5ème SET : Alex Lutz, tennisman plus vrai que nature

5ème Set : la perf d'Alex Lutz

Février 2019. D'un coup, la bascule. Alex Lutz soulevait le César du meilleur acteur. Une mise en orbite qui marquait un affranchissement dans sa carrière. Enfin délesté de la comédie qu'il avait vissée au corps -filmographie truffée de morceaux lol, seuls en scène façon Kinder, Catherine et Liliane à la télé-, le comédien touche-à-tout marquait les esprits avec Guy, son second long-métrage en tant que réalisateur, dans lequel il incarnait un chanteur de variétés has been tentant un fragile come-back.

Cette année, l'esprit toujours aussi bouillonnant, il nous revient avec un rôle gémellaire : celui d'un tennisman qui, traumatisé par une demi-finale perdue à Roland Garros une décennie plus tôt, décide de s'accorder un dernier tour de piste. Surprenant en figure esseulée, lacérée par ses obsessions de résurrection sportive (et personnelle par prolongement), l'acteur creuse un peu plus ce sillon dramatique qui lui va à ravir. De tous les plans, il crève l'écran avec l'efficacité d'un passing-shot de revers d'Agassi.

5ème Set : le tennis filmé comme jamais

Et pour enfiler la tenue, les chaussures et le thermobag, Alex Lutz n'y est pas allé avec le dos de la cuillère.

Il s'est totalement investi dans ce rôle au point de s'être mis à la pratique de ce sport à raison de quatre heures par jour pendant quatre mois. Le tout avec un coach qui l'a aidé à retranscrire et comprendre au mieux les gestes.

Ajoutez à cela le savoir empirique du cinéaste Quentin Reynaud, lequel a joué au tennis à un très haut niveau -membre du club de Primrose à Bordeaux- avant de devoir ranger sa raquette pour cause de blessure. 5ème Set se distingue ainsi de tous les autres films ayant immortalisé la petite balle jaune (Battle of the Sexes, Terre Battue…) par son approche ultra réaliste de cette discipline, par le respect de ses règles, de sa gestuelle (des doublures étaient réquisitionnées à cet effet).

Ici, tout transpire la justesse et la vérité. Même les pros seront floués. Et pour ne rien gâcher au plaisir, une partie du film a été tournée à Roland-Garros : une véritable première. La classe !    

5ème Set : l'arène de la solitude

Au-delà de la précise retranscription technique déployée, la plus grande qualité de 5ème Set réside surtout dans le portrait qu'il dresse d'un sportif face à sa discipline.

Reynaud fait du personnage principal un gladiateur blessé au cœur de deux arènes : celles de la terre-battue et de la terre intime. L'écriture favorise en effet une approche sociologique de ces champions qui, comme lui, selon la sentence imparable du temps filant, doivent raccrocher ou se repenser. Difficultés face aux sponsors, tumultes domestiques en raison d'une activité qui ne laisse aucune place à une vie familiale équilibrée (Ana Girardot est parfaite sous les traits de l'épouse), solitude extrême… : ce drame sportif ne nous épargne aucune des étapes douloureuses qui jalonnent une fin de carrière. Ce moment où, avant un hypothétique exploit, il faut apprendre à disparaître définitivement des lumières pour laisser ses ampoules, ses foulures, ses échecs et ses sacrifices bien enfermés dans le passé. Et à ce jeu, c'est un smash assené.