Rossy de Palma : "Pedro Almodóvar ne m'a pas découverte dans un bar, c'est une légende"

Rossy de Palma est l'une des muses de Pedro Almodóvar. A l'affiche de "Julieta", la comédienne espagnole a fait un saut à Cannes pour nous parler de son réalisateur fétiche, de son Festival et de ses projets. Rencontre sur la Croisette.

Rossy de Palma : "Pedro Almodóvar ne m'a pas découverte dans un bar, c'est une légende"
© Fiona Ipert / JDF

"Pour moi, Cannes, c'est les fleurs et la couleur bleue", nous glisse Rossy de Palma. De passage sur la Croisette pour soutenir Julieta de Pedro Almodóvar, la comédienne s'est donc assortie à la ville du cinéma. Robe fleurie dans des tons azurés, chapeau sur la tête et lunettes de soleil sur le nez, cette "gueule" du 7e art, exubérante et sympathique, nous a parlé de celui qui l'a révélée au grand écran et de son rapport au cinéma. L'actrice a profité de son jour off à l'opéra de Milan, où elle se produit actuellement, pour monter les marches et rencontrer les journalistes. "Une bonne actrice doit savoir disparaître pour laisser place au personnage", nous explique-t-elle. Tout le monde connaît la personnalité explosive, le charisme électrique de la bombe de Palma. C'est dire si elle est excellente dans ce qu'elle fait.

Rossy de Palma à Cannes © Instagram @Journaldesfemmes

Le Journal des Femmes : Dans Julieta, vous êtes Marian, gouvernante inquiétante et mystérieuse...
Rossy de Palma : Pedro m'a dit qu'il avait un rôle pour moi, petit mais clé dans le développement de l'histoire. Mon personnage incarne l'idée que les femmes doivent se sacrifier pour le bonheur de la famille, des gens qui les entourent. Elle est comme le Coryphée des tragédies grecques qui annonce les drames. Elle est antipathique, dure, rigide. On a tous une tante ou une grand-mère qui lui ressemble, pas féministe du tout.

Après presque 30 ans de collaboration avec Pedro Almodóvar, le plaisir est-il le même ?
C'est comme un jeu, je m'éclate. On a fait beaucoup de blagues pendant ce tournage. On a profité qu'Adriana Ugarte et Daniel Grao n'aient jamais travaillé avec lui pour les faire marcher. Il me disait : "On ne dit rien, mais tu entres et tu dis ça." Ils ne savaient pas si on se moquait d'eux. Je suis tellement en sécurité avec Pedro que je m'abandonne. On a cette confiance, cette familiarité entre nous qui fait que le travail devient un vrai plaisir. 

Lequel de ses films vous a le plus marquée ?
En tant que spectatrice, j'ai un coup de foudre éternel pour Qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça. En tant qu'actrice, je trouve Julieta magnifique, un vrai chef-d'œuvre. Normalement, les films intello nous laissent toujours de marbre. Là, il y a de l'émotion, il te remue les tripes, te laisse en digestion. Tu y penses pendant des jours, des images te reviennent.

Pedro Almodóvar filme les femmes comme personne. Quel est son secret ?
Il ne me l'a jamais dit (rire) ! Je crois que c'est son intérêt aux choses. Sa mère a eu beaucoup d'influence sur lui. Il est issu d'un vrai matriarcat et ça se ressent dans ses films.

Vous êtes une "chica" d'Almodóvar, une muse de Gaultier. Qu'est-ce que ça fait de fasciner de grands artistes ?
Je suis fascinée par eux aussi, c'est réciproque ! Jean Paul est un gamin. Il n'a pas changé depuis les années 90. Je viens de déjeuner avec lui et c'est toujours joyeux, innocent, drôle. C'est un petit garçon qu'on ne peut qu'aimer. Pedro c'est pareil, il aime s'amuser. Ils ont un côté solaire.

Il vous a découverte alors que vous travailliez dans un bar…
C'est une légende ! Je suis arrivée à Madrid avec mon groupe musical de l'époque, Peor Impossible. Pedro, qui était déjà célèbre dans la sphère undergound, venait à nos concerts. On s'est connus dans un milieu artistique, on évoluait dans la même ambiance culturelle. Nous sommes devenus amis. Parce que la musique ne suffisait pas pour vivre, je travaillais dans un bar où on se réunissait tous. Il est venu un jour où il préparait le rôle de Carmen dans la Loi du désir. Je portais une robe très extrême que j'avais faite et des boucles d'oreilles que je fabriquais, il voulait savoir d'où ça venait. C'est lui qui m'a demandé si je voulais un petit rôle dans le film.

C'était votre première expérience de cinéma...
Il a demandé au coiffeur de ne pas me coiffer parce qu'il voulait que je le fasse, au maquilleur de ne pas me maquiller pour la même raison. Il a même dit à la styliste que j'allais porter mes fringues. Je jouais une journaliste, mais c'était tellement moi esthétiquement que je n'ai pas eu le sentiment d'interpréter. Par la suite, il m'a écrit le rôle de Marisa dans Femmes au bord de la crise de nerfs qui n'avait rien à voir avec ma personnalité. C'est là que j'ai commencé à être comédienne.

Vous avez déjà pensé à passer derrière la caméra ?
J'ai un projet en France qui se tournerait en Espagne, qui s'appellerait Pan con tomate. Ce serait ma première expérience en tant que réalisatrice, même si j'ai déjà tourné deux petites pubs. Le cinéma, c'est difficile ! Je m'en suis vraiment rendu compte en tant que jurée à Cannes l'année dernière. J'y ai vu des films de grands metteurs en scène, certains étaient réussis, d'autres non. J'ai réalisé à quel point c'était arbitraire. Même quand on a tous les ingrédients, on n'est jamais sûrs du résultat.

Rossy de Palma nous raconte son Festival en vidéo :

"Cannes 2016 : Rossy de Palma"

Julieta, de Pedro Almodóvar. En compétition officielle et au cinéma.

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