Mathieu Amalric, acteur intense et pénétrant

Dans "L'Amour est Un crime Parfait", Mathieu Amalric, acteur fétiche des frères Larrieu, incarne avec délectation un prof un peu bizarre qui séduit ses élèves et peut-être les tue... Rencontre sur le vif avec un homme brillant.

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Mathieu Amalric dan L'Amour est une Crime Parfait, en salles le 15 janvier © Gaumont Distribution

Dialogues léchés, diction soignée, intrigue diabolique, "L'Amour est un Crime Parfait" est un film sensuel et brillamment réalisé.

L'histoire ? Un jour, Barbara (Marion Duval), disparaît alors qu'elle vient de passer la nuit chez Marc (fascinant Mathieu Amalric), docteur en Lettres et bourreau des cœurs, qui vit avec sa soeur (Karin Viard, sexy en diable et folle à lier). Bientôt, la belle-mère de la jeune fille (belle et troublante Maïwen) s'immisce dans la vie de l'enseignant et lui fait découvrir la passion...

JournalDesFemmes.com : Pourquoi vous dans L'Amour est Un Crime Parfait ?
Mathieu Amalric : Les Larrieu cherchaient quelqu'un qui soit le vecteur de leur érotisme, de leur gourmandise, de leur appétit, de leur curiosité pour les paysages, les visages, les femmes... J'ai la chance d'être celui qui joue la poupée pour eux.

Un pantin épanoui, donc ?
Quel bonheur de tourner avec les Larrieu. Chaque fois, ils m'inventent de somptueux voyages. Dans leur cinéma, le sentiment et le corps semblent enfin en harmonie.

Qu'est-ce qui vous a interpellé en particulier dans ce scénario ?
J'ai été troublé par le fait que mon personnage entretienne un rapport conjugal aussi délicieux avec sa propre sœur. Le summum du scandale que serait l'inceste est ici naturel. Dans le couple que je forme avec Karin (Viard, ndlr), tout y est : la jalousie, l'acidité de la durée, l'étiolement de romantisme. Ce n'est pas amoral, scandaleux, revendicatif, c'est au-dessus de ça. Les Larrieu sont joyeusement déviants. Cela raisonne chez moi.

Une scène vous a-t-elle particulièrement ému ?
J'aime beaucoup ce moment où je viens de faire l'amour avec Maïwenn. J'ai une révélation physique et je lui dis : "Je n'ai jamais joui aussi longtemps, aussi pleinement". Je n'ai pas souvenir d'avoir entendu cela dans un film. Le plaisir masculin est très rarement traité, voire inconnu, à part dans les productions homosexuelles. J'adore la conviction avec laquelle je prononce cette phrase et qui fait que les gens ne rient pas dans la salle.

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L'Amour est Un Crime Parfait, en salles le 15 janvier © Gaumont Distribution

Parlez-nous de Marc...
C'est un Don Juan intelligent, mais en danger. La séduction est sa carapace face au monde, aux surprises, à l'inattendu. Cet homme qui enseigne l'art d'écrire se protège aussi de ses propres mensonges derrière une manière très droite, très littéraire de parler. Marc ment sans arrêt, mais sans préméditer, ce qui le rend captivant et émouvant.

Qu'est-ce qui suscite le désir chez lui ?
La rencontre. Sara Forestier et Marion Duval ont des physiques différents, presqu'opposés et pourtant, Marc craque. Il aime se prendre des claques ou des petites culottes sur la tête en parlant philosophie. Son excitation est liée à l'épisodique, au non engagement, au fait de se débarrasser des corps..., mais avec Maïwenn, c'est fini. L'amour lui colle à la peau...  

Et vous, quel est le moteur de votre jeu ?
C'était très amusant d'être abandonné comme acteur. Je ne suis plus père, plus fils, plus mari. Je suis dans le monde inventé des Larrieu et je me promène, je regarde ces femmes qui passent et j'accepte d'être troublé...

Arnaud et Jean-Marie Larrieu parlent "d'une part animale intacte dans un homme de culture"...
Il faut se soucier de son côté sauvage. Tout est fait dans notre vie pour que cet aspect soit anesthésié. Or, il apparaît chez chacun, dans les moments les plus inattendus, sans crier gare. Cela peut être la maladie, la dépression, l'agressivité, la tendresse...

Marc est un personnage attachant et pourtant un criminel en puissance, comme chacun de nous ?
Personne n'est à l'abri de cela. Prenez les faits divers : quand je lis un article sur un homme qui a tué sa femme, ses enfants et s'est suicidé après, je pense toujours qu'il y a un peu de moi là-dedans.

Seriez-vous sanguin, du genre à en venir aux mains ?
J'ai fait des progrès...

"Le paysage est d'abord une expérience de soi", dites-vous à l'écran...
Des sommets, des crevasses, des routes tortueuses et puis la neige, le froid, le blanc...  Ce décor crée des choses inconscientes qui ont à voir avec des trajets intérieurs. En montagne, il y a aussi la fatigue, l'ivresse de l'altitude : une fille est tombée pendant une prise. D'un autre côté, le chalet, la chaleur du bois, la fumée de cigarette et ce salaud de Denis Podalydés étaient là pour réchauffer l'ambiance...

 

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L'Amour est un Crime parfait, en salles le 15 janvier © Gaumont Distribution

Portrait chinois : Mathieu Amalric, si vous étiez...
une saison :
l'automne
une musique : Caravaggio
un film : Angel Face d'Otto Preminger (1952)
une recette : l'osso bucco, pour le moelleux et le dur
une plante : une fougère
une drogue : la cigarette
une ville : Tokyo
un parfum : la cardamone