"J'ai annulé mon mariage à la dernière minute, une des meilleures décisions de ma vie"
Romain avait tout pour plaire mais Emilie n'a pas pu lui dire "oui".
J'ai rencontré Romain en cinquième année de médecine. Je sortais d'une relation passionnelle qui avait très mal fini. J'avais 24 ans et déjà très envie d'avoir des enfants. Romain est arrivé à point nommé : il était gentil et élégant, il cherchait une relation sérieuse et il voulait être père. J'ai directement compris que je pourrais compter sur lui, que contrairement à mon ex, il ne chercherait jamais à me faire du mal. Toute ma famille et mes amis sont tombés sous son charme. Rien d'étonnant à ça, puisque Romain était le gendre parfait !
Nous avons emménagé ensemble au bout de quelques mois et avons très vite parlé mariage. Pour lui comme pour moi, c'était dans l'ordre des choses. Nous avons donc décidé de nous marier dès l'obtention de notre diplôme. C'était une période très douce, je profitais d'un quotidien paisible et je partageais avec Romain des projets d'avenir communs. Tout était à sa place, aligné, remplissant mes attentes de fonder une famille avec quelqu'un de fiable.
Les premiers doutes : l'impression de passer à côté de sa propre vie
Pourtant, il m'arrivait de sentir un vide, comme l'impression de passer à côté de ma propre existence. A chaque fois que cette sensation m'envahissait, je tentais de la repousser, je me focalisais sur le travail ou me concentrais sur mes projets futurs. Dans le fond, je savais bien que quelque chose clochait, mais je crois que je n'étais pas prête à voir les choses en face. Je ne me comprenais pas moi-même : j'avais tout pour être heureuse, je ne pouvais pas me plaindre. Alors, j'ai ignoré et enfoui ces sentiments… Mais comme le corps finit souvent par exprimer les maux du cœur, j'ai commencé à somatiser. Je me suis mise à souffrir d'horribles maux de ventre qui m'empêchaient de manger ou me faisaient vomir.
J'ai perdu pas mal de kilos, sans vouloir me rendre à l'évidence.
J'ai perdu pas mal de kilos, sans vouloir me rendre à l'évidence. J'ai vu des dizaines de spécialistes, sans qu'aucun ne réussisse à poser un diagnostic probant. Une médecin a fini par me dire que le problème se trouvait peut-être ailleurs, m'invitant avec tact à penser à la psychothérapie. J'ai totalement ignoré ses recommandations et je n'en ai parlé à personne. Dans le fond, je savais qu'elle avait raison. Je devais me rendre à l'évidence : j'étais dans le déni depuis des mois et je devais arrêter de mettre la poussière sous le tapis. Car si ma relation avec Romain était en apparence parfaite, je n'avais jamais été follement amoureuse de lui. Je l'aimais vraiment beaucoup et je savais qu'il était génial. Mais mon amour pour lui était presque fraternel, comme s'il manquait quelque chose. Mon cœur ne battait pas la chamade à son contact.
L'approche du mariage et l'anxiété qui monte en flèche
Lorsque je pris conscience de tout ça, le mariage était déjà annoncé. Nous avions lancé les préparatifs, réservé le lieu, trouvé le traiteur, acheté la robe et le costume. La cérémonie aurait lieu trois mois plus tard. J'ai commencé à faire de fortes crises d'angoisse, que j'ai tenté de cacher sans succès… Romain faisait des pieds et des mains pour être présent et me soutenir. Mais plus ses efforts étaient importants, plus je culpabilisais et plus j'angoissais. Mon mal-être est allé crescendo jusqu'à la veille de notre mariage. Hyper nerveuse, je me suis octroyée un petit temps toute seule. Mon livre préféré en main, je suis allée prendre un verre en terrasse de mon café favori.
Lorsque nos regards se sont croisés, une décharge électrique parcourut tout mon corps
Alors que j'essayais de me détendre en bouquinant, je réalisais qu'un très bel homme, assis à quelques tables de là, me regardait avec un intérêt. Lorsque nos regards se sont croisés, une décharge électrique parcourut tout mon corps. Il me sourit et s'approcha de moi, un livre à la main. Il me montra la couverture et je m'aperçus que nous lisions chacun un livre différent du même écrivain. Il me dit : "C'est mon auteur préféré, je me plonge souvent dans ses romans lorsque j'ai besoin de me vider la tête. Avez-vous déjà lu celui-ci ?" Je le regardais, époustouflée par son charme, la douceur charismatique de sa voix, l'humilité de sa prestance. Je lui rendis son sourire et lui répondis que je les avais tous lus et que je partageais ce sentiment de "livre doudou". Nous nous sommes mis à rire, je l'ai invité à s'asseoir à ma table et nous avons parlé pendant de longues minutes de cet auteur, puis de nos vies respectives. Durant ces trois heures de conversation, plus rien n'existait autour. J'étais dans une bulle enchantée, je me sentais parfaitement à ma place, bercée par un bien-être profond. Je n'ai pas vu le temps passer, jusqu'à ce que mon téléphone sonne et que je vois le numéro de Romain apparaître sur l'écran. Je fus saisie d'un haut le cœur, mon angoisse refit surface en une fraction de seconde. Je m'excusais auprès de l'homme que je venais de rencontrer, lui expliquant que je devais partir. Il me demanda si nous pouvions nous revoir, mais je déclinais son offre en bafouillant, sans réussir à mettre des mots sur mon désarroi.
La prise de conscience et la décision fatidique
Dès que je retrouvais Romain, je fis une nouvelle crise d'angoisse, certainement la plus intense de toute ma vie. Je ne pouvais plus continuer ainsi. Faire la rencontre de cet homme avait été un véritable électrochoc. Je savais que me marier avec Romain serait la plus grosse erreur de ma vie. J'étais terrorisée : mon avenir s'effondrait sous mes yeux impuissants. Mais il fallait que je cesse de reculer pour mieux sauter. Il était temps d'affronter la réalité, de me laisser la chance de vivre un présent épanouissant, sans organiser mon existence autour d'un futur incertain. Faire médecine, emménager ensemble, me marier, avoir des enfants… était-ce vraiment mon rêve, ou celui de mes parents ? Je réalisais que je ne m'étais jamais posé la question, trop préoccupée par l'idée de suivre la vie qu'on avait tracée pour moi.
Cette nuit-là, je n'ai pas fermé l'œil. Mon cerveau carburait et à chaque nouvelle minute, je remettais en question l'un de mes choix. Il était temps de tout arrêter. Lorsque le réveil de Romain a sonné, j'avais pris ma décision. En pleurs, épuisée, rongée par la culpabilité, je lui annonçais que je ne souhaitais plus me marier et que je voulais rompre. Romain m'avoua qu'il redoutait ce moment depuis des mois. Sa tristesse était palpable, mais je crois que dans le fond, il savait que c'était inévitable.
J'ai gardé le plus dur pour la fin : l'annoncer à ma famille.
Sans attendre, j'ai dû prévenir tous les invités que le mariage était annulé. J'ai gardé le plus dur pour la fin : l'annoncer à ma famille. Mes parents furent les seuls à tomber des nues. Trop concentrés sur l'avenir auquel ils me destinaient, ils n'avaient pas voulu voir que j'étais très malheureuse. Ma mère tenta de me faire changer d'avis, mon père me reprocha mon égoïsme. J'eus du mal à garder la face, mais leurs réactions me donnaient raison… je ne devais pas revenir sur ma décision pour leur faire plaisir ou sous l'effet de la pression.
Même si les semaines suivantes ne furent pas faciles, je me sentis soulagée dès les premiers jours qui ont suivi la rupture. J'étais plus légère, comme délestée d'un poids qui oppressait ma poitrine depuis bien trop longtemps. Environ un mois après la date de mon mariage, je suis retournée en terrasse de mon café préféré. Je me suis assise, un roman – toujours du même auteur – à la main, et je me suis mise à lire. Je n'osais même pas imaginer revoir cet homme qui m'avait chamboulée, mais je mentirais si je disais que je n'espérais pas le croiser. Quelques minutes plus tard, mon cœur s'accéléra lorsque je le vis s'asseoir à une table. Il me reconnut et me salua en souriant, sans oser me rejoindre. Cette fois, je pris les devants. Je m'avançais vers sa table et lui demandais si je pouvais m'asseoir. Sans attendre, je m'excusais d'être partie si précipitamment le jour de notre rencontre. Pour une raison que j'ignore encore aujourd'hui, je lui ai tout raconté. Ma rencontre avec Romain, mes crises d'angoisse et ma somatisation, mes mauvaises décisions, l'annulation du mariage… Je découvrais alors qu'en plus d'être très séduisant, il avait une excellente écoute. Après de longues heures à échanger, nous avons cette fois décidé d'échanger nos numéros et j'appris qu'il s'appelait Simon.
Le fruit de cet amour grandit aujourd'hui dans mon ventre
Trois ans se sont écoulés depuis l'annulation du mariage et je sais désormais que ce fut l'une des meilleures décisions de ma vie. Je n'ai plus fait une seule crise d'angoisse depuis. Suite à notre rencontre, Simon m'a avoué qu'il revenait presque tous les jours au café dans l'espoir de me croiser. Même si ma rupture était très fraîche, je n'avais aucune envie de m'empêcher de vivre cette histoire. Pour la première fois de ma vie, je découvrais qu'il était possible d'avoir une relation saine et passionnelle. En parallèle, j'ai pris le temps de faire le point. Je sais désormais que le mariage n'a pas beaucoup d'importance pour moi, mais que donner la vie est une expérience que je souhaite absolument vivre. Et ce rêve va bientôt se réaliser, car depuis quelques mois, le fruit de mon amour pour Simon grandit dans mon ventre !