Yasin Houicha (FRAGILE) : "Il faut en finir avec la carapace de l'homme viril à la Booba"

Yasin Houicha est le héros de "Fragile", au cinéma le 25 août. L'acteur abonné aux drames révèle son sens du rythme et son charme solaire dans cette comédie romantique galvanisante. Interview.

Yasin Houicha (FRAGILE) : "Il faut en finir avec la carapace de l'homme viril à la Booba"
© Wyters Alban/ABACA

Yasin Houicha serait-il le Hugh Grant à la française ? C'était en tout cas l'objectif de la réalisatrice Emma Benestan en lui offrant le rôle principal de sa comédie romantique Fragile, en salles le 25 août. Et c'est aussi chez l'acteur anglais que le jeune comédien a puisé son inspiration, entre autres, pour incarner Az, cet ostréiculteur sétois en chagrin d'amour. Habitué à jouer le second rôle dans des films plus dramatiques (Papicha, Le Brio), Yasin Houicha brille au bord de la mer, en mec sensible et solaire qui apprend à danser pour séduire et se retrouver. Comme son compère british, il est l'un de ces héros de comédie romantique qui prend au cœur: ce mec un peu gauche, amoureux assumé, déterminé à ne plus se laisser marcher dessus. Il nous en a révélé un peu plus sur lui, sur son rapport à la masculinité et à la fragilité, avec l'assurance de quelqu'un qui sait exactement ce qu'il veut.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire partie de l'aventure Fragile ?
Yasin Houicha
: Depuis les courts-métrages Goût Bacon et Belle Gueule d'Emma Benestan, j'avais le fantasme intérieur de travailler avec elle. Je me suis tué à la tâche pour lui plaire, pour comprendre au mieux son personnage et avoir la chance de l'incarner. Quand j'ai su que Oulaya Amamra, avec qui j'avais déjà joué dans Divines, avait le rôle de Lila, c'était du bonus pour moi.

Vous tuer à la tâche, c'est-à-dire ?
Yasin Houicha
: C'est sortir de ma zone de confort. Jusque maintenant, j'avais joué des personnages dramatiques avec des histoires assez sombres parfois, là il m'a fallu trouver un vrai mélange de tragi-comique, tout en gardant une véracité dans l'émotion. On doit croire qu'Az est au trente-sixième dessous, qu'il est désespéré. Je ne suis pas très rom-com à la base, alors je me suis replongé dans des classiques, je me suis inspiré de Leonardo DiCaprio dans Roméo + Juliet, de Hugh Grant dans Coup de Foudre à Notting Hill, pour me familiariser avec ses mots, son cheminement personnel, son romantisme.

"N'importe quel homme, issu de n'importe quel milieu social, peut souffrir de peines de cœur"

Az bouscule les codes des personnages masculins de comédies romantiques. En quoi cette représentation de la masculinité vous a-t-elle parlé ?
Yasin Houicha
: Je ne sais pas si c'est une nouvelle représentation de masculinité. D'autres films montrent des hommes sensibles, qui assument leur fragilité sans avoir peur des larmes, mais c'est vrai que je n'ai pas beaucoup de souvenirs de rôles comme ça dans le cinéma français. Ce personnage m'a rempli d'émotions, de joie, de peine. C'était un ascenseur émotionnel vraiment intéressant à performer. Az enfouit beaucoup, il est maladroit, naïf, il ne sait pas vraiment ce qu'il veut tout en étant plein de tendresse. Il écoute son cœur sans le comprendre. Jouer un personnage qui sort du lot a été une bénédiction après mes rôles dramatiques. Je l'ai vu comme une opportunité de montrer aux gens que n'importe quel homme, issu de n'importe quel milieu social, peut souffrir de peines de cœur. Az prouve qu'il ne faut pas avoir honte de ses chagrins d'amour, qu'ils sont nécessaires. La fragilité n'est pas une faiblesse, c'est accepter d'être vulnérable, accepter de dévoiler cette part de soi, de raconter l'amour avec un grand A. Fragile n'est pas un film qui se la pète ou veut donner des leçons. C'est le témoignage d'un homme comme tant d'autres.

Oulaya Amamra et Yasin Houicha dans "Fragile" © Haut et Court

La danse aborde le sujet du rapport à son corps, à la sensualité, voire à la féminité… Ces questions vous ont-elles déjà interrogé ?
Yasin Houicha
: Je suis très à l'aise avec mon corps, même si je n'ai pas un physique de mannequin. Dans l'acting, on t'apprend qu'il ne faut pas avoir peur de tes défauts, ni du ridicule. En danse, je partais vraiment du niveau zéro, mais c'était un challenge qui me plaisait. J'adore les défis. Ma difficulté, c'était de ne pas oublier qu'Az n'est pas aussi à l'aise avec son corps que moi, mais j'ai eu la bonne surprise de voir qu'à force de me conditionner, j'ai acquis un espèce d'instinct pour agir naturellement comme lui.

Emma Benestan vous a décrit comme quelqu'un plein d'assurance, prêt à se lancer à corps perdu dans une scène. Vous vous reconnaissez en ça ?
Yasin Houicha : Je ne dis pas que j'ai confiance en moi du 1er janvier au 31 décembre, mais certains objectifs, projets ou personnes m'inspirent. Quand je vois un film aussi singulier et exceptionnel, je n'ai qu'une envie c'est de montrer tout ce que j'ai dans le ventre, d'y aller, de surmonter mes défauts pour atteindre mon rêve d'être acteur. J'ai été très honnête envers Emma dès le début. Je lui ai dit que j'étais très différent d'Az. On peut même considérer que c'était de la maladresse dans un premier temps, quand je fonçais sans vraiment réfléchir, j'étais un peu à côté de la plaque. Mais j'y allais. Az, ce n'est pas non plus un rôle de grande composition pour moi, j'avais beaucoup d'atomes crochus avec lui. J'ai juste eu à suivre les conseils d'Emma pour l'incarner au mieux.

"Je reste solitaire dans la tristesse"

Az a besoin de ses amis pour remonter la pente. Quelle place prend l'amitié dans votre vie ?
Yasin Houicha
: Je n'ai pas besoin de mes amis au quotidien comme lui. Quand j'ai un chagrin d'amour, j'aime me reposer sur mes proches, mais je reste solitaire dans la tristesse. Je me relève mieux seul qu'avec les gens. Si on essaie de me remonter le moral avec des vérités que je sais déjà, ça vient me parasiter. Après, je ne vais pas manger du chocolat en pleurant devant Bodyguard comme Az. Je trouve un exutoire dans la boxe, la piscine ou à la salle de sport.

Fragile, ça veut dire quoi pour vous ?
Yasin Houicha : Il faut en finir avec cette carapace de l'homme viril à la Booba, avec la figure de l'homme imperméable et imperceptible. On a tous une boule rouge en nous qui fait "boum-boum". La fragilité, j'en ai une bonne part, mais pour moi c'est surtout accepter d'être vulnérable, être à l'écoute, prendre en considération le fort et le faible au même niveau.