Anne-Sophie Rubler (basket fauteuil) : comment le sport a changé sa vie après son accident
Membre de l'équipe de France de basket fauteuil depuis 2018, Anne-Sophie Rubler se bat au quotidien pour que sa discipline se développe en France.
Le sport pour se reconstruire. Après avoir été victime d'un accident de la route en 2013, Anne-Sophie Rubler devient paraplégique. Passionnée de sport, elle se lance alors dans l'aventure du basket fauteuil, discipline méconnue en France et qui souffre d'un immense manque de visibilité. Licenciée au club de Marseille, elle décide de co-créer en 2022, avec Marion Blais, l'une de ses coéquipières en équipe de France, Basket fauteuil au Féminin, une association pour développer ce sport qui lui a tant donné. Interview.
Le Journal des Femmes : Avant votre accident de la route en 2013, quelle place avait le sport dans votre vie ?Anne-Sophie Rubler : Le sport a toujours eu une place importante dans ma vie. Je pratiquais la boxe avant mon accident. J'en ai fait pendant une dizaine d'années et je me suis vraiment épanouie dans cette discipline qui me permettait d'évacuer mes soucis d'adolescente. J'ai découvert la compétition et le dépassement de soi avec la boxe. Après mon accident, j'ai tout de suite eu en tête de reprendre une activité sportive parce que je savais que ça allait m'aider à prendre le pas sur ce qui venait de m'arriver, sur mon handicap et m'accompagner dans ma reconstruction. Mais je voulais changer de discipline. Dans mon centre de rééducation, j'ai fait la rencontre d'un joueur de basket fauteuil. Il m'a mis en relation avec le club de Marseille et c'est ainsi que tout a commencé.
Comment s'est passé votre première fois sur un terrain de basket ? Aimiez-vous ce sport avant de le pratiquer ?Je savais qu'il fallait mettre le ballon dans le panier et c'est tout. La première fois, je me suis demandé comment il était possible de déplacer mon fauteuil tout en poussant mon ballon et quand je me suis retrouvée sous le panier, je me suis dit : "Mais ils n'abaissent pas le panier pour les gens assis ?" (rires). Mais non, les règles sont les mêmes. Il n'est pas simple au démarrage de lire le jeu tout en étant focalisé sur ses mouvements mais au final, c'est ce qui fait que j'aime ce sport. C'est à la fois physique, technique, tactique et il y a en plus l'aspect collectif qui est ultra enrichissant.
Vous avez rapidement intégré l'équipe de France de basket fauteuil.
J'ai obtenu ma première sélection en 2018 pour un championnat du monde. Je ne me sentais pas légitime, cela faisait peu de temps que je pratiquais ce sport. Même si je savais que j'allais peu jouer, cela m'a donné envie de m'entraîner encore plus pour me faire une place dans cette équipe. Il faut savoir que le basket fauteuil est un sport mixte. Dans les équipes, on trouve en général une ou deux filles. Mais en équipe de France, le collectif est féminin.
En 2022, vous avez co-crée avec Marion Blais, l'une de vos coéquipières en équipe de France, l'association " Basket fauteuil au Féminin ". Pouvez-vous nous en dire plus ?
En décembre 2021, nous avons participé aux championnats d'Europe à Madrid et nos résultats ont été catastrophiques. Nous avons enchaîné les grosses défaites. À trois ans des Jeux olympiques de Paris, nous nous sommes dits avec Marion Blais que ce n'était pas possible. Nous avions besoin d'une équipe compétitive. Cette association a donc pour but de développer et promouvoir le basket fauteuil auprès des femmes. En France, il y a très peu de licenciées féminines, très peu de joueuses qui pratiquent la discipline à haut niveau. Nous sommes à la recherche de filles qui ont envie de s'engager. À l'avenir, l'idée serait de créer un championnat féminin, comme c'est le cas en Angleterre. En jouant ensemble toute l'année, les joueuses peuvent ainsi développer des automatismes, prendre de l'expérience et ainsi être plus performantes. Il y a deux semaines, nous avons par exemple organisé un grand tournoi féminin où nous avons invité toutes les joueuses licenciées en France pour leur permettre de jouer ensemble. Car dans les clubs, les collectifs sont mixtes et en général, les filles ont peu de responsabilité sur le terrain. En jouant entre elles, elles peuvent développer pleinement leur basket.
L'équipe de France féminine ne prendra finalement pas part aux Jeux olympiques de Paris.
Oui, on est très déçues. Il y a deux ans, nous avons appris que l'équipe ne serait pas qualifiée d'office, en tant que pays hôtel. Nous avons dû passer par un tournoi qualificatif. Nous nous sommes rendus au Japon en avril dernier et malheureusement, nous n'avons pas réussi à décrocher le billet pour Paris 2024. On y a cru, on s'est investies à 200% et ça n'a pas suffit.
Malgré cette déception, qu'attendez-vous de ces Jeux paralympiques ?
Je souhaite que cette compétition mette en avant nos disciplines et change le regard que peuvent porter les gens sur le handicap et le handisport. Grâce à une médiatisation plus importante que lors des précédentes éditions, j'espère que la lumière sera mise sur nos sports et que cela donnera envie à des jeunes de nous rejoindre, à des spectateurs de s'intéresser au basket fauteuil, à des entreprises de nous soutenir pour que nous continuions à nous développer.
S'il y avait une mesure à prendre pour rendre le basket fauteuil plus visible, quelle serait-elle selon vous ?
Aujourd'hui, la plupart des clubs de basket fauteuil sont indépendants. Il y a peu de clubs "valides" avec des sections handisport. Car même si nous arrivons parfois à susciter l'intérêt chez de nouveaux joueurs ou joueuses, cela peut rapidement être démoralisant de devoir faire une heure de route pour aller à l'entraînement. Nous avons besoin de plus de structures !
Qu'est-ce que le sport a apporté à votre vie ?
Tout (rires) Le sport a changé ma vie après mon accident, il a changé ma façon de me voir. Aujourd'hui, mon quotidien est orienté autour de ma pratique sportive. Après la déception des Jeux olympiques de Paris, je me suis dit que j'allais arrêter mais la semaine suivante, j'étais déjà de retour à l'entraînement. J'en ai trop besoin pour me sentir bien.
Un dernier message à faire passer ?
Si des jeunes ont envie de nous rejoindre, qu'elles n'hésitent pas à entrer à contact avec l'association Basket fauteuil au Féminin. Nous serons ravies de les accueillir dans l'aventure.