Cesaria Evora, l'affranchie

Cesaria Evora

La "diva aux pieds nus" s'en est allée, le 17 décembre. Elle avait 70 ans. Boulimique d'amour et d'aliments interdits, l'artiste cap-verdienne ne s'est jamais raisonnée. Privée dans son enfance -son père, violoncelliste, décède lorsqu'elle a 7 ans, sa mère, cuisinière sans ressources la confie alors à un orphelinat-, l'adolescente au timbre de velours se réfugie dans les bars et devient la reine de la Morna. : un blues traditionnel des anciennes colonies mâtiné d'exubérance portugaise. Le grand public la découvre en 1994 , grâce à "Sodade", berceuse lancinante qui arrache des larmes aux plus insensibles. Silhouette lourde, emprunte d'une langueur triste, sourire las et regard absent, Cesaria Evora était une anti-star avare d'interviews. Son combat était ailleurs : donner à entendre la pauvreté de son pays. Caresser les oreilles de ceux qui venaient l'écouter. Consoler les "esclaves", les émigrés... Abasourdie par la violence de son archipel, éreintée par la graisse et la fumée, elle nous a quittés.