"J'ai cru avoir rencontré l'homme de ma vie… mais il n'était pas celui qu'il prétendait" (Mathilde, 30 ans)

Je suis née dans une petite ville du Sud, mais dès mon plus jeune âge, je rêvais de vivre à Paris. Après le lycée, j'ai donc décidé de m'y installer pour mes études. J'ai gardé quelques amis d'enfance, mais je me suis rapidement constitué un nouveau cercle d'amis grâce à la fac. J'habitais à Paris depuis environ 3 ans, lorsque j'ai recroisé Colin, un ancien copain du collège, à une soirée chez des amis. Je l'avais complètement perdu de vue, mais j'étais contente de le revoir. Il était toujours aussi drôle et comme il revenait d'un voyage en Australie, il avait nombre d'anecdotes plus hilarantes les unes que les autres. Il avait récemment déménagé à Paris, nous avons donc échangé nos numéros pour reprendre contact.

Un entremetteur inattendu

Dès la semaine suivante, nous sommes allés boire un café ensemble. Si nous nous entendions très bien, Colin ne me plaisait pas physiquement. De façon naturelle, j'ai donc instauré un climat amical dès le début. Et ça tombait bien, puisque Colin avait une copine, qui vivait encore en Australie, mais qui avait pour projet de le rejoindre bientôt. Au fil nos conversations, j'ai confié à Colin que j'étais célibataire et que j'aimerais rencontrer quelqu'un. Il m'a tout de suite répondu qu'il n'avait pas osé m'en parler avant, mais qu'un de ses meilleurs amis était peut-être l'homme que je cherchais. Il m'expliqua que Jeremy, son ami, lui faisait beaucoup penser à moi. Il était reporter pour une grande ONG et d'après Colin, il était tout aussi intéressant que séduisant. Dès qu'il m'avait recroisé, Colin avait eu le pressentiment que ça collerait bien entre Jeremy et moi. Il me dit même en riant qu'il avait hâte d'être notre témoin de mariage. Voyant que j'étais dubitative, Colin m'a montré sa page Instagram et je dois avouer que je suis tombée sous le charme : Jeremy était très beau. Colin me proposa de lui parler de moi et de lui donner mon numéro. L'offre était pour le moins alléchante… et je répondis sans trop réfléchir que j'en serais ravie. Ça n'engageait à rien !

Les débuts d'une relation fusionnelle

Le surlendemain, je recevais un message de Jeremy. Très drôle, son texto disait : "Bonjour Mathilde, j'ai cru comprendre que nous étions faits l'un pour l'autre ! Est-ce que tu veux que je réserve le Ritz tout de suite, ou tu préfères qu'on se rencontre avant de se marier ?" Son message m'a beaucoup fait rire, j'ai répondu sur le même ton qu'il pouvait lancer les préparatifs du mariage, à condition que je choisisse les fleurs. Nous avons passé la journée à échanger des textos, parfois très drôles, parfois profonds. J'étais sur un petit nuage. Ça a duré comme ça plusieurs jours, jusqu'à ce qu'il me propose qu'on se rencontre. Malgré une pointe d'appréhension à l'idée de ne pas lui plaire, je trépignais d'impatience à l'idée de le voir en chair et en os. Nous avons fixé un rendez-vous pour le week-end suivant et continué à échanger par messages en attendant. En parallèle, Colin suivait les prémisses de notre histoire grâce à ce que Jeremy et moi lui disions. Il était très heureux de constater qu'il avait eu raison de nous mettre en contact. Quelques heures avant notre rendez-vous, Jeremy m'a écrit pour me dire qu'il devait malheureusement annuler. Son père était à l'hôpital.

La naissance de sentiments amoureux

Le lendemain, il m'écrivit que les médecins s'étaient montrés rassurants : son père était surmené, mais s'il s'octroyait le repos dont il avait besoin. Nous avons continué à nous envoyer des messages et compte tenu de la situation, je souhaitais lui laisser le temps de s'occuper de son père et de me proposer un nouveau rendez-vous lorsqu'il serait disponible. Sauf qu'au bout de trois semaines, les échanges continuaient, sans invitation de sa part. J'ai fini par prendre les devants. Il me répondit qu'il en mourrait d'envie, mais qu'il avait beaucoup de travail et qu'il partait les jours suivants pour trois semaines de reportage à travers l'Europe. Je pris donc mon mal en patience et nous avons continué nos échanges virtuels. A plusieurs reprises, je lui ai demandé qu'on s'appelle, mais il n'avait jamais assez de réseau ou de temps. Il me racontait pourtant tout son voyage, photos à l'appui. J'étais passionnée par ses anecdotes et je regardais ses selfies plusieurs fois par jour. Même si je ne l'avais toujours pas vu en vrai, j'étais déjà très amoureuse de lui. Il avait un métier que je trouvais fascinant, il était beau comme un dieu, gentil et très drôle. Il était vraiment l'homme parfait pour moi.

A son retour, je ne tenais plus en place. Cette fois, il n'a pas attendu et m'a invitée au restaurant le lendemain même. Mais une fois de plus, il annula au dernier moment, prétextant que sa boss lui avait demandé de travailler. C'était trop. Ma patience commençait à atteindre ses limites. J'ai appelé Colin et je lui ai confié mes doutes sur Jeremy. Je commençais à penser qu'il avait peut-être une double vie… Colin me rassura en m'expliquant que c'était un concours de circonstances. Il m'affirma une nouvelle fois que son ami était fiable et honnête. Je lui ai demandé d'appeler Jeremy en ma présence. Il accepta, mais Jeremy était sur répondeur, ce qui m'étonna.

Le retour à la réalité et la désillusion

Cette situation durait depuis presque 3 mois et commençait à sérieusement me peser. J'essayais de comprendre pourquoi Jeremy repoussait toujours notre rencontre jusqu'à ce que je réalise avec effroi que je m'étais faite berner depuis le début. D'un coup, les choses m'ont paru claires, comme si toutes les pièces d'un puzzle s'assemblaient en même temps. Je me suis rendu compte que Jeremy me répondait toujours très vite, sauf dans un cas : lorsque j'étais avec Colin. Ça m'avait complètement échappé jusqu'ici, mais les seuls moments où je recevais des réponses de Jeremy alors que j'étais en présence de Colin, ce dernier était parti aux toilettes, payer ses verres ou écrivait soi-disant un message à quelqu'un d'autre. Je me suis même souvenu d'une fois où il envoyait un texto à sa copine et où quelques secondes plus tard, j'avais reçu une réponse de Jeremy. Avec Colin, nous avions ri de ce hasard… qui était loin d'en être un. Triste et déçue, j'ai compris que Colin avait tout orchestré depuis le début. J'étais très en colère et je lui ai directement demandé de le voir, afin de le confronter.

Nous nous sommes retrouvés le jour même, en début de soirée. Sans attendre, j'ai dit à Colin que j'avais tout compris et je lui ai demandé des explications. Il a d'abord cherché à nier, mais j'étais tellement sûre de moi qu'il n'a pas tenu longtemps. Très énervée, je l'ai traité de monstre, lui expliquant que je lui faisais confiance. Son visage se transforma, il baissa les yeux et se mit à pleurer. Il me répondit, honteux, qu'il avait espéré que cela nous rapproche et que je développe des sentiments pour lui. Il me confia qu'il était amoureux de moi depuis le collège et qu'il avait monté ce stratagème pour que je m'intéresse à lui. Au début, il n'avait pas trop réfléchi, puis la situation lui avait échappé. Il s'était embourbé dans son mensonge et n'avait plus réussi à en sortir. Mon sentiment de trahison surpassait mon empathie. Je me suis levée et lui ai balancé qu'aucune femme saine d'esprit ne voudrait d'une relation basée sur un mensonge. Il m'a envoyé plusieurs messages et m'a appelé à de nombreuses reprises, mais je n'ai jamais repris contact avec lui.

Encore aujourd'hui, cette histoire soulève en moi un fort sentiment de trahison et je ne pardonnerai jamais à Colin ce qu'il a fait. Ça m'a pourtant appris une chose essentielle : ne plus tomber amoureuse d'une image. Car finalement, c'est ce qui s'est passé. J'étais folle de Jeremy, avec qui j'avais certes échangé beaucoup de messages et à qui je m'étais confiée, mais dont je disposais uniquement du profil Instagram – constitué de photos volées par Colin sur un autre compte. Avec toute cette histoire, j'ai vraiment réalisé à quel point il était facile de se faire passer pour quelqu'un d'autre sur les réseaux sociaux. Sans tomber dans la paranoïa, je ne m'y ferai plus prendre à deux fois… car si une personne repousse toujours la rencontre, ça ne présage rien de bon.