Gemma Arterton : "J'avais trop d'argent, j'ai simplifié ma vie"

Gemma Arterton devient Tara dans "Une Femme heureuse", drame de Dominic Savage sur la difficulté d'être épanouie quand son rôle de mère ne suffit pas. L'actrice britannique, également productrice du film, nous a confié avoir mis beaucoup d'elle dans ce personnage qu'elle incarne avec une sensibilité rare. Entretien avec une fille "drôle et intelligente", qu'on ne saurait contredire.

Gemma Arterton : "J'avais trop d'argent, j'ai simplifié ma vie"
© KMBO

Le Journal des Femmes : Qui est Tara ?
Gemma Arterton : Tara est une femme normale, une jeune mère mariée. Elle est dans une période de sa vie où elle se sent perdue, sans passion. Il lui manque une connexion avec ses enfants, elle cherche quelque chose en plus. Elle n'a rien de remarquable, elle pourrait passer dans la rue sans qu'on la voit.

Qu'est-ce qui vous a plu chez elle ?
Sa banalité m'intéresse beaucoup. Plein de femmes sont comme elle. Comme c'est un film improvisé, je me suis inspirée des expériences de ma famille pour ce rôle. Ma grand-mère était une artiste avec cinq enfants. Un jour, elle a tout quitté. Elle avait beau adorer les siens, ce n'était pas assez pour elle. Pendant longtemps, on a considéré qu'être mère était le boulot d'une femme. Ça me fait peur ! Je n'ai pas encore d'enfants, mais je sais que ça ne sera pas assez pour moi.

Avec ce film, vous vouliez dénoncer cette injustice faite aux femmes ?
J'ai toujours été perplexe… On peut jouer des tueuses sans souci, mais incarner une femme qui abandonne sa famille reste tabou. C'est réducteur de penser que les femmes sont faites pour être mère. Pouvoir avoir des enfants ne veut pas dire que c'est un rôle pour toutes. Je connais quelqu'un qui a été abandonné par sa mère, c'était très dur pour lui. Il n'a pas compris. Cette histoire m'a fascinée. Je ne cesse de me demander ce qu'il s'est passé. J'ai aussi rencontré des femmes qui avaient décidé de ne pas avoir la garde de leurs enfants… On pense que ce sont des monstres, que quelque chose ne fonctionne pas en elles. J'ai voulu saisir l'opportunité d'explorer ce sujet.

Quel a été votre rôle dans la construction de ce personnage ?
Tous les dialogues étaient improvisés. J'ai rencontré Dominic Savage il y a 10 ans. J'étais divorcée, alors on a évoqué ce sujet. suite à nos discussions, il a écrit 30 pages de scénario sans dialogue, juste des scènes. C'est pendant le tournage qu'on a vraiment créé le film. On a particulièrement pensé à Une femme d'influence de Cassavetes ou Deux jours, une nuit des frères Dardenne. Des films très simples, qui suivent une femme lambda pendant quelques jours. Finalement, on a co-écrit le film.

Tourner dans votre ville d'origine, ça vous a aidée à entrer dans le personnage ?
Ça m'a aidée, même si c'était parfois troublant. J'imagine que je serais devenue comme elle si j'étais restée là-bas. On a tourné dans la maison de ma mère, elle était souvent sur le plateau, c'était bizarre. J'ai fait le plus gros du travail juste en étant sur place. Tous les souvenirs sont remontés… Il y a eu des moments déprimants. Ce n'était pas conscient, mais j'ai toujours eu envie de quitter cette ville où il ne se passait pas grand-chose. C'est un film très personnel.

Le mari de Tara ne comprend pas pourquoi elle est malheureuse alors qu'elle a tout le confort matériel. De quoi avez-vous besoin pour être épanouie ?
Il y a eu une période où j'avais trop de choses, trop d'argent. J'ai décidé de simplifier ma vie, de faire des films plus petits qui me permettaient d'être plus impliquée, plutôt que des blockbusters hollywoodiens. Ce n'était pas moi, ce ne sont pas les films que j'aime voir au cinéma. Je suis satisfaite quand je suis créative et entourée de gens comme moi, quand tout est simple. Je suis plus heureuse maintenant.

Si vous deviez fuir, où iriez-vous et pour quoi faire ?
C'est pour ça que j'aime vivre en Europe. En deux heures de vol, on peut se plonger dans une nouvelle culture. J'ai ça en moi : décider au dernier moment que je peux partir. J'ai ça en moi, claquer des doigts pour m'enfuir.

Une Femme Heureuse, en salles le 25 avril 2018.