Marie Colomb (LES MAGNÉTIQUES) : "J'étais une enfant étrange"

Marie Colomb illumine "Les Magnétiques" de Vincent Cardona, au cinéma le 17 novembre. La comédienne y joue une jeune femme déterminée à exister, une amoureuse qui va pousser le héros Philippe à s'émanciper pour lui crier ses sentiments. Interview avec une révélation.

Marie Colomb (LES MAGNÉTIQUES) : "J'étais une enfant étrange"
© ABACA

Marie Colomb est déjà connue des téléspectateurs. Avec Laëtitia, série inspirée de l'affaire Laëtitia Perrais diffusée sur France 2, la jeune femme s'est offert une première fenêtre dans le cœur du public. Un an plus tard, la voici sur grand écran, pour Les Magnétiques, de Vincent Cardona. Dans cet audacieux film initiatique ancré au début des années 80, au cinéma le 17 novembre, la comédienne incarne Marianne, Parisienne décidée à devenir coiffeuse dans un village de campagne et petite-amie de Jérôme, le présentateur rock'n'roll de la radio libre de la bourgade. Marianne provoque de grands sentiments chez le petit frère de cet ange noir, Philippe, le geek sensible et ténébreux aux manettes de leurs diffusions. Alors que tous sont à l'âge où l'on se cherche, Marianne est déjà maman d'une petite fille et tiraillée entre le monde des adultes et les dernières étapes adolescentes.
Douce et captivante, Marie Colomb aimante le regard dans chacune des scènes où elle apparaît. Le titre du film sied à merveille à celle que l'on a aussi aperçue dans des clips de PLK ou Odezenne. Bonne nouvelle: elle sera dans la saison 2 d'OVNI(S) sur Canal + et bientôt dans le prochain film de Rodrigo Sorogoyen, avec Marina Foïs et Denis Ménochet. Rencontre avec une comédienne déterminée à exceller.

Qu'est-ce qui vous a plu dans Les Magnétiques ?
Marie Colomb
: C'était un coup de cœur, j'ai pleuré en lisant le scénario. Je ne vois pas beaucoup de films en France avec cette énergie. En sortant, on a envie de vivre. Le film se passe dans les années 80, mais il est hyper actuel. Il parle de cet âge où tu deviens adulte au milieu d'un monde pas toujours simple. Ce climat de no future, de peur de l'avenir, est hyper fort en 2021, il a perduré depuis ces années-là.

Qui est Marianne ?
Marie Colomb
: Marianne a la vingtaine, elle vient de Paris et elle a eu une enfant très tôt, sur les coups de 15 ans. Elle s'est vite retrouvée dans un monde d'adultes sans le vouloir. Elle débarque dans un village de campagne avec sa petite sous le bras pour faire un CAP coiffure. Elle se confronte à sa vie de jeune femme avec ce que ça implique : les amours, construire son futur et essayer d'être une bonne maman.

Marie Colomb dans "Les Magnétiques" © Paname Distribution

Marianne s'embarque dans un triangle amoureux avec deux frères. Qu'est-ce qui l'attire chez l'un et l'autre ?
Marie Colomb : Jérôme, le grand frère, est un mâle alpha. Je me suis racontée qu'elle était attirée par deux choses: il lui donne un sentiment de sécurité, parce qu'il a confiance en lui, qu'il sait s'exprimer, et il la ramène aussi à sa vie d'avant, à ce qu'elle a perdu en devenant maman. Philippe l'attire parce qu'il est le seul à lui donner vraiment la parole. Il est doux, stable, vrai. Avec lui, elle n'est pas un trophée.

Comment vous êtes-vous impliquée pour jouer Marianne ?
Marie Colomb : Avec Vincent, on a travaillé sur le texte parce que j'avais peur que Marianne soit vue comme une femme objet. Elle est importante à l'histoire, mais on ne s'intéresse pas beaucoup à elle. Je ne voulais pas qu'on pense qu'elle s'amuse avec les deux frères. J'avais plusieurs scènes dénudées qui ont finalement été coupées et pour lesquelles j'avais laissé pousser mes poils. Dans les années 80, c'était très commun et pour moi c'était assez politique d'assumer ça.

Comment vous êtes-vous plongée dans cette période ?
Marie Colomb : En 2021, on n'a plus du tout la même façon de parler. On a visionné un documentaire de Depardon qui nous a permis de nous rendre compte des différences de langage et de ne pas rajouter de petits mots comme "voilà" pendant le tournage. C'est plutôt tout ce qui était autour qui a joué : l'habillage et les décors. Nos personnages vivent des actions, des sentiments qui sont les mêmes à notre époque. J'ai 26 ans et je crois que ma génération était la dernière à connaître ce monde analogique. Une personne de 20 ans qui aurait tourné la même chose aurait peut-être trouvé ça bizarre.

"Je ne suis pas dans un optimisme grandiose"

Qu'avez-vous appris sur ces années-là ?
Marie Colomb : Que les jeunes s'intéressaient beaucoup plus à la politique qu'aujourd'hui. A l'époque, il y avait encore de l'espoir. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'aucun représentant politique ne pourra vraiment faire changer les choses. Je ne suis pas dans un optimisme grandiose et mes amis non plus.

Thimotée Robart, qui joue Philippe, était déjà sur le tournage de la série Laëtitia...
Marie Colomb : Il m'a perchée pendant un mois sur Laëtitia. Ce n'était pas celui dont j'étais le plus proche, mais on se connaissait. Pour Les Magnétiques, j'ai été castée avant lui, avec Joseph qui joue Jérôme. On a fait des heures de casting, il fallait absolument que le rôle principal fonctionne avec nous. Un beau jour, le réalisateur a eu un coup de cœur pour lui et je pense qu'il a vu ce hasard comme un signe.

"Les meilleures scènes de sexe peuvent se faire si on est à l'aise avec son corps"

Il y a une magnifique scène de sexe entre vous...
Marie Colomb : Je n'avais pas une expérience dingue de ces scènes, mais ce n'était pas ma première non plus. Elle s'est très bien passée parce que je suis assez tranquille avec ça. Ce n'est pas facile pour les garçons, ils ont peur de faire des mauvais gestes. Je suis allée voir Thimotée, on a parlé de ce qu'on pouvait faire, de nos limites. On a tout mis sur table. Souvent, ce qui est drôle, c'est que l'équipe autour est très stressée. Alors le jour J, on est arrivés en peignoir avec une énorme baffle de son, puis Thimotée a ouvert son peignoir devant tout le monde et ça a détendu l'atmosphère. Les meilleures scènes de sexe peuvent se faire si on est à l'aise avec son corps, ce qui est mon cas. Il faut le prendre à la cool.

Marie Colomb dans "Les Magnétiques" © Paname Distribution

"J'ai grandi à la campagne, sans moyen de locomotion..."

Comment était votre adolescence ? Comme dans le film, avez-vous connu l'ennui ?
Marie Colomb : J'ai grandi à la campagne, au milieu des champs et de la forêt, sans moyen de locomotion. Il n'y avait rien à faire donc je passais beaucoup de temps chez moi et mon truc c'était de tout filmer. Comme je n'avais pas de caméra, je filmais ma famille, parfois en secret, avec ma webcam. Et je faisais des montages avec ce que j'obtenais.

C'est comme ça qu'est née votre envie de cinéma ?
Marie Colomb : J'ai eu envie de jouer très tôt, vers 6 ans. J'étais une enfant étrange, je posais beaucoup et déjà bébé je passais apparemment mon temps à me regarder dans le miroir! Une fois, ma mère est entrée dans ma chambre et m'a demandé si ça allait parce que je pleurais. Je lui ai répondu "maman je suis en train de répéter". Après ça, elle m'a inscrite au théâtre. Dès le premier cours, en descendant de scène, je lui ai dit que je voulais faire ça toute ma vie. Ça n'a jamais changé.

Quel est votre objectif ultime d'actrice ?
Marie Colomb : Mon but, c'est d'être l'actrice la plus intéressante possible. On part tous avec une palette de ce qu'on est capables de faire. Souvent, on débute avec des rôles qui nous ressemblent assez, on ne nous laisse pas la possibilité de composer des personnages. Moi j'ai envie d'aller plus loin, de proposer des choses profondes, construites. Je travaille avec une coach pour chaque film. On n'a pas trop cette culture-là en France, ça vient plutôt des Etats-Unis. Là-bas ils savent tous danser, chanter, composer, jouer avec leur corps. Il n'y a pas longtemps, j'avais peur de me perdre dans le travail et d'y laisser le naturel. Ça m'a passé.