En 2024, les athlètes ont encore peur que leurs règles se voient sur leurs tenues et c'est problématique

Sommeil, santé, alimentation, entraînements, mental et... cycle menstruel. Parmi les facteurs de réussites et d'échecs des athlètes lors des compétitions, les règles jouent un rôle important. Que les sportives verbalisent de plus en plus.

En 2024, les athlètes ont encore peur que leurs règles se voient sur leurs tenues et c'est problématique
© Dubreuil Corinne/ABACA

Une athlète sur deux a déjà vécu l'anxiété menstruelle. C'est le constat accablant d'une étude menée par la marque de protection périodique Always en octobre 2023. Cet événement qui revient, pour la plupart des personnes menstruées, plusieurs jours par mois, est donc toujours une source de stress pour les sportives et peut avoir des conséquences sur leur concentration. Douleurs, fuites, poids, état de forme... Leurs inquiétudes ont des origines multiples. Marie-Amélie Le Fur, ambassadrice Always depuis 2022, médaillée paralympique et présidente du Comité paralympique et sportif français le confirmait, lors d'une conférence organisée par l'entreprise du groupe Procter & Gamble : "Avoir ses règles, c'est de la fatigue, une charge mentale très importante alors que les athlètes doivent être accaparées par la haute performance". Et de confier : "Faire du saut en longueur [l'une de ses disciplines fétiches] en shorty, c'était hyper stressant pour moi. Je me souviens de Jeux pendant lesquels, à l'issue de chaque épreuve, ce qui accaparait mon esprit n'était pas de savoir combien j'avais fait, mais plutôt : "Est-ce que mon tampon a bougé ?". Ce qui coupe toute spontanéité". 76 % des sportives interrogées par Always peuvent en témoigner, elles qui ont déjà eu peur que leurs règles se voient sur leurs tenues. Une problématique particulièrement présente dans la tête des joueuses de tennis à Wimbledon qui sont dans l'obligation de concourir en blanc depuis 1963. La règle n°9 du tournoi précise que les tenues des compétiteur-rice-s doivent être "predominantly in white", soit principalement blanches. Un impératif qui concerne les semelles des chaussures (Federer a dû changer de baskets en 2013, parce que les siennes étaient orange), mais aussi, pendant des années, les sous-vêtements. Néanmoins, depuis l'automne 2022 et grâce à la mobilisation de certaines athlètes, les participantes peuvent porter des dessous de couleurs sous leurs ensembles immaculés.

Règles et performance, que sait-on ?

Si la peur des fuites en pleine compétition est un sujet que les sportives connaissent bien, de plus en plus de solutions existent pour les aider à s'affranchir du stress. Lors de la Coupe du monde féminine de football en 2023, Nike a par exemple lancé un short spécial menstruation pour absorber le sang. Certaines athlètes, elles, font le choix d'user de techniques chimiques pour ne pas avoir leurs règles et enchaînent par exemple les plaquettes de pilules. Une décision parfois confortée par des menstruations irrégulières, qui rendent compliquée la gestion des cycles. Autre raison : 40 % des athlètes ont peur de la moindre performance lors de cette période. Marie-Amélie Le Fur, elle, a décidé d'en faire son "totem de performance". "La première fois que j'ai eu mes règles en compétition, j'ai gagné le championnat du monde. Ensuite, j'ai décidé de les accueillir systématiquement comme un signe positif". Reste que les menstruations s'accompagnent de variations hormonales. Ce qu'expliquait Carole Maitre, gynécologue et médecin du sport à l'Insep (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance) lors de la deuxième édition de l'événement Demain le sport organisé en septembre 2023 par L'Équipe, France Info et France TV : "Nous demandons aux entraîneurs, qui sont quasiment tous des hommes, de tenir compte des cycles. Au début du cycle, les hormones sont au plus bas et le rendement en renforcement musculaire risque d'être mauvais. Ce n'est donc pas le moment d'augmenter l'intensité ou la fréquence des exercices. Dès que les règles sont finies, les œstrogènes montent en puissance, ce qui permet de finir un ultra trail ou un marathon sans subir le mur, par exemple. Dans la deuxième phase du cycle, les œstrogènes sont accompagnés de la progestérone, qui favorise une certaine sérénité, un temps de réaction plus long, soit les conditions idéales pour travailler l'endurance et le renforcement musculaire". 

Un changement (très) progressif

Si un travail de sensibilisation est effectué auprès des personnes qui encadrent les athlètes, les évolutions prennent encore trop de temps. "Il est urgent d'en finir avec les remarques sexistes type : "Oh ça va, tu es de mauvaise humeur quand tu as tes règles", qui ancrent une perception très négative des règles. Il faut libérer la parole des jeunes filles et faire en sorte qu'en face, on soit capable de l'accueillir", remarque Marie-Amélie Le Fur. D'ailleurs sur le terrain, les sportives semblent ne toujours pas savoir comment accueillir leurs règles au cours de leur carrière. La présidente du Comité paralympique et sportif français confie : "À l'époque, j'allais interroger les athlètes plus âgées pour savoir comment elles géraient. Aujourd'hui, les plus jeunes viennent me voir pour me poser des questions. La situation n'a donc pas vraiment changé". Always a donc décidé de prendre le problème à bras le corps : lors des Jeux de Paris, la marque fournira le village olympique en protections périodiques. Un geste d'autant plus nécessaire que selon l'étude menée en octobre 2023 par l'entreprise, 61 % des athlètes ont déjà été prises au dépourvu sans produit d'hygiène disponible avant une séance sportive. Pire : 67 % d'entre elles ont déjà dû porter le même tampon ou protège-slip pendant des heures lors de compétitions. Il va falloir accélérer le changement...