Tom Schilling : "Adolescent, je voulais vraiment devenir peintre"
Dans le diptyque "L'oeuvre sans auteur" de Florian Henckle von Donnersmarck, en salles le 17 juillet, le comédien allemand Tom Schilling incarne le peintre Kurt Barnet et traverse plusieurs années de l'histoire de son pays. Un acteur aussi passionnant que l'oeuvre en question.
Révélé en 2012 dans la comédie dramatique Oh Boy de Jan-Ole Gerster, dans laquelle il campait Niko, un jeune homme qui arrête ses études de droit et déambule de jour comme de nuit à travers Berlin, entre rencontres tragiques et comiques, Tom Schilling a également été aperçu récemment dans Suite Française ou La Femme au Tableau. A 37 ans, l'acteur allemand trouve le plus beau rôle de sa carrière dans le diptyque L'œuvre sans auteur de Florian Henckle von Donnersmarck, le réalisateur de l'inoubliable La Vie des Autres, carton en France en 2007. Il y incarne Kurt Barnet, un homme qui a découvert sa vocation de peintre en assistant, enfant, à l'exposition sur "l'art dégénéré" organisée par le régime nazi. Nous sommes alors en 1937. Dix ans plus tard, en RDA, il étudie aux Beaux-arts malgré les diktats du "réalisme socialiste" et tombe bientôt amoureux d'Ellie, une jeune femme dont le passé sombre du père est lié à lui. A l'occasion de la sortie de ce passionnant portrait d'homme, doublé d'une véritable réflexion sur la création, nous avons rencontré le talentueux acteur pour un entretien autour de l'art.
Est-ce vrai que vous avez accepté le projet parce que vous vouliez être peintre plus jeune ?
Tom Schilling : On va dire que je recherche toujours une sorte de corrélation personnelle dans les rôles que je choisis d'incarner. Et puis, je peux prétendre, en toute modestie, que j'ai une certaine compréhension de l'art et de la peinture. Cela m'a conforté. J'ai senti que mon backgroung me donnait la permission de jouer le personnage de Kurt Barnet.
Qu'est-ce qui vous séduit dans l'art ?
Tom Schilling : C'est toujours le mystère et le secret artistiques qui me captivent le plus. Être ému ou même me sentir mal à l'aise -sans trop savoir pourquoi et comment. Ce sont les émotions que ça charrie que je trouve fascinantes.
Lorsque vous avez étudiez l'art, quels étaient les peintres que vous admiriez ? Et pourquoi ?
Tom Schilling : Quand j'étais adolescent, je voulais vraiment devenir peintre et apprendre les bases de cette discipline. J'adore le naturalisme romantique allemand, avec par exemple des artistes comme Caspar David Friedrich ou Adolph Menzel. Je me suis souvent rendu à la Old National Gallery de Berlin et j'ai été totalement frappé par les énormes et épaisses peintures à l'huile de Menzel représentant des scènes industrielles sombres. Tout comme Rembrandt, Menzel est un véritable maître de l'ombre et de la lumière et je pouvais littéralement sentir la chaleur et la douceur sortir de ses toiles. C'est sombre et impressionnant. Mais j'ai aussi adoré -et j'aime toujours d'ailleurs- les impressionnistes français aux œuvres éthérées, ainsi que Max Liebermann en Allemagne.
Etiez-vous coutumier de l'art dégénéré avant que Florian Henckel von Donnersmarck vous propose le rôle ?
Tom Schilling : Absolument puisque je l'avais étudié en formation d'art.
"Je me sens toujours comme étant en quelque sorte l'avocat de mes rôles."
Comment avez-vous construit le personnage, lequel est inspiré du peintre Gehrard Richter ?
Tom Schilling : Florian ne voulait surtout pas que je m'adonne à l'imitation. J'ai essayé, du mieux que j'ai pu, d'imaginer et de retranscrire ce que Gehrard Richter pouvait penser de tout ce qui l'entourait. C'est comme ça que j'ai bâti le personnage de Kurt Barnet.
En tant qu'acteur, avez-vous trouvé la réponse à la question suivante : d'où vient l'art ?
Tom Schilling : J'ai tendance à penser que cela vient d'une muse, mais j'imagine que c'est essentiellement beaucoup de discipline et du travail acharné. C'est peut-être un peu des deux en fait : acquérir les compétences et être responsable de ce que vous faites tout en ayant le pouvoir, en même temps, de vous laisser aller.
Florian loue votre prestation et estime que vous défendez parfaitement l'intégrité des personnages. Vous êtes d'accord avec son analyse ?
Tom Schilling : Bien sur que oui. Je me sens toujours comme étant en quelque sorte l'avocat de mes rôles. Et je suis très consciencieux, ce qui peut certainement être pénible. Mais c'est ma manière d'être. Sinon, j'ai l'impression d'abandonner mon personnage.
Qu'est-ce que le théâtre vous a appris avant le cinéma ?
Tom Schilling : Au théâtre, j'ai beaucoup appris sur l'atmosphère. J'ai travaillé avec de vrais artistes comme Werner Schroeter et Thomas Heise. En fait, j'étais beaucoup trop jeune pour comprendre de quoi il s'agissait, mais je pense avoir été capable de ressentir la magie qui émane de cet art.
Que peut-on vous souhaiter ?
Tom Schilling : Je dois vous dire que c'est la plus belle question qu'on m'ait jamais posée en interview et ma réponse est la suivante : la santé et la capacité de jouir et d'apprécier notre précieuse vie…. Merci beaucoup (en français) !