Charlotte Le Bon : l'art brut et le talent

Charlotte Le Bon n'a pas encore 30 ans, mais déjà un parcours épatant. Artiste née, la Canadienne a illuminé de son minois parfait et de sa silhouette élancée les catwalks, avant de jouer, en France, les animatrices télé. Actrice, illustratrice, celle qui a fait la pluie et le beau temps sur Canal + continue son ascension cinématographique et nous épate. Interview d'une fille extra, star totale et drôle d'oiseau.

Charlotte Le Bon : l'art brut et le talent
© Mars Films
Le Secret des Banquises, un joli premier long métrage, original, poétique... Il faudrait être manchot pour ne pas s'attacher à Charlotte Le Bon en thésarde évanescente qui s'injecte un génome pingouin pour mieux nous entraîner sur la pente glissante d'un amour expérimental. Rencontre avec une jeune cobaye consentante qui nous raconte son geste passionné, insensé...
Charlotte Le Bon dans "Le Secret des Banquises" © Mars Films

Pourquoi vous dans "Le Secret des Banquises" ?
Charlotte Le Bon
: Je lis pas mal de scénario par an et c'est rare que j'ai des coups de cœur comme celui-là. Ce projet avait de l'originalité, de la sincérité et des couilles. Il m'est apparu comme une évidence. C'est un cinéma différent, qui aime prendre des risques, expérimental dans tous les sens du terme et pas prétentieux. C'était vraiment tout ce que je désirais faire, le genre de rôle que je voulais endosser depuis le début de ma carrière. Je n'avais pas le choix de ne pas y aller ou de ne pas y participer. J'étais à Montréal en train de tourner The Walk de Robert Zemeckis et j'ai sauté dans un avion pour rencontrer Marie (la réalisatrice, ndlr). Je me suis battue pour lui prouver que j'étais sa Christophine.  

C'est avant tout l'histoire qui vous a séduite ?
Charlotte Le Bon
: Je trouvais qu'il y avait du sens : dans l'histoire, tellement singulière, les personnages, leur évolution,  les dialogues… J'ai aimé la cohérence du récit.

Sur l'aspect visuel, esthétique et physique, c'est un film glacial, expérimental, avec des couleurs froides. L'avez-vous abordé comme une performance au sens artistique du terme ?
Charlotte Le Bon
: Oui, mais une composition agréable. C'était libérateur d'endosser un personnage dénué de vanité, une femme qui ne minaude pas pour moi qui suis toujours approchée pour jouer des séductrices. C'était un terrain de jeu fou de pouvoir incarner un être gauche, maladroit et pas très gracieux… un travail aussi pour lequel j'ai travaillé mon corps, ma posture, mon attitude avec une coach, prof de danse classique et contemporaine.
Il fallait être naturel devant la caméra et j'ai préféré ne pas être maquillée du tout, ça ne me gênait pas quand j'avais des boutons ou des imperfections, avoir des rougeurs rendait Christophine encore plus fragile et touchante...

Mais aussi très hot dans les scènes plus sexuelles !
Charlotte Le Bon :
Derrière les apparences, on ne soupçonne pas sa sensualité. Tout n'est pas blanc ou noir… même chez les pingouins ! 

On vous connaît égérie, évoluant dans le luxe, la mode, la beauté… Sortir de ce registre, c'est laisser son ego de côté ?
Charlotte Le Bon
:
C'est épuisant, emprisonnant de contrôler son image. Je bosse tous les jours pour m'en sortir. A l'écran, je me regardais et je me trouvais moche, mais je m'en foutais. Un progrès !

Est-ce que cette Christophine fait un acte d'amour ou est-ce qu'elle fait un acte scientifique ?
Charlotte Le Bon :
Ce qui est intéressant c'est qu'elle devient cobaye pour attirer l'attention du professeur qu'elle aime, mais exerce ainsi une manipulation, une sorte de prise d'otage. Alors que le génome pingouin évolue en elle, tous ses traits de caractère deviennent plus forts. Elle se révèle, devient plus courageuse, plus vaillante, plus belle. Mais attention, le sacrifice, je le déconseille surtout quand c'est pour quelqu'un d'autre.

Est-ce que la cause animale vous parle ?
Charlotte Le Bon :
Les animaux, je les aime d'amour. J'ai grandi avec des chats, des chiens, des hamsters, des perruches et je les adore. Je suis touchée et attendrie par toute la faune possible. Je respecte énormément tous les designers qui font la démarche de se diriger vers le cuir végétal par exemple. Je pense que c'est important d'instaurer cette philosophie tranquillement et sain de dépassionner le débat. Pour être honnête, j'ai été végétarienne pendant presque cinq ans et c'est une hygiène de vie à laquelle j'ai dû renoncer cette année car j'ai enchaîné quatre tournages sans arrêt et j'ai commencé à beaucoup maigrir. J'ai dû réintégrer la viande à mon régime car je me sentais faible et cela a fait du bien à mon organisme. Tout est question d'équilibre.

Vous êtes artiste. Comment trouvez-vous votre équilibre entre dessin et comédie ?
Charlotte Le Bon
:
C'est très simple. Lorsque je joue, je ne dessine pas. J'ai besoin d'être dans le mouvement pour trouver la sincérité dans le jeu et lorsque je ne tourne plus, je me permets de rêvasser, de me relaxer et c'est souvent là que mes meilleures idées arrivent.

En êtes-vous déjà venue aux mains avec quelqu'un ?
Charlotte Le Bon
:
Oui, car j'ai fait de la boxe, mais je ne suis pas violente. En revanche, j'adore me mettre en colère et crier, que j'ai raison ou pas. Je suis de nature sanguine.

Vous avez besoin d'être rassurée ?
Charlotte Le BonJ'ai besoin d'entendre que les gens qui comptent pour moi sont sensibles à mon art. J'ai arrêté d'aller sur Twitter parce que je ne m'identifiais plus du tout à ce réseau. C'est horrible de lire autant de méchanceté gratuite.

Est-ce qu'il y a un mot que vous aimez entendre ou prononcer ?
Charlotte Le Bon
:
Vanille, je ne sais pas pourquoi. C'est comme si j'avais envie d'être aussi amoureuse du parfum que du mot. Depuis que je suis toute petite c'est comme ça.

Quel est votre péché mignon ?
Charlotte Le Bon :
Pas la cigarette, j'ai arrêté de fumer. Disons : tout ce qui se mange. J'étais mannequin de 16 à 23 ans et le contrôle du poids est une obsession.

Mais vous êtes mincissime !
Charlotte Le Bon
:
Dès que j'ai arrêté de culpabiliser vis-à-vis de ce que j'ingérais comme nourriture, j'ai cessé de grossir. Aujourd'hui, je ne me restreins plus. J'adore la pizza, le vin rouge et mon plat préféré ce sont les pâtes à la poutargue, cuites à la poêle avec de l'huile et des œufs de mulets râpés. C'est très salé, concentré en goût, mais vraiment délicieux.

Quel est votre talent caché ?
Charlotte Le Bon :
Je sais mettre mes deux pieds derrière la tête. Je crois que je suis anormalement souple.

Est-ce qu'il y a un personnage que vous rêveriez d'incarner ?
Charlotte Le Bon
:
Depuis toute petite, je suis obnubilée par les instituts psychiatriques. Mon rêve, c'est de jouer une folle. Un de mes films cultes, c'est "Une Vie Volée", qui a fait gagner un oscar à Angelina Jolie. L'histoire d'une femme, entre dépression et tentatives de suicide. Je l'ai vu 15 fois.

De quoi êtes-vous la plus fière ?
Charlotte Le Bon
:
De prendre des risques, tout le temps. Je l'ai fait quand j'ai décidé de quitter Montréal pour venir en France alors que rien ne m'attendait de précis. Je l'ai fait chaque jour quand j'étais à la Météo de Canal +. Je continue avec les rôles que j'endosse. Et j'ai l'impression que c'est comme ça qu'on grandit.

Le Secret des Banquises, 1h26, réalisé par Marie Madinier, avec Guillaume Canet, Charlotte Le Bon, Anne Le Ny, en salles.