Anaïs Demoustier : "Je suis assez romantique"

Dans "Chère Léa", au cinéma le 15 décembre, Anaïs Demoustier est le grand amour de Grégory Montel. Celle que son personnage a tant aimée et à laquelle il essaie de dire au revoir sur le papier. La comédienne y joue l'amour fané et chante d'une voix mezzo qu'on ne lui connaissait pas. Interview avec une actrice capable de surprendre à chacune de ses apparitions.

Anaïs Demoustier : "Je suis assez romantique"
© Domine Jerome/ABACA

Anaïs Demoustier est le sujet de Chère Léa, en salles le 15 décembre. Son personnage accapare le cœur et l'attention du héros de ce film romantique, Jonas, un Grégory Montel bien décidé à coucher sur le papier ses sentiments. Léa est insaisissable et Anaïs, qui l'incarne, apparaît dans quelques scènes seulement. Ces moments sont suffisants pour que l'actrice ponctue le film de Jérôme Bonnell de son énergie solaire. Après Les Amours d'Anaïs, la comédienne prolifique continue sur le chemin des romances françaises qui font chaud au cœur. Elle est là une chanteuse lyrique, une mère célibataire et une maîtresse lassée. Discussion autour des mots d'amour, des personnages masculins et de la voix.

Qu'est-ce qui vous a fait dire "oui" à Chère Léa ?
Anaïs Demoustier : J'étais contente de retravailler avec Jérôme Bonnell après notre collaboration sur A trois on y va. Pour Chère Léa, j'aimais beaucoup le hors-champ du film, comme cette histoire d'amour dont on n'a pas tous les tenants et les aboutissants ou cette lettre à laquelle on n'a jamais accès et qui obsède Jonas. Le spectateur se doit d'avoir une grande part d'imagination et de fantasme. C'est la même mécanique avec mon rôle. On parle tout le temps de Léa sans qu'elle ne soit très présente et qu'on ne connaisse grand chose d'elle. Elle est à la fois un personnage central et mystérieux. C'était un défi marrant à relever. J'avais peu de scènes, mais elles étaient toutes intenses, avec une grande tension dramatique et un vrai enjeu.

Comment avez-vous composé avec si peu d'informations autour de Léa ?
Anaïs Demoustier :
Contrairement au personnage de Grégory Montel, Léa est dans la vie, elle n'est ni dans le souvenir ni dans le ressassement. Elle a avancé, fait le deuil de cette histoire, elle n'y croit plus. On comprend qu'elle est chanteuse, qu'elle doit travailler, qu'elle a des choses à faire. Elle élève seule une fille assez jeune, cela implique beaucoup de responsabilités, de soucis, de temps. Je me suis aussi dit qu'elle était blessée et qu'une part d'elle était déçue par cet homme. Pour le reste, je me suis laissée porter par le présent du tournage et me suis rendue disponible pour Grégory Montel, un super partenaire. Mes scènes sont des scènes qu'on a tous un peu vécu, comme ce moment où l'ex revient chercher ses affaires. On se retrouve dans la trivialité un peu nulle de lui rendre le tout dans un sac et en même temps, on perçoit l'intimité. C'est génial de filmer ça. On se rend compte à quel point le cinéma peut restituer cela.

C'est ce qui vous plaît, dans le cinéma de Jérôme Bonnell ?
Anaïs Demoustier
: Je suis assez romantique, disons que les histoires d'amour m'intéressent vraiment. Au cinéma, c'est même ce qui me passionne le plus. Les films de Jérôme sont géniaux pour ça parce qu'il est très subtil, il s'intéresse délicatement aux différents aspects de la complexité amoureuse. Les codes plus féminins sont attribués aux personnages masculins et ça fait du bien. C'est elle qui avance pendant que lui est encore dans l'émotion. J'ai vu Chère Léa deux fois et j'ai imaginé une lettre super différente à chaque visionnage. La première fois, j'avais l'impression d'un règlement de comptes par écrit et la seconde, j'imaginais une lettre d'amour où il revenait sur tous les moments merveilleux vécus ensemble. On peut y projeter beaucoup de choses en fonction du moment auquel on voit le film.

Anaïs Demoustier dans "Chère Léa" © Diaphana Films

Y a-t-il des mots d'amour qui vous émeuvent particulièrement ?
Anaïs Demoustier
: J'écoute énormément de chansons françaises et je suis bouleversée par celles où l'interprète s'adresse à un être aimé. Un de mes titres préférés est Vienne de Barbara. C'est comme une histoire. Au départ, elle dit à son amour de ne pas la rejoindre, qu'elle part à Vienne seule. Au final, elle lui demande de venir car le manque est trop grand. En littérature, j'ai été très attirée par des correspondances amoureuses. Je pense à celle entre l'actrice Maria Casarès et Albert Camus. Le livre est un gros pavé, mais on peut le lire par morceaux. Une lettre traduit tellement de choses, même de son époque. Je regrette que l'écrit soit moins sacralisé aujourd'hui, avec tous les SMS que l'on s'envoie. Et en même temps, dans ce monde où tout est banalisé, quand on décide d'écrire à quelqu'un, ça prend du sens.

Vous écrivez, vous ?
Anaïs Demoustier : J'aime bien, oui. J'ai d'ailleurs beaucoup plus de facilités à écrire qu'à parler. Pour les choses importantes, j'écris, alors je comprends très bien la démarche de Jonas. Souvent, cela permet de mettre de l'ordre dans ses sentiments et ses émotions. En discutant, il y a toujours un rapport de force, qui fait que parfois, on est moins à l'aise pour s'exprimer.

Dans le film, vous êtes chanteuse lyrique et c'est votre voix qu'on entend. D'où vous vient-elle ?
Anaïs Demoustier
: Je m'y suis mise parce que j'avais des nodules sur les cordes vocales. C'était soit ça, soit l'orthophonie. Au départ, j'avais un tout petit filet de voix et petit à petit, j'ai découvert une voix assez puissante. J'ai la voix mezzo d'une femme obèse, j'ai beaucoup de coffre. Ma prof me prenait pour un animal de foire à cause de ça ! Depuis, j'essaie de continuer de prendre des cours quand je peux. C'est vraiment thérapeutique, ça fait circuler des choses dans le corps, comme une sorte de sport. Emotionnellement, la voix est le berceau de beaucoup d'émotions. Chanter est libérateur. Savoir que l'on a cette puissance insoupçonnée en soi donne de l'aplomb.

"J'ai un instinct premier hyper clair"

Y a-t-il une chanteuse que vous aimeriez jouer ?
Anaïs Demoustier
: J'ai toujours eu le fantasme d'incarner Françoise Hardy dans un film. J'adore l'époque de sa jeunesse, l'esthétisme des années 70 et ses chansons évidemment.

Jérôme Bonnell parle de Chère Léa comme un film d'hommes. Qu'est ce qui rend ceux du film intéressants à vos yeux ?
Anaïs Demoustier
: Un homme qui regarde aussi bien les femmes peut faire des personnages masculins riches. On parle souvent des rôles féminins clichés, mais c'est pareil pour les hommes. Il y a des personnages attendus, à gros traits, pas très subtils. Chez Jérôme, ils assument leur tendresse, leur vulnérabilité par rapport aux histoires d'amour. Avec de l'humour ! Ils tournent au ridicule le résidu de machisme chez eux et ça les rend sympathiques. Jérôme montre ça comme des limites et non pas comme une force sur laquelle s'appuyer. Cela rend ces hommes touchant.

C'est aussi un film sur l'indécision. Etes-vous indécise ?
Anaïs Demoustier : Enormément. C'est incroyable. Je suis Balance, on me dit souvent que c'est pour ça. Je n'en sais rien, mais je sais que c'est fatigant ! J'essaie de travailler à l'être moins. J'ai un instinct premier hyper clair, assez bon. Après, la tête s'en mêle et c'est parti pour 8 heures de discussions, de réflexions, alors qu'à la base, je sais où je veux aller. Je pourrais m'éviter de la tergiversation inutile.