Audrey Lamy : "Je fonctionne au coup de cœur"

Avec "Les Invisibles", Audrey Lamy s'offre un rôle sans fard de travailleuse sociale dans un centre d'accueil pour femmes SDF. La comédienne y est touchante et juste, à l'image de ce joli film plein d'espoir sur un vrai sujet de société. Interview.

Audrey Lamy : "Je fonctionne au coup de cœur"
© Apollo Films

Le Journal des Femmes : Qu'est-ce qui vous a plu dans ce projet ?
Audrey Lamy : J'ai eu un coup de cœur pour le sujet et pour la manière dont il est traité. On ne porte pas de jugement, on ne fait pas dans le misérabilisme. C'est un film hyper positif. On ouvre des portes, on met en lumière des personnes qu'on a pris l'habitude de ne plus voir.  La comédie est la meilleure arme pour faire passer des messages. En restant dans le réalisme, on injecte de l'auto-dérision. Ces femmes sans abris sont drôle. L'humour est leur bouclier, leur manière de garder la tête haute, C'est une passerelle entre nous et elles.

Vous jouez une assistante sociale investie, mais le message reste qu'il faut le vouloir pour s'en sortir...
On n'est pas dans le cliché des assistantes sociales en tailleur, installées dans leur bureau à séparer des familles. On montre l'humain, ce qu'elles vivent exactement et pas l'image qu'on a d'elles. Je suis allée visiter des centres d'accueil pour m'informer, savoir ce qu'elles ressentent, où elles mettent la barrière entre le professionnel et le personnel. Il fallait aussi rencontrer des femmes SDF pour se rapprocher d'elles. On a passé des moments dingues avec ces femmes-là. Elles ont juste envie d'être considérés.

Y avait-il une pression particulière à jouer avec des actrices non professionnelles, des anciennes SDF ?
Je n'ai pas essayé d'exister. Elles prennent une place dingue à l'écran. Ce sont des actrices super fortes. En tant que comédiens "professionnels", on s'est dit qu'elles mettaient la barre très haut. Elles sont dans la sincérité, dans la vérité, dans l'humour. Elles ne jouent presque pas. La seule pression qu'on a pu avoir, c'était de leur rendre leur talent, de les faire briller.

Votre personnage a du mal à cloisonner vie professionnelle et personnelle. Y arrivez-vous plus facilement ?
Par moments, on oubliait presque qu'on tournait. Il y a une scène de thérapie de groupe, où les femmes du centre expliquent comment elles en sont arrivées là. Même l'ingénieur du son était en larmes. On a été dépassés face à ces confidences intimes. On avait du mal à mettre une barrière entre nous, en tant qu'êtres humains.

Qu'avez-vous appris pendant ce tournage ?
Je suis assez sensible sur ce sujet-là. J'ai appris que le plus difficile n'est pas forcément le froid, la faim, mais le regard des autres. Il y a des moments où on oublie, parce qu'on est dans le quotidien. On ne voit plus ces gens devant chez nous, devant le supermarché. La manière dont les gens les esquivent est ultra violente. A la limite, avoir une pièce, c'est le truc en plus. J'y prête encore plus attention qu'avant. Des sorties de route, on peut tous en faire. Une rupture, une dépression, le chômage, une maladie… on peut tomber au plus bas et si on n'as pas une main tendue, c'est difficile de se relever.

C'est un film centré sur un thème féminin, porté par un casting de femmes… Faites-vous attention à l'image que renvoient vos rôles ?
Ce métier est déjà tellement compliqué ! Si je commençais à réfléchir à ça, je serais incapable de faire quoi que ce soit. Je fonctionne au coup de cœur, de manière très spontanée. On se fait toujours tacler : quand on fait trop de comédies, quand on passe de la comédie au drame… Je serais trop malheureuse si j'y prêtais attention. Alors pour ne pas l'être, je fais des choix qui me donnent envie.

Les Invisibles, au cinéma le 9 janvier 2019.