Maé Gouëlleu, coach sportive après une reconversion : "Mon travail aujourd'hui, c'est de la transmission et de l'échange"

Après une carrière dans le monde de l'événementiel, Maé Gouëlleu change de cap et décide de devenir coach sportif. Une reconversion qui donne du sens à son quotidien, comme elle l'explique au Journal des Femmes.

Maé Gouëlleu, coach sportive après une reconversion : "Mon travail aujourd'hui, c'est de la transmission et de l'échange"
© Maé Gouëlleu chez Gymate photographiée par Mehdi El Mabrouk

2020, Maé Gouëlleu a 25 ans et un travail dans une agence marketing digital qui ne lui convient pas. 2024, la jeune femme vit de sa passion, le sport, qu'elle transmet aussi à ses élèves. Récit d'un changement de carrière réussi.

Journal des Femmes : À quoi ressemblait votre vie d'avant ?
Maé Gouëllou : Après des études supérieures en communication, j'ai suivi un master en management de projet événementiel en alternance dans une startup. Pendant deux ans, je m'y suis épanouie et puis progressivement, la masse salariale a grossi. La boîte était en croissance, mais mon scope était de plus en plus réduit et au fur et à mesure, je me suis essoufflée dans mon travail.

Qu'est-ce qui vous a décidé à changer de carrière ?
Lors du premier confinement, je suis rentrée chez mes parents en Bretagne. Je travaillais à 75 %, ce qui m'a permis de voir que je pouvais allouer une partie de mon temps à autre chose que mon activité professionnelle. J'avais déjà remis le sport dans ma vie depuis une ou deux années, mais pendant cette période, j'en faisais tous les jours. En parallèle, dans le cadre de mon emploi, je donnais des cours de gestion de projet à des étudiants en social media. C'est là que j'ai réalisé que j'aimais vraiment transmettre. Puis le confinement s'est arrêté, je suis rentrée à Paris et je me suis sentie très malheureuse. Lorsque le deuxième confinement a démarré, j'étais bloquée à Pantin, toute seule dans mon 30 mètres carrés. C'était très dur, dès que j'ouvrais l'ordinateur, je me mettais à pleurer. Je me demandais ce que j'allais bien pouvoir faire de ma vie. À l'époque, je devais imaginer des campagnes d'influence pour des taxis et des sèche-cheveux. Je me disais que je ne contribuais à rien dans la société, j'avais l'impression de brasser de l'air… C'est là que je me suis dit qu'il fallait vraiment que je change de voie. J'ai commencé à réfléchir à une reconversion de coach, mais la formation coûtait 8 000 euros que je n'avais pas, donc je devais trouver un moyen de la financer. 

Comment avez-vous fait ?
Grâce à une rupture conventionnelle proposée par mon entreprise, j'ai pu bénéficier du chômage. En attendant la rentrée de septembre, j'ai pris du temps pour moi, je me suis formée au massage et j'ai rencontré Maxime, qui était déjà coach et qui est depuis devenu mon compagnon. À l'époque, il montait une agence de communication et il avait besoin d'une alternante. Je l'aidais sur la partie gestion de projet et je lui transmettais ce que j'avais appris dans mon job précédent. En contrepartie, son entreprise finançait ma formation en coaching et lui-même m'apprenait les ficelles du métier. Grâce à lui et à Mehdi, qui était son associé et mon tuteur, j'ai eu la chance d'être de suite immergée dans une conception du sport hyper moderne. 

Tout s'est enchaîné très vite, non ?
Tout à fait, 2021 a été une année incroyable pour moi, parce que je suis arrivée là où je voulais assez rapidement. En revanche, j'ai dû mettre de côté mon indépendance, puisque mon copain était mon employeur et qu'en plus, j'habitais chez lui ! Je vivais un peu sous son aile, ce qui n'était pas facile à accepter. Mais je le remercie, parce que ça a aussi été une véritable chance qui m'a permis d'aller de l'avant et c'était le prix à payer pour accéder à lun métier qui me passionne. Un an après, j'avais une nouvelle activité professionnelle, j'étais à mon compte et je gérais mon emploi du temps comme je le voulais.

Parlons un peu plus de sport. En avez-vous toujours fait ?
Mes parents m'ont poussée à multiplier les activités sportives dès mon plus jeune âge. J'ai fait de la natation, je montais à cheval, j'étais inscrite à l'UNSS (Union nationale du sport scolaire) au collège et au lycée, j'ai passé un an en club d'athlétisme fédéral... J'avais un rapport au sport particulier, parce que je faisais de la compétition dans toutes les disciplines auxquelles j'étais inscrite. J'étais morte de stress à chaque fois, mais j'y retournais quand même.

Qu'est-ce qui causait ce stress ?
Devoir représenter mes capacités à un instant T. La compétition était un combat contre moi-même pour toujours faire mieux. J'aimais ça, mais c'était aussi très intense à vivre.

Et puis vous avez fini par arrêter le sport ?
J'ai complètement stoppé la compétition lorsque j'ai emménagé à Rennes pour mes études. Je faisais du sport ponctuellement à la maison, j'allais courir de temps en temps. Mais ça ne correspondait pas du tout à l'hygiène de vie que j'avais à ce moment-là, qui tournait autour des sorties du jeudi, du vendredi et du samedi soir. Et ensuite, il fallait se remettre de tous les excès… Quand je suis arrivée à Paris, j'ai continué à faire la fête et à aller à la salle à l'occasion. Il y avait une espèce de dissonance dans mon esprit : je savais que je n'étais pas tout à fait moi-même, parce que j'étais persuadée d'être toujours quelqu'un de sportif, alors que dans les faits, plus du tout. À l'époque, j'étais animée par le sport de façon, disons, plus contemplative. J'étais passionnée par le foot et je suivais tous les matchs.

Comment vous y êtes-vous remise ?
Un jour, je me suis vraiment regardée dans un miroir et je me suis rendu compte que j'avais perdu la condition physique que j'avais lorsque j'étais plus jeune. Je n'avais pas de force, pas d'endurance, donc en 2019, j'ai recommencé à m'entraîner et tout m'est très vite revenu. C'est à ce moment que je me suis mise au run. Je trouvais qu'avec la musculation, c'était plus difficile de suivre ma progression, alors qu'avec la course à pied, c'était tangible. Très vite, j'ai creusé le sujet pour comprendre comment être plus performante. Et puis j'ai accompagné Maxime lorsqu'il a participé à l'Ironman en 2022 [une compétition qui comprend 3,8 km de natation, 190 km de vélo et 42,195 km de course à pied, ndlr] et je me suis dit que le triathlon, ça avait l'air pas mal, une combinaison de trois sports pour moi qui aie besoin d'être stimulée de façons différentes.

Et alors, verdict ?
Le vélo a été une révélation, j'ai l'impression de partir à l'aventure à chaque fois. Et puis, il y a plein de formats différents de triathlon et au moins autant de manières de s'entraîner. C'est une discipline particulièrement riche, qui correspond à ma vision de la vie : j'ai besoin de savoir que le quotidien n'est pas linéaire, d'être stimulée et d'être nourrie par l'extérieur.

Quels ont été vos premiers contrats dans le sport ?
Au départ, je donnais des cours collectifs dans plusieurs salles parisiennes. Parfois, je me déplaçais juste pour une heure, ce qui rendait mes journées particulièrement fatigantes. Les trois premiers mois, j'étais stressée avant les sessions, parce que je n'avais aucune expérience. Mais j'ai pris le pli assez rapidement. Et puis Justin Galvez, le fondateur du studio privé Gymate, m'a donné mes premiers contrats en tant que coach résidente. Je fais désormais essentiellement des coachings privés.

Aujourd'hui, comment décririez-vous votre travail ?
Je parlerais de transmission, d'échanges. Je me nourris beaucoup de ce qui se passe dans mes cours pour faire évoluer mon expérience. C'est beaucoup de bonnes énergies, j'ai l'impression que ce que je fais est utile et que mon travail a du sens. 

Qui sont vos client-e-s ?
Principalement des femmes, âgées de 30 à 45 ans. Il y a moins d'homme, même si j'aime beaucoup travailler avec eux également.

Accompagnez-vous différemment vos clients et vos clientes ?
Ce n'est pas pareil de coacher un homme ou une femme, parce que ces dernières sont, pour la plupart, soumises à des cycles, aux hormones. J'adapte les entraînements en fonction de cette donnée, parce que je constate une vraie fluctuation dans la motivation et dans l'intensité selon la période du mois. Moi-même, je suis très à l'écoute de mes sensations physiques en fonction de mes cycles. J'essaye de mieux comprendre les liens entre le corps, les hormones et l'effort physique pour avancer dans ma pratique et mieux conseiller mes athlètes.

Quelle est l'expérience de coaching qui vous a le plus marquée ?
Je crois qu'il s'agit d'une femme que j'ai commencé à coacher il y a un peu moins d'un an en course à pied et en renforcement musculaire. Elle avait un surpoids, mais elle ne s'est jamais mis de limite dans sa pratique sportive pour cette raison. Elle vient d'ailleurs de participer au Half marathon des sables, soit 100 km dans le désert en une semaine. Il faut bien avoir en tête que le poids que l'on porte quand on court représente beaucoup d'énergie à déployer. Ce qui ne l'a pas empêché de faire la course sans être blessée, sans abandonner et surtout, en se classant parmi les meilleures femmes de la compétition ! Quelques semaines après, elle est déjà de retour à l'entraînement et elle est super fière d'elle, à raison. Elle est très inspirante, parce qu'elle met tout en place pour arriver à atteindre ses objectifs, sans en faire trop, mais en se donnant toujours les moyens d'y parvenir.

Votre rapport au sport a-t-il évolué en même temps que votre carrière professionnelle ?
Ma vision a toujours été la même : quand j'ai repris le sport, ce n'était pas parce que j'avais un problème avec mon image physique. J'avais un problème avec ma condition physique. C'est très bien de vouloir paraître en forme, mais ce que je trouve vraiment important, c'est d'être fort-e, endurant-e et d'être en bonne santé. C'est ce que j'essaye d'apprendre aux gens.

En tant que sportive, quelle est la course la plus dure que vous ayez faite ?
Je pense qu'il s'agit du Speed Project. C'est une course au principe un peu particulier : il faut relier un point A à un point B selon l'itinéraire de son choix et accompagné-e de l'équipe de son choix. Il n'y a pas de spectateur-rice-s et pas d'autres règles que celles-ci. J'y ai participé avec cinq autres coureur-euse-s pour aller de Los Angeles à Las Vegas, soit 500 km que nous avons couverts en 30 heures. Notre stratégie, c'était de faire des relais par binôme ou trinôme : l'un-e d'entre nous courait pendant 4 minutes à toute allure, puis iel montait dans la voiture et c'était au tour de son ou sa coéquipier-ère de s'élancer, et ce pendant 10 km. Donc en théorie, il est possible de se reposer un peu quand c'est un autre binôme qui court. Dans les faits, j'ai dormi une fois 1 heure et une fois 20 minutes. Tout au long de la course, je n'ai pas arrêté de me répéter : "Après ça, aucune compétition n'aura l'air dur". Mais en fait, si. [Rires]. En réalité, toutes les courses sont compliquées, que ce soit à cause des conditions météo, de la fatigue, des enjeux… Mais tous ces efforts valent la peine d'être entrepris et la fierté que je ressens lorsque j'arrive à la fin d'un challenge, je ne l'échangerais pour rien au monde.

Et la plus belle ?
Celle qui m'a procuré le plus d'émotion, c'est mon tout premier Half Ironman [une compétition qui comprend 1,9 km de natation, 90 km de vélo et 21,1 km de course à pied, ndlr]. Le vélo s'est très bien passé pour moi, en revanche, le semi a été une véritable épreuve. Mais quand j'ai passé la ligne d'arrivée après 5h30 d'effort, je me suis dit que c'était particulièrement beau de faire du long. 

Quels sont, aujourd'hui, vos objectifs dans le sport ?
J'aimerais me spécialiser dans l'accompagnement des sportif-ve-s dans l'entraînement course à pied et triathlon. En ce qui me concerne, j'aimerais aller plus loin dans le triathlon et trouver l'équilibre idéal entre un entraînement optimal, du temps pour ma vie personnelle, un travail qui me rend heureuse et me permet d'être à l'aise financièrement. On vise la lune et puis si c'est les étoiles, c'est très bien aussi…

Qu'aimeriez-vous dire aux personnes qui envisagent de changer de carrière ?
Il faut prendre des risques, ils payent toujours !