Guillermo Del Toro, maxi-monstre du cinéma

A Marrakech, le réalisateur oscarisé pour "La Forme de l'Eau", a partagé son expérience, son savoir et son amour des monstres pendant le Festival International du Film. L'occasion pour nous de lui poser quelques questions sur le cet art fantastique.

Guillermo Del Toro, maxi-monstre du cinéma
© Mosa'ab Elshamy/AP/SIPA

On lui doit certaines des créatures les plus poétiques du grand écran. Guillermo Del Toro, sacré cette année par l'Académie pour son histoire d'amour entre une muette et un monstre aquatique, est aussi le papa du Labyrinthe de Pan, de Hellboy ou de Pacific Rim. En plus de réaliser, le Mexicain écrit des romans, produit des films, crée des jeux vidéos. Une imagination foisonnante, alliée à l'intelligence de transformer le fantastique et les monstres en objets humanistes. Présent au Festival International du Film de Marrakech pour évoquer sa carrière et sa vision du 7e art, le cinéaste nous a accordé un entretien autour de ses inspirations.

Le Journal des Femmes : Vous êtes à Marrakech pour une discussion autour du cinéma… Pourquoi c'est important de parler des films ?
Guillermo Del Toro : L'important, c'est le partage, discuter avec le public le plus large possible, écouter ce que les gens ont à dire. Quand j'étais petit, les films faisaient une différence si je pouvais savoir comment l'histoire avait été construite, ce que ça voulait dire. Je veux rendre au monde ce qu'il m'a donné quand j'étais jeune.

Quel film vous a changé ?
Beaucoup m'ont changé, mais 2001 l'Odyssée de l'espace, Taxi Driver, un film espagnol qui s'appelle L'Esprit de la ruche et Los Olvidados de Luis Buñuel font partie des plus importants. Frankenstein est le premier monstre que j'ai aimé. Je suis tombé amoureux de la créature.  En inventant Frankenstein, Mary Shelley a changé le monde. C'était la première fois qu'un livre fantastique posait des questions sur l'humain. Je suis un Mexicain de 54 ans et une ado du passé a bouleversé ma vie.

Pourquoi a-t-on besoin de fantastique ?
C'est l'instrument parfait pour adresser des messages importants, à une époque où le dialogue est presque impossible. Si nous ne sommes pas d'accord, c'est très difficile de vous faire acquiescer à ce que je dis ou ne serait-ce que m'écouter. Nous voyons la vie en binaire, en noir et blanc. Le fantastique, avec une bonne histoire, est l'outil idéal pour répandre mon message humaniste sans idéologie. Quand on commence par "il était une fois..." les gens écoutent.

Quel est le plus beau compliment qu'on puisse vous faire ?
Le cinéma m'a sauvé la vie. Quand je suis au plus bas, que je pense que le monde n'est plus capable de quoi que ce soit de positif, que tout est perdu… un film arrive et je me sens de nouveau vivant. Quand les gens vous disent ça, qu'ils sont touchés de manière très personnelle, c'est le plus beau des compliments.

Les Oscars, c'est un accomplissement personnel ?
Le Labyrinthe de Pan a gagné trois oscars et a été nommé pour six. Je n'ai réalisé qu'après à quel point c'était émouvant d'exister dans cette arène. Quand j'ai gagné avec La Forme de l'eau, c'était incroyable. J'ai été submergé par l'amour.

Duquel de vos films êtes-vous le plus fier ?
La Forme de l'eau, Crimsom Peak, Le Labyrinthe de PanL'Echine du Diable, Pacific Rim... J'aime les films qui s'approchent le plus de ce que j'avais imaginé. Le résultat dépend de votre aptitude à un moment précis, de votre âge, votre expérience. Je suis capable de faire de meilleurs films selon les circonstances, alors que parfois, je refais les mêmes erreurs qu'à 23 ans.

De quoi aimeriez-vous vous libérer ?
La libérté totale est un mythe. On ne peut pas se libérer du temps et du coût. Je ne peux pas tourner un film pendant 5 ans à 300 millions de dollars, mais dans la limite du raisonnable, je suis libre. S'il y a quelque chose que vous n'aimez pas dans un de mes films, c'est entièrement ma faute. La seule fois où je me suis senti brimé, c'était en 1997 avec Mimic.

Vous préparez un Pinocchio pour Netflix. Qu'aimez-vous chez lui ?
Pinocchio est similaire à Frankenstein. Ce sont des créatures artificielles, qui ont dû apprendre à devenir humaines après avoir été abandonnées au monde par un père. Pinocchio sera mon premier Frankenstein !

Le Festival International du Film de Marrakech s'est tenu du 30 novembre au 10 décembre.