Au Cameroun, scolarisons les petites filles !
Dans le quartier populaire de la Briqueterie, au cœur de Yaoundé, à peine un tiers des petites filles fréquente l'école. Un fléau que PLAN avec le soutien financier de Bourjois, tente de combattre. Le Journal des Femmes s'est rendu sur le terrain. Reportage.
Quartier de la Briqueterie, Yaoundé, mai 2011
6h30. Aïcha, 8 ans, n'est pas à la maison. ''Elle est partie chercher du bois'', annonce sa mère. A cette heure-ci, les filles d'Adama sont déjà bien occupées. Accroupies au sol, Salamatou et Patou, 12 et 14 ans, dépoussièrent le sol avec une balayette de fortune. Chaque matin, c'est le même rituel. A 5h, Aïcha et Salamatou se lèvent, prient et s'attaquent aux tâches domestiques. Vaisselle, balai, marché ou bois... Les corvées sont routinières. 6h45. C'est la pause. Elles avalent un petit déjeuner frugal composé de beignets de maïs et de têtes de poisson fumé. Pas de table ni de chaise. Ici, on mange à même le sol. Le repas à peine avalé, les petites filles enfilent leur sac à dos. 7h00. C'est l'heure d'aller à l'école. Patou, elle, reste à la maison. Sa mère a besoin de son aide. Ses sœurs quittent la maison à pied. Après quinze minutes de marche dans les rues rouges et sales de la Briqueterie, les fillettes franchissent la grille de l'école Ekoudou. 7h30. La cloche sonne. Elles resteront en classe jusqu'à 14h.Le poids de la religion

Toutes à l'école !
Face à cette désertification des écoles, l'Afhadev (Association des femmes haoussas pour le développement) mène un combat quotidien. A sa tête : Hawaou, 36 ans, elle-même déscolarisée à 8 ans, mariée à 16 ans, puis exploitée par sa belle-famille. Sa cause : lutter contre la déperdition scolaire de la femme ou de la jeune fille haoussa. ''J'aimerais que les jeunes filles ne vivent plus ce que moi j'ai vécu'', explique-t-elle. ''Nous ne sommes pas des machines à procréer''. Un enjeu d'autant plus important lorsqu'on sait que l'allongement de la scolarisation des filles participe à l'abaissement du seuil de pauvreté. Selon la Banque mondiale, une année d'étude supplémentaire des filles permettrait d'augmenter leurs revenus futurs de 10 à 20 %. Autres bénéfices : le report de l'âge du mariage, la baisse de la natalité, de la mortalité infantile et de la malnutrition.Main dans la main
Grand Imam, chef du quartier, cheftaine, enfants, mamans, pères... Hawaou est allée convaincre une à une les autorités et les familles de l'importance de l'éducation des enfants. Petit à petit, elle a su gagner la confiance de la communauté. Toujours dans le respect des traditions. ''Les hommes, c'est comme les chats, il faut les caresser dans le sens du poil'', plaisante Hawaou. Avant d'ajouter : ''Pour se faire accepter, il faut être soumise, il faut savoir parler aux hommes. Si vous les combattez ou changez la mentalité, ça ne passe pas. C'est l'homme qui commande. Vous lui demandez son consentement pour changer la communauté.'' Pari réussi pour la présidente de l'Afhadev. Réunions de sensibilisation auprès des familles, cours de soutien scolaire, microcrédit pour les femmes, gouvernements d'enfants, délivrance d'actes de naissance... Avec le soutien de PLAN, l'Afhadev a mis en place une mécanique vertueuse auprès de 3 500 filles de quartier en âge d'être scolarisées. Au programme également : la création et la réhabilitation de nouvelles salles de classes et l'amélioration des conditions d'hygiène au sein des écoles.Vers un avenir meilleur

Découvrez le reportage en vidéo sur le projet de scolarisation des jeunes filles à Yaoundé
Stéphanie Mundubeltz-Gendron