Rebecca Ferguson (DUNE) : "Me faire confiance est mon pouvoir"
Dans "Dune", au cinéma le 15 septembre, Rebecca Ferguson incarne la puissance et la vulnérabilité en endossant le rôle emblématique de Lady Jessica. Après nous avoir fait frémir dans "Doctor Sleep" et sauvé le monde dans les derniers "Mission Impossible", voici la Suédoise membre d'une sororité crainte par tout l'univers. Interview d'une actrice abonnée aux rôles qui en jettent.
Dune se paye le luxe d'être la sortie cinéma la plus attendue de l'année grâce à un casting aussi éblouissant que sa réalisation, signée Denis Villeneuve. À l'affiche, donc: Timothée Chalamet, Zendaya, Javier Bardem, Charlotte Rampling, Oscar Isaac, Josh Brolin, Jason Momoa... et Rebecca Ferguson. C'est cette dernière qui nous intéresse. Après avoir aspiré le shining d'enfants innocents dans Doctor Sleep, aidé Tom Cruise à mener à bien ses missions impossibles dans Fall Out et Rogue Nation ou encore découvert un alien coriace dans Life: Origine Inconnue, la Suédoise débarque sur Arrakis et décroche le second rôle du plus plébiscité des blockbusters de science-fiction.
Révélée au monde grâce à The White Queen - série britannique sur la reine consort Elizabeth Woodville -, Rebecca Ferguson a commencé sa carrière à 16 ans. Elle tenait alors le premier rôle d'un soap suédois à succès, Nya Tider. Depuis que le milieu l'a vue en souveraine, elle traîne sa beauté froide sur les plus grands plateaux de tournage (The Greastest Showman, La Fille du Train, Men in Black : International).
Dans Dune, Rebecca Ferguson incarne la mère de Paul Atréides, fils du duc et possible prophète tant attendu sur la planète sablonneuse, colonisée pour sa précieuse épice. On a parlé avec elle de son personnage, de ces rôles de sorcières qui semblent la poursuivre et de sa carrière faite de superproductions.
Qui est Lady Jessica ?
Rebecca Ferguson : Lady Jessica appartient à l'organisation féminine du Bene Gesserit. Elles sont très puissantes. Elles peuvent manipuler les esprits, les pensées et se connecter à leur histoire ancestrale, sans avoir accès à des téléphones ou toute autre forme de technologie puisqu'elles sont d'un autre monde. Le destin de mon personnage est de se reproduire pour avoir une fille et ainsi coloniser d'autres familles. Elle se rebelle et crée le chaos en ayant un garçon avec le Duc Atréides, dont elle est amoureuse. A partir de ce moment-là, elle doit protéger son fils des conséquences qu'elle a engendrées...
Elle est tiraillée entre son rôle de mère et celui de Bene Gesserit. Comment avez-vous abordé ce conflit personnel ?
Rebecca Ferguson : Grâce à mes conversations avec Denis Villeneuve. Je n'ai pas tout de suite cerné Jessica. Sans avoir le pouvoir des Bene Gesserit, j'ai pu me reposer sur l'amour que j'ai pour mes enfants. Pour saisir le conflit en elle, il faut comprendre la foi. Je ne suis pas chrétienne, je ne crois en aucune religion, mais j'aime enlacer les arbres et être bienveillante. J'ai atteint un état d'esprit qui m'a permis de saisir que la croyance peut être aussi forte que l'amour pour vos enfants. C'est à cet endroit que le conflit de Jessica surgit.
Il paraît que vous avez hésité quand Denis Villeneuve vous a proposé le rôle parce que étiez lasse de jouer les femmes fortes qui savent se battre...
Rebecca Ferguson : Je vais vous dire ce qui s'est vraiment passé. Quand Denis m'a présenté Jessica, il m'a parlé de sa force, de sa puissance, du fait qu'elle soit mère, concubine et soldat. Je me suis dit "tiens, ça sonne comme quelque chose que j'ai déjà fait..." mais je n'aurais jamais refusé le rôle. Si Denis m'avait demandé de jouer une reine, j'aurais joué une reine. Ce ne sont pas les émotions extrêmes qui l'intéressent. Il veut savoir comment on passe de l'une à l'autre, comment on devient imposant sans avoir à se tenir sur la pointe des pieds, sans barricader ses émotions. Comment être puissant et pleurer de peur ? C'est ça le vrai sujet.
Après Doctor Sleep et Alex, le destin d'un roi, vous voilà encore dans le rôle d'une sorcière. Comment expliquez-vous que les directeurs de castings et réalisateurs vous voient ainsi ?
Rebecca Ferguson : Ça me plaît. Je me demande si les gens qui disent que je joue des personnages forts, indépendants et intenses le relient à la sorcellerie. Elles étaient fortes, n'est-ce pas ? Elles s'accrochaient à leurs croyances. La force peut être comparée à la résistance face aux normes sociales. D'ailleurs, on devrait disséquer le mot "force" parce que c'est un mot qui englobe beaucoup de choses. J'en trouve au même titre que de la fragilité dans tous mes personnages.
Avez-vous l'impression d'être cataloguée ?
Rebecca Ferguson : C'est aussi mon métier d'apporter d'autres choses. J'espère qu'en voyant Dune, les gens comprendront la complexité avec laquelle j'ai joué Jessica. J'espère qu'ils réaliseront combien ça m'a coûté de créer de la vulnérabilité et de la peur chez cette femme et je ne parle pas seulement des gros plans où je pleure. Enfin, j'espère qu'ils saisiront la profondeur de l'agonie qu'elle traverse et combien elle est impactée par les événements. Il y a un renversement avec le personnage de Paul. Son enfant prend le relais. Oui, il y a des rôles que j'aimerais jouer, mais il y a tellement d'acteurs... J'ai parfois l'impression d'être cataloguée, mais la plupart du temps, je me sens surtout très chanceuse de travailler. C'est un équilibre.
"Je ne m'inquiète pas trop des conséquences"
Quel pouvoir avez-vous développé avec le temps ?
Rebecca Ferguson : Je ne sais pas si c'est un pouvoir, mais je suis très crue, très honnête avec les autres. Je ne m'inquiète pas trop des conséquences. J'essaie d'être respectueuse, j'écoute et je ne veux blesser personne, mais je suis fière de rester sur mes positions. J'ai peur que l'on pense parfois que je suis une diva... Ce sont des problèmes sur lesquels j'ai sans cesse l'impression de travailler. A plus grande échelle, je protègerais les gens si je pensais qu'ils ont été maltraités et je me défendrais si je me sentais dérespectée. Je ne me fais plus de souci si quelqu'un m'énerve parce que je lui ai tenu tête. Ce n'est pas grave, je trouverai un autre film. C'est mon pouvoir : être capable de me faire confiance, me convaincre que tout ira bien.
Denis Villeneuve est connu pour créer des univers visuels bluffants. Ne perd-on pas la magie quand on joue dedans ?
Rebecca Ferguson : Denis Villeneuve est un artiste de l'image. Je vois en quoi être sur le tournage peut empiéter sur cette magie, mais les paysages et les décors étaient si extraordinaires... Ce que je vois et ce que je ressens en me tenant debout sur un rocher à Abu Dhabi avec Timothée Chalamet n'est pas ce que j'expérimente quand la caméra se déplace pour me filmer sous tous les angles. Je suis totalement verrouillée dans mon processus de réflexion en tant que Jessica à ce moment-là. J'ai réussi à séparer le film que j'ai lu, le film que j'ai tourné et le film que vous voyez. Il y a ce plan vu du dessus d'un vaisseau en vol stationnaire qui traverse les ombres jusqu'aux nuages. C'est steampunk, cool, avec quelque chose du Tour du monde en 80 jours. Je me souviens m'être dit "mon Dieu quelle aventure de faire partie de ça !" et puis "ah mais oui, c'est vrai, je suis dedans !" Pour la première fois de ma vie, j'avais oublié.
Comment une jeune Suédoise qui fait de la télévision devient-elle une star hollywoodienne ?
Rebecca Ferguson : Je ne suis pas ambitieuse. En Suède, on dit jouer des coudes. Je n'ai jamais eu cette urgence de devenir actrice. J'ai juste composé avec ce qu'on me proposait. Ma mère a fait un job fabuleux en me présentant sur un plateau toutes les options qui s'offraient à moi, en me poussant un peu au-delà de mes limites. J'ai commencé à jouer et ça a marché. Elle ne m'a jamais forcée, c'était le chemin que je devais emprunter. J'ai parfois l'impression que c'est mal de dire ça, parce que je sais le nombre de personnes qui luttent pour faire ce métier. C'est un milieu difficile et injuste. Je me sens à la fois très chanceuse et je sais aussi que j'ai travaillé très dur pour y arriver.
C'est quoi pour vous, avoir du succès ?
Rebecca Ferguson : Le succès, c'est faire ce que l'on aime. Nos métiers deviennent notre identité, c'est ce qu'on fait pendant la plus grande partie de notre vie. Je déteste rencontrer des gens qui n'ont pas eu la possibilité d'avoir accès à un métier qui leur apporte de la plénitude. Trop de personnes n'ont pas d'autre choix que d'avoir un job qui n'est qu'un revenu. Ils peuvent trouver du succès ailleurs, bien sûr, mais pour moi c'est le fait d'aimer mon métier, de pouvoir embarquer ma famille avec moi dans mes voyages... J'adore ma vie et j'en profite.