En direct de Dinard : le cinéma de Philippe Besson

Ecrivain et scénariste, il manie les mots et les couche sur papier. Mais quand il s'agit de se faire une toile, quel spectateur est le dramaturge ? Rencontre avec Philippe Besson, membre du jury du 28e Festival du film britannique de Dinard et cinéphile passionné.

En direct de Dinard : le cinéma de Philippe Besson
© Lucas Lauer/Journal des femmes

Le Journal des Femmes : Quel jury êtes-vous ? Plutôt du genre à analyser ou à se laisser cueillir par l'émotion ? 
Philippe Besson : J'ai plutôt envie d'être dans l'instinct et de peu savoir si les films que je vais voir, pour être vierge et innocent. J'essaie d'avoir une approche sensible des films et pas intellectuelle. 

Cette sélection en quelques mots ?
Je la trouve équilibrée. Il y a des films qui ont des thématiques qui se répondent, la preuve que parmi les jeunes cinéastes - parce qu'on a beaucoup de premiers films - il y a des choses en profondeur qui remontent. C'est un cinéma qui s'empare du réel, de l'angoisse qu'ont certains de ne pas savoir quelle est leur place, de l'inconfort d'être soi. Je suis frappé aussi de voir que presque tous les films suivent un personnage, il n'y pas de films chorale. Ce sont des films à hauteur d'homme. Ou de femme. 

Comment qualifierez-vous le cinéma britannique en quelques mots ?
Protéiforme car il s'est beaucoup transformé sur les cinquante dernières années d'Alfred Hitchock à Ken Loach. Le cinéma britannique veut aussi dire son époque et sa géographie. En France, on aime le romanesque et le romantisme. Les Britanniques sont en prise direct avec le réel. 

Votre plus belle émotion de cinéma ?
Il y en a tellement ! Je vais plutôt vous dire la dernière. C'est Juste la fin du monde de Xavier Dolan. J'ai été ébloui, scotché, bluffé, emporté. C'est un film parfait pour moi. L'histoire racontée est implacable, on ne peut pas s'en échapper. 

Un fantasme d'ado au cinéma ? 
J'aimais les mecs qui étaient dans Outsiders, les Matt Dillon, Tom Cruise, C. Thomas Howell... Toute cette génération de jeunes acteurs qui avaient 20 ou 25 ans, quand moi j'en avais 16 ou 17, a été mes premiers émois sensuels. 

"J'ai été ébloui, scotché, bluffé, emporté"

Le film culte que vous prétendez avoir vu ?
Comme j'adore mentir, c'est fort possible qu'il y ait des films dont je peux parler pendant des heures sans les avoir vus. 

Quelle est votre film "Madeleine de Proust", celui qui vous remonte le moral à coup sûr ?
Les Tontons Flingueurs. C'est merveilleusement dialogué et loufoque. 

Si on faisait un biopic de votre vie, qui interprèterait Philippe Besson ? 
Je pense que ça ne peut être que Brad Pitt, parce qu'il y a une ressemblance évidente entre lui et moi (rires)

Et qui le réaliserait ? 
Spielberg ! Ca me parait évident... Vraiment ma vie ne supposerait pas que l'on fasse un film et moi encore moins. Il vaut mieux faire des bons films que de raconter ma vie (rires)

Alors lequel de vos livres ferait le meilleur film ? 
Je serais curieux de voir mon premier roman, En l'absence des hommes, devenir un film. Ca m'intéresserait de voir ce qu'on peut en faire. 

Une scène de votre vie que vous voudriez voir sur grand écran ?
Mon avant dernier roman, Arrête avec tes mensonges, qui est un livre autobiographique qui me raconte en 1984 à 17 ans va être certainement adapté. Les droits ont été achetés et le réalisateur Olivier Peyon est en train d'écrire le scénario, pour un tournage en 2018. Je vais donc voir Philippe Besson binoclard, avec un pull jacquard et de l'acné florissante sur un écran de cinéma. 

La scène de cinéma qui vous a le plus fait rire ?
Celle de La Grande Vadrouille. Quand Bourvil dit devant l'officier allemand "Ils peuvent me tuer je parlerai pas !" et que De Funès lui répond "Moi non plus, ils peuvent vous tuer, je ne parlerai pas !" 

"Je vais me voir binoclard, avec un pull jacquard et de l'acné florissante sur un écran de cinéma"

Vous pouvez inviter 3 personnalités du cinéma autour d'une table pour un diner : qui réunissez-vous ?
James Dean, Marilyn Monroe et Marlon Brando.

Le film qui a changé votre vie ?
Un film qui a changé ma vie, je ne sais pas, mais qui m'a profondément marqué, c'est Les Heures. Le livre m'avait bouleversé, m'a longtemps poursuivi et forgé mon parcours d'écrivain. Et le film est encore mieux que le film. Les destins de ces trois femmes me hantent. Notamment le personnage joué par Julianne Moore, une Californienne qui pense à se suicider. Il m'a d'ailleurs servi d'inspiration pour un roman. Celui joué par Meryl Streep également me parle puisqu'il s'agit d'une éditrice qui a un rapport particulier à son auteur. Nicole Kidman y interprète Virginia Woolf. Et le film relate un échange entre elle et son mari quand elle écrit Mrs Dalloway et qu'elle dit a son époux qu'elle sait qui elle veut faire mourir dans son livre car "il faut que quelqu'un meurt pour que nous donnions tous un prix à la vie"

Enfin, s'il fallait envoyer un film aux extraterrestres pour présenter l'humanité. Que leur montrerions-nous ? 
La vache ! (rires) La Guerre du feu. Qu'ils commencent par ça, puisqu'on a commencé par ça nous aussi.