GUY : Alex Lutz n'en fait qu'à sa guise et nous enchante [INTERVIEW]

Alex Lutz sort du bureau de Catherine et Liliane pour réaliser et incarner "Guy", au cinéma. Ce faux documentaire sur un chanteur has been est un vrai film, réussi et original, sur le temps qui passe. L'acteur-réalisateur-scénariste nous a parlé de ses inspirations pour ce coup de génie, de création et d'espérances.

GUY : Alex Lutz n'en fait qu'à sa guise et nous enchante [INTERVIEW]
© Marechal Aurore/ABACA

Guy n'est pas un chic type à première vue, mais on finit par l'adorer. Vieux con sur les bords, le personnage qui prend vie sous nos yeux pendant 1h41 nous laisse admiratif. De ses piques acerbes à ses réflexions inspirées en passant par ses moments de tendresse, ce chanteur dans la lignée d'un Herbert Léonard ou d'un Guy Marchand, d'après les dires de son créateur Alex Lutz, est une très belle rencontre. Du genre à bluffer les amateurs de septième art et à enchanter les grands sensibles. Guy est épatant par la mise en scène, l'écriture, le jeu. Il est inspirant par ses interrogations sur l'existence et sa critique d'une génération qui ne prend plus le risque d'être conne. Bref, Guy Jamet a tout pour lui. En signant ce portrait sous la forme d'un documentaire fictionnel, le réalisateur du Talent de mes amis prouve que ses potes ne sont pas les seuls talentueux de la bande. Rencontre avec un comédien qui excelle sur scène en tant qu'humoriste, sur Canal Plus en tant que secrétaire et sur grand écran en tant que cinéaste.

Le Journal des Femmes : Comment est née l'idée de Guy ?
Alex Lutz : Le cinéma est un tel exercice de patience et la mienne étant assez relative, pour mon deuxième film, je voulais qu'une idée puisse rapidement aboutir. Le style m'a donné la note. On peut vouloir faire un thriller, une comédie romantique… Moi c'était un beau documentaire de cinéma, qu'on regarde comme un film, ému, bouleversé, riant. J'avais aussi la forte envie d'incarner un personnage marqué et marquant, traversé par les questions du temps, de l'époque, de la filiation, du passage… Le pitch est très simple : un fils illégitime journaliste trouve un moyen, à travers le documentaire, d'aller à la rencontre de son papa.

La réalisation est ultra précise. On imagine le travail en amont pour parvenir à un tel niveau de réalisme…
Ce devait être une pure fiction qui ait l'air super vraie. Il fallait que ce Guy nous prenne le cœur pour qu'en le quittant, j'espère, on ait envie de se re-raconter l'histoire. Il y a eu beaucoup d'improvisation. On n'avait pas de scénario dialogué, mais des enjeux de scènes compilés dans un séquencier détaillé, construit comme si j'entreprenais un vrai reportage "à la rencontre de". J'ai dû me mettre dans la tête de Gauthier (le protagoniste du film, NDLR). Certaines lignes devaient être respectées pour l'objectif, mais une fois débarrassés des choses importantes à se dire, on laissait vivre les dîners, les rencontres…

Alex Lutz en Guy Jamet © Apollo Films

Comment avez-vous imaginé Guy Jamet ?
Grâce à mon amusement, mon plaisir fou à incarner. J'adore ça. Je me sens libre, capable d'exprimer beaucoup de choses sincères quand j'ai un cadre. Pour jouer une secrétaire, j'ai besoin de savoir qu'elle est un peu coincée, très élégante, UDF, que les cheveux longs l'emmerdent, qu'elle aime tel chanteur, qu'elle a horreur de ça… Plus vous répondez aux questions, plus vous pouvez être précis. Catherine est née comme ça. Vous pouvez me demander n'importe quoi sur Guy, de sa date de naissance à ce qu'il adore, j'ai la réponse. Je ponds mon œuf et la suite, c'est comme de la danse. C'est un plaisir un peu égoïste, mais mon métier me l'autorise. Cet exutoire vous pousse à vous exprimer, mais aussi à tenter de comprendre des sentiments qui ne sont pas les vôtres.

Le maquillage est bluffant. Est-ce plus difficile d'entrer dans la peau d'un personnage avec autant d'artifices ?
Au contraire. Il faut exploser le latex. Ça évite une paresse de jeu. J'aurais peut-être été plus maladroit sans. Sur scène, il y a un accord tacite avec le spectateur, qui accepte que vous ne montriez pas tout. Vous devez passer la rampe, bouffer le plateau. Le maquillage de cinéma remplace un peu ce truc. Ça me plait beaucoup.

L'approbation des autres vous importe-t-elle ?
C'est une des nombreuses morales du film. Notre société a le goût du sang. J'ai envie qu'on glisse aux gens "c'était bien", qu'on se félicite. Guy est réconciliant, pardonnant. Comme quand il dit : "J'ai aimé vivre et cette alternance de bonheur et de tristesse me va très bien." On peut se mettre en colère, s'engueuler et se dire qu'on s'aime, s'aider à se relever… tout en trouvant toujours aussi con ce que l'autre a dit avant. Un peu d'indulgence nous ferait grand bien.

Comme lui, vous dressez une barrière entre vie privée et publique ?
Dans notre société, on veut tout le temps se raconter. Moi je m'en fous. Je n'aime pas ça pour mon enfant, pour ma compagne, pour ma vie. Si je veux m'épancher, je le fais chez un psy ou avec mes supers proches. On est devenus fous, c'est bête.

Tom Dingler (l'interprète de Gauthier, ndlr) dit que Guy c'est vous vieux… Vrai ?
Il y a du vrai et du faux. J'envie à Guy son goût du risque, de l'indiscipline, une forme d'apaisement. Il est acceptant. Seul l'âge donne ça. Il se cabre encore. Vieux, j'aimerais avoir le public toujours au rendez-vous, peu importent les médias. Faire mon métier, monter mes chevaux, être avec ma compagne... Si tout ça est sauf, ça me va.

Guy, de et avec Alex Lutz. Au cinéma le 29 août.

"Guy (bande-annonce)"