Michaël Youn, sombre héros de "La Traversée"

A l'affiche de La Traversée, un thriller psychologique plus que réussi, Michaël Youn incarne un père de famille ravagé par la disparition de sa fille. A la ville, l'ex-trublion du PAF a rangé strings et mégaphones. Il se révèle, jeune papa, sensible et tendre. Rencontre.

Michaël Youn, sombre héros de "La Traversée"

Oubliez le comique, faîtes entrer l'acteur dramatique. Dans le film de Jérôme Cornuau, en salles le 31 octobre, Michael Youn est bouleversant. A mille lieues des blagues vaseuses, l'ancien agitateur public nous emmène dans une quête sublime, entre onirisme et suspense haletant. Attention artiste complet.

Derrière l'intrigue palpitante, "La Traversée" met en scène les tréfonds de l'âme. Parlez-nous de vous...
Michaël Youn : J'étais un fils unique, mais pas spécialement "gâté". Mes parents avaient la notion de l'équilibre entre rendre leur garçon heureux et lui inculquer les valeurs qui vont avec la société dans laquelle on vit. J'ai eu une enfance équilibrée.

Vous étiez déjà la vedette des réunions de famille à trois ans ?
J'aimais faire des imitations de Jacques Chirac ou Raymond Barre. Entre nous, j'ai revu les VHS récemment, j'étais vraiment mauvais !

Et un chanteur en herbe ?
Mon goût pour la musique s'est développé à l'adolescence avec la new wave, le hard rock... Malheureusement, je n'ai pas pu développer de talent. C'est l'un de mes plus grands regrets de ne pas savoir jouer d'un instrument. Plus jeune, j'aurais dû suivre des leçons de piano ou de guitare. C'est trop tard : on n'apprend pas de la même façon à 35 qu'à 15 ans...

Vous avez fait une Prépa HEC puis une école de commerce, en revanche ?
Je ne suis pas dans le déni, mais je n'y pense plus. C'est constitutif d'un parcours professionnel. Il faut se tromper de chemin pour savoir où est le bon. Il a fallu que je fasse cinq années d'études supérieures pour être convaincu que ce n'était pas pour moi. Pourtant, dès le collège, lorsque je jouais L'Avare de Molière ou la tirade du nez de Cyrano, je sentais que je me réalisais. J'étais un bon élève, mais dissipé et bavard. En 3e, mon prof de français m'a dit que si je ne m'inscrivais pas dans un cours de théâtre, il s'opposait mon passage dans la classe supérieure...

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Michaël Youn, sombre héros de La Traversée © UGC Distribution

Alors, pourquoi vous êtes-vous obstiné dans un cursus "sérieux" ?
Mes parents étaient cadres. Ils s'attendaient à ce que je devienne chef d'entreprise ou ingénieur, ils m'ont donc encouragé dans ce sens. Cela m'a servi... A l'inverse, j'essaierai d'écouter l'avis de mes enfants, d'être à l'écoute de leurs envies, de ne pas leur imposer une voie en particulier. Aujourd'hui je n'ai pas l'impression de travailler.

Vous gagnez bien votre vie. L'argent, c'est important pour vous ?
Oui et j'ai un rapport sain avec ça. Pourtant, c'est impossible de parler d'argent dans notre pays. Aux Etats-Unis, si ton voisin est riche, tu vas essayer de gagner encore plus que lui. En France, tu vas le jalouser, vouloir qu'il gagne moins. C'est la différence entre liberté et égalité...

Vous êtes aussi propriétaire d'une discothèque à Lille...
Ça s'appelle "Le Private", c'est moi le taulier. Bon, j'y suis allé deux fois... et j'ai payé mes bouteilles alors que je les ai à l'œil lorsque je sors à Paris. Mais j'aime l'idée d'avoir un endroit à moi. Je rêve d'un café-concert ou d'un endroit comme Le Réservoir du regretté Mouss Diouf. Je trouve formidable ce que Jamel a fait avec le Comédie Club.

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Michaël Youn, sombre héros de La Traversée © UGC Distribution

Vous êtes papa, depuis 16 mois, d'une petite Seven, un prénom original...
Seven raconte notre histoire avec Isabelle parce qu'il y a sept lettres dans "je t'aime" et que cette enfant est le fruit de l'amour. J'ai vraiment envie d'agrandir la tribu. J'y pense, beaucoup. Il y a quelque chose dans la paternité d'immense, d'universel, de puissant et d'évident à la fois.

Vous avez perdu 15 kilos pour ce rôle, c'était le poids de la grossesse ?
Non, je n'ai pas fait de couvade... Ma femme, en revanche, a pris 30 kilos, mais elle était mincissime quelques semaines après l'accouchement... J'ai la chance d'avoir un corps malléable et je n'ai aucun problème avec la nourriture. Pour grossir, je me gave de glace au chocolat après 22h. Pour maigrir, je ne mange plus que de la soupe miso.

C'est cette paternité qui vous a permis d'incarner un homme écorché vif ?
On m'avait dit : "Tu verras quand tu seras parent...". C'est vrai. Cela change les repères, les valeurs. Je préfère crever plutôt qu'il arrive quelque chose à ma fille. D'ailleurs, à l'écran, lorsqu'il s'agit d'interpréter un père détruit par la perte de sa gamine, il n'y a que l'imagination qui est envisageable. Ce serait trop douloureux de me projeter dans cette situation.

Votre détresse est touchante, troublante dans cet opus. Vous êtes fier de votre interprétation ?
Je suis très content du film, mais pas de ma performance. La fierté est un sentiment qui m'est étranger. Malgré les apparences, je suis un éternel insatisfait, je pense toujours que j'aurais pu faire mieux.

Quel regard portez-vous aujourd'hui sur la période Pluskapoil ?
Un regard tendre, nostalgique, amusé de revoir cette fraîcheur, cette innocence, cette créativité... J'ai sauté au bon moment sur un manège enchanté.

Est-ce que vous regrettez des choses ?
Mon exhibitionnisme, vous voulez dire ? Je n'ai aucune gêne, aucune notion du ridicule. Sinon, comment aurais-je pu chanter "Que je t'aime", nu avec un faux-sexe d'1m50 ? Je ne voulais pas choquer pour autant, plutôt amuser les gens que les perturber. J'aime la provoc' gratuite. Je ne suis pas un humoriste social, quelqu'un qui fait réfléchir.

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Affiche du film "La Traversée", en salles le 31 octobre 2012 © UGC Distribution

Le film est glaçant, proche du cinéma d'horreur. Est-ce qu'il y a des choses qui vous font peur ?
Les poncifs. J'ai peur de la maladie, d'être seul, de perdre mes parents. J'ai très peur de vieillir, de devenir acariâtre et d'avoir des cheveux blancs. La seule chose que je ne crains pas, c'est de mourir. Au contraire, je flirte avec le danger.

Comment contrez-vous ces angoisses ?
J'essaye de préserver les relations importantes, de ne pas m'éparpiller. J'ai très peu d'amis. Aucun dans le showbiz. Je me consacre à ma famille, c'est ça le premier cercle.

Vous avez partagé la vie d'Elsa Pataky et de Juliette Arnaud. Vous êtes inséparable aujourd'hui d'Isabelle Funaro (l'ancienne compagne de Pascal Obispo, ndlr), des femmes sublimes. Quels sont vos secrets de séductions ?
Je suis passionné. Attention, je ne suis pas Chateaubriand non plus, mais dès la rencontre, je suis à 100%, convaincant, pugnace. J'aime l'amour, le dire, le prouver. Je vis tout intensément quitte à me planter.

Êtes-vous fidèle ?
Je le suis devenu. Il m'a fallu du temps pour comprendre le concept qui n'est pas seulement une histoire de respect. J'ai réalisé que ce n'était pas l'autre que je trahissais, mais ce que j'avais en moi. Si je trompe ma femme, je la désacralise et je brise le bel écrin qui entoure notre relation.

Portrait chinois :

Si vous étiez...
un mot : liberté
un film : 2001, l'Odyssée de l'Espace, un peu incompréhensible comme moi
une recette : des Lingene alle vengole (les palourdes), c'est simple et un peu Méditerranéen
une équipe de foot : le PSG (sans réfléchir)
un animal : un chien, je peux passer des heures à discuter avec mon golden-retriever
une drogue : une bonne bouteille de Bordeaux (rires), un Château Léoville Poyferre - Grand Cru Classé de Saint-Julien
une chanson : Le Petit pain au chocolat de Joe Dassin
un parfum : l'odeur de l'herbe fraîchement coupée. J'ai besoin de soleil, je crois qu'il faudrait que je déménage 6 mois par an dans un endroit où il fait beau. J'ai essayé avec le Maroc, ça n'a pas marché...
Si vous étiez une femme ? Je serais une combattante, les femmes ont plus de courage que les hommes.

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