Noémie Lvovsky: "J'ai été élevée dans l'idée d'aider les plus fragiles"

Dans "Les Invisibles", l'actrice et réalisatrice de "Camille Redouble" incarne une bénévole qui investit toute son énergie et son humanité dans l'aide aux femmes SDF d'un centre d'accueil. Un rôle sur mesure pour cette comédienne sensible et généreuse.

Noémie Lvovsky: "J'ai été élevée dans l'idée d'aider les plus fragiles"
© Apollo Films / Jean Claude Lother

Le Journal des Femmes : Présentez-nous votre personnage dans "Les Invisibles".
Noémie Lvovsky :
Je joue une bénévole du centre d'accueil pour femmes SDF qui, elle-même, est devenue invisible aux yeux de sa famille. Pour combler la tristesse et le vide, elle a besoin de se rendre utile et débarque dans ce centre, ignorante de tout mais armée de bonne volonté. Elle donne aux autres ce que plus personne dans son entourage ne veut lui donner. Parfois maladroitement mais avec beaucoup de cœur.

Qu'avez-vous appris de vos partenaires débutantes dans le film ?
Noémie Lvovsky :
Enormément. Les actrices qui interprètent les femmes de la rue ont connu la très grande précarité mais étaient stabilisées au moment du tournage. Quand on joue avec des femmes pareilles, c'est comme jouer face à un enfant : il y a une vérité qui met la barre très très haut. Le regard de Louis-Julien Petit, extrêmement aimant, était incroyablement porteur pour elles et nous, les plus aguerries. Il avait une pensée pour chacune de ses comédiennes. Sa bienveillance, le froid, la fatigue, l'absence de hiérarchie, la joie de tourner pour la première fois pour ces femmes, a créé un vrai groupe, un grand esprit de camaraderie.

Qu'espérez-vous que le film puisse apporter à ces femmes et aux spectateurs ?
Noémie Lvovsky :
Comme je n'ai pas l'esprit militant, j'espère que c'est avant tout un bon film. S'il peut aider d'une façon ou d'une autre les plus démunis, j'en serais ravie mais je ne fais jamais de film avec une mission autre que le cinéma. Je choisis mes projets pour les metteurs en scène. Mais, évidemment, quand on tourne avec Louis-Julien, ce n'est pas anodin non plus. Son sens du partage et de la justice ne peuvent pas laisser indifférents.

Avez-vous eu un engagement social, associatif dans votre vie ?
Noémie Lvovsky :
Je ne suis pas de nature militante. Les grandes réunions de groupe m'effraient par exemple. Mais, un jour, alors que j'en avais plus qu'assez de voir de pauvres gens dormir Porte de la Chapelle, je me suis rapprochée de l'association Singa pour héberger un réfugié. J'ai alors rencontré un homme afghan qui a vécu chez moi pendant dix mois. Il avait connu l'insupportable voyage jusqu'ici en bateau sans savoir nager, la rue pendant trois ans en France et la mort de sa famille :  alors qu'il avait enfin trouvé du travail et obtenu son statut, sa femme, sa mère et ses quatre filles ont été  tuées par une mine, sur la route qui les menaient en Iran où ils devaient se retrouver. On n'a pas idée de l'horreur que peuvent vivre ces personnes. Aujourd'hui, je suis toujours en contact avec lui. Il me dit qu'il va bien mais sans doute est-ce pour me rassurer ou parce qu'il sait que ce qu'il a traversé n'est pas partageable. C'est une très belle personne, digne, courageuse, généreuse. Cette rencontre a été magnifique. Mais j'ai aussi compris que ce que je pouvais lui apporter avait des limites : quand les choses ne sont pas pensées et encadrées par l'Etat, on devient vite impuissant.

Votre éducation était-elle tournée vers le social ?
Noémie Lvovsky :
Il n'y avait pas d'engagement associatif mais quand j'avais 6 ou 7 ans, mes parents ont logé une femme chilienne, Gloria, qui fuyait la dictature de Pinochet. Plus tard, un adolescent cambodgien a aussi vécu chez nous. Mon père vient de la grande catastrophe du génocide de la seconde guerre mondiale et j'ai été élevée dans l'idée d'aider les plus fragiles. C'est quelque chose que j'ai à mon tour tenté d'inculquer à mon fils.

Les Invisibles, au cinéma le 9 janvier.