y a autant de vies masculines qu'il y a de zigounettes. Chacune a son vécu. Une zigounette adulte hibernera souvent au fond d'un pyjama alors qu'une autre voyagera de pays en pays, au climat plus ou moins torride, plus ou moins humide ou préférera se blottir toujours au sein d'un même habitacle, sans jamais se lasser. Il y a cependant une généralité : plus les années passent, plus le rapport entre les hommes et leur sexe devient pausé, constructif. On se connaît mieux, on s'entraide, on compatit quand un des deux n'est pas à la hauteur. On se console. On devient solidaires. A partir de la quarantaine, une forme de quiétude s'installe. Le qualitatif prône sur la quantitatif. On ne bosse plus à la chaîne. Et entre les hommes et leur pénis, le conflit s'atténue. On devient potes, on se dit des mots doux. Hélas pas pour longtemps. La trêve, souvent, n'est que de courte durée…

Les hommes et leur sexe quand la vieillesse s'installe

Puis vient la vieillesse avec son lot de rides et d'essoufflements. Quand un homme prend de l'âge, un nouveau conflit pointe le bout de son nez : l'absence et les difficultés d'érection. On se fait à nouveau enguirlander : "Allez debout, feignasse", "Au boulot, vieille peau" ! Nos propriétaires devraient plutôt s'interroger sur leur hygiène de vie, leur consommation de tabac et d'alcool, leur alimentation, etc. J'ai une amie zigounette qui se voit faire de la gonflette à coup de petites pilules bleues ; une autre a même connu un implant après une intervention chirurgicale ! Les pauvres, elles sont obligées de faire des heures sup' à un âge où elles devraient se reposer, jouir d'une retraite longtemps attendue. A chacun son destin. Mais la vieillesse, en général, reste un moment de repos. L'homme pense moins à nous. La libido s'éteint et nous avec. Comme si l'homme, en nous oubliant, trouvait enfin une forme de sérénité face à l'existence. Quant à nous, on devient flétries. On reste au chaud pendant que notre proprio se boit, le soir, une bonne camomille devant un bon match de foot. On apprécie, après tant de sollicitudes, une retraite bien méritée…